St-Hilaire s’est-elle fait «couper les ailes» par Mushikiwabo à l’OIF?

La secrétaire générale de l’OIF, Louise Mushikiwabo, lors d’un passage à Québec, le 10 mai 2022
Jacques Boissinot La Presse canadienne La secrétaire générale de l’OIF, Louise Mushikiwabo, lors d’un passage à Québec, le 10 mai 2022

L’ancienne ministre des Relations internationales Christine St-Pierre affirme que la nouvelle administratrice de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF), Caroline St-Hilaire, s’est fait « couper les ailes » par des changements orchestrés par la secrétaire générale Louise Mushikiwabo.

Mme St-Pierre estime que la dimension diplomatique a été retirée des fonctions de Mme St-Hilaire la semaine dernière, après l’annonce de sa nomination. « C’est troublant, parce que ça sort une fois que la nouvelle administratrice est nommée. Ce que je vois là-dedans, c’est que [Mme Mushikiwabo] tente de couper le plus possible les ailes à la nouvelle administratrice, de lui laisser le moins de marge de manoeuvre possible », a-t-elle dit en entrevue.

Le Devoir a révélé que la secrétaire générale de l’OIF, Louise Mushikiwabo, avait annoncé la semaine dernière des modifications à l’organigramme de l’organisation par lesquelles elle s’attribue la gestion directe d’une dizaine de délégations réparties un peu partout dans le monde. Mme Mushikiwabo a également renouvelé les mandats du personnel qui travaillera étroitement avec Mme St-Hilaire, dont son chef de cabinet.

Les représentations extérieures étaient jusqu’ici sous la responsabilité de l’administrateur de l’OIF, qui peut, selon les règles internes de l’organisation, proposer au secrétaire général la nomination du personnel de son bureau.

Selon Mme St-Pierre, qui a été ministre des Relations internationales de 2014 à 2018 dans le gouvernement libéral de Philippe Couillard, le poste d’administrateur comportait jusqu’ici une dimension diplomatique. « C’est un peu ce que l’administrateur faisait, il était chargé des ressources humaines et du budget de l’OIF, mais il avait un rôle de diplomatie aussi. En [lui retirant] la responsabilité des bureaux, on lui coupe les ailes. »

Mme St-Pierre a également constaté que Caroline St-Hilaire devrait composer avec une équipe de proches collaborateurs choisis par la secrétaire générale. « On l’encadre à la main de Mme Mushikiwabo, a-t-elle dit. Ce sont les personnes de Mme Mushikiwabo qui vont être autour d’elle, et son rôle m’apparaît réduit. On va voir comment ça va se passer pour elle. »

Le Québec étant, tout comme la France et le Canada, un important contributeur du budget de l’OIF, il aurait dû être informé que de tels changements étaient envisagés, affirme l’ancienne ministre.

Gouvernance et transparence

À l’Assemblée nationale, la ministre actuelle des Relations internationales, Martine Biron, n’a pas voulu dire si le Québec avait été informé de ces changements ou les avait approuvés lors d’une réunion du Conseil permanent de la Francophonie, l’équivalent du conseil d’administration de l’OIF. « L’OIF est une institution reconnue avec des statuts, des règles, une secrétaire générale, un conseil d’administration. La secrétaire générale, si elle veut faire des changements, elle les soumet au conseil d’administration, et c’est au conseil d’administration de prendre ses décisions. »

Mme Biron a répété que l’OIF était aux prises avec des problèmes de gouvernance et de transparence. « Le Québec est chanceux de pouvoir compter sur une personne aussi compétente que Caroline St-Hilaire », a-t-elle réitéré.

Plus tôt, le Parti libéral du Québec avait souligné que le gouvernement québécois devait résister à toute modification du rôle de Mme St-Hilaire.

La députée libérale Michelle Setlakwe a affirmé mardi que le Québec avait un rôle fondamental à jouer au sein de l’OIF pour le rayonnement de la langue française dans le monde. « Mme St-Hilaire va arriver en poste incessamment. Quel va être son rôle ? Sera-t-il réduit ? Le Québec a sa place au sein de l’OIF, c’est un membre à part entière avec un rôle à jouer, il ne faut absolument pas que ça vienne réduire l’importance de ce rôle », a-t-elle déclaré en point de presse.

Le chef libéral intérimaire, Marc Tanguay, a souligné qu’il était important de s’assurer que l’OIF est bien gérée. « C’est préoccupant ce qu’on entend, ce qui se passe à l’OIF », a-t-il dit.

Un rapport de consultants externes avait proposé en 2020 un nouvel organigramme qui confiait hiérarchiquement la gestion des représentations extérieures — situées en Europe, en Afrique, en Asie et dans les Amériques — à un service relevant de l’administrateur et non du secrétaire général. Ce document, préparé par la firme KPMG, a servi de feuille de route à une vaste restructuration de l’OIF amorcée par Mme Mushikiwabo. La secrétaire générale s’en est d’ailleurs servi pour effectuer des licenciements.

Le cabinet de Mme Mushikiwabo a assuré lundi que Mme St-Hilaire conserverait les responsabilités administratives des représentations. Quant au personnel de son cabinet, il s’agirait de nominations temporaires.

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