Le Bloc québécois dénonce un «manque d’humanisme» chez Immigration Canada

Les députés bloquistes Rhéal Fortin et Alexis Brunelle-Duceppe en compagnie de Rose Eva, une Camerounaise expulsée du territoire en 2020
Courtoisie du Bloc québécois Les députés bloquistes Rhéal Fortin et Alexis Brunelle-Duceppe en compagnie de Rose Eva, une Camerounaise expulsée du territoire en 2020

« Manque d’empathie et d’humanisme », « structure dysfonctionnelle » : le porte-parole en matière d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté du Bloc québécois, Alexis Brunelle-Duceppe, ne mâche pas ses mots en parlant d’Immigration Canada, en entrevue avec Le Devoir.

Le Bloc québécois tient samedi un point de presse à l’aéroport Pierre-Elliot Trudeau afin de souligner l’arrivée au pays de Rose Eva, une Camerounaise expulsée du territoire en 2020. La jeune femme avait obtenu un permis d’étude pour compléter une technique en informatique à l’Institut Teccart.

Elle avait obtenu son diplôme précocement grâce à ses bons résultats, et avait ensuite continué à travailler dans une boutique de vêtements, où elle avait été embauchée pendant ses études.

Le visa que détenait Mme Eva lui interdisait cependant de travailler une fois son diplôme obtenu, ce qu’elle ignorait. Le ministère de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté du Canada l’avait donc renvoyée au Cameroun, en janvier 2020.

« Aujourd’hui, elle revient avec une résidence permanente et on en est bien heureux », se réjouit Rhéal Éloi Fortin, député bloquiste de Rivière-du-Nord, la circonscription dans laquelle résidait la jeune femme. « Mais c’est une situation que je déplore pour l’ensemble de la société québécoise et canadienne : on avait une immigrante qualifiée et intégrée, et on l’a retournée chez elle. »

Dans un communiqué, le Bloc indique que le bureau de circonscription de M. Fortin a aidé Mme Eva dans ses démarches administratives « depuis son exclusion en janvier 2020 jusqu’à son retour. »

Mme Eva devait initialement arriver à Montréal vers 11 heures du matin, mais elle aurait été « retenue à Toronto » et aurait manqué son vol, indique le Bloc québécois. Elle est finalement arrivée vers 15 heures à Dorval.

Un ministère « dysfonctionnel »

Pour le député de Lac-Saint-Jean, Alexis Brunelle-Duceppe, cette situation est symptomatique d’un « manque d’empathie et d’humanisme » chez Immigration Canada. « S’il y a bien un ministère qui se doit d’être humain et empathique, c’est celui-là, insiste-t-il. Les dossiers qu’on gère, c’est pas des statistiques, c’est des vraies personnes. »

Il invoque le cas de Rose Eva pour illustrer son propos. « Ils l’ont détenue, ont pris son téléphone, l’ont mise dans une pièce fermée. C’est bouleversant, […] c’est extrêmement humiliant. » Pour lui, le constat est clair : « Ce ministère est dysfonctionnel. »

Cet automne, le gouvernement a allégé certaines restrictions inhérentes au visa d’études. Certains étudiants peuvent désormais travailler plus de 20 heures par semaine, ce qui était auparavant interdit. Le Bloc québécois demande maintenant au gouvernement de lever le règlement qui a coûté son visa à Rose Eva, c’est-à-dire l’interdiction de travailler une fois le diplôme complété.

Le chemin Roxham, un sujet chaud

 

Questionné sur un sujet chaud de l’heure, le chemin Roxham, M. Brunelle-Duceppe n’a pas voulu se positionner en faveur ou non de sa fermeture. « Nous, on demande au gouvernement depuis 2019 de suspendre l’entente sur les tiers pays sûrs », a-t-il martelé.

Cette entente stipule qu’un migrant qui met d’abord le pied en territoire américain doit obligatoirement faire sa demande d’asile en sol américain, et vice-versa s’il est d’abord arrivé au Canada. Voilà pourquoi plusieurs migrants préfèrent arriver au Canada en empruntant le chemin Roxham, un passage non officiel où ils ne se feront pas contrôler par les agents frontaliers.

« Si on suspend cette entente, les migrants pourraient faire leur demande aux postes frontaliers de l’ensemble de la frontière canadienne, ce qui enlèverait la pression sur le Québec », croit M. Brunelle-Duceppe.

Il souligne que le gouvernement canadien aurait le pouvoir de suspendre l’entente sur les tiers pays sûrs pour une durée minimale de trois mois et ce, sans l’accord du gouvernement américain. « Un moment donné, il va falloir mettre ses culottes, assène-t-il. Mais le gouvernement canadien a peut-être peur de froisser les Américains. »

Rappelons que le 4 janvier dernier, le migrant haïtien Fritznel Richard avait été retrouvé mort à proximité du chemin Roxham, alors qu’il tentait de rejoindre les États-Unis.

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