Fitzgibbon appelle les Québécois à la «sobriété» énergétique
Les nouveaux besoins en électricité pourraient nécessiter d’ajouter jusqu’à 150 térawattheures (TWh) à la capacité d’Hydro-Québec d’ici 2050, estime le ministre de l’Économie et de l’Énergie, Pierre Fitzgibbon, qui envisage déjà de prendre des mesures pour inciter les abonnés de la société d’État à consommer moins d’énergie.
M. Fitzgibbon a précisé vendredi qu’il faudra plus que les 100 TWh avancés cette semaine par le premier ministre François Legault dans son discours d’ouverture.
« Le chiffre est entre 100 et 150 TWh », a déclaré le ministre dans un point de presse à l’Assemblée nationale.
En campagne électorale, M. Legault avait formulé le souhait de relancer la construction de barrages hydroélectriques pour répondre à la demande et éliminer les gaz à effet de serre d’ici 2050. Hydro-Québec aura besoin de nouveaux approvisionnements dès 2027.
Le Devoir rapportait vendredi que M. Legault ignorait l’existence d’une étude, commandée par son gouvernement, indiquant qu’il faudrait 137 TWh et non 100 TWh supplémentaires.
M. Fitzgibbon a expliqué vendredi qu’il est encore impossible de préciser exactement combien d’énergie éolienne ou solaire ou de centrales hydroélectriques il faudra ajouter d’ici 2050.
« L’enjeu n’est même pas là, a-t-il dit. L’enjeu, c’est, à court terme, qu’est-ce qu’on fait ? »
Outre l’ajout d’éoliennes, le gouvernement envisage de légiférer dès l’an prochain pour inciter les abonnés de la société d’État à moins consommer d’électricité lors des périodes de pointe, qui totalisent 80 heures par année.
« Les entreprises qui veulent du courant électrique, peut-être qu’on va leur dire que les 80 heures de pointe par année, pour une gestion de pointe, vous n’en aurez pas, de courant électrique, on va le baisser », a-t-il dit.
Les abonnés résidentiels pourraient également être sollicités dans l’effort pour réduire la consommation d’énergie.
« Nous, les consommateurs, il faudra peut-être changer nos habitudes, a expliqué le ministre. Laver la vaisselle, on le fera à minuit. »
Sobriété
M. Fitzgibbon croit qu’il y a beaucoup de marge à gagner encore au Québec en changeant les habitudes de consommation d’électricité.
« Je parle beaucoup de sobriété, a-t-il dit. Pour connaître un peu ce qui se passe dans le monde, nous ne sommes pas sobres dans notre consommation. »
Le ministre a donné l’exemple d’habitudes différentes dans des pays comme la Chine. « J’ai vécu en Chine et je peux vous dire qu’on arrivait le soir dans les maisons, c’était froid », a-t-il illustré.
Avec ces mesures de « sobriété » énergétique, M. Fitzgibbon espère limiter la construction coûteuse des infrastructures nécessaires pour augmenter la capacité d’Hydro-Québec. « Je pense que [ces mesures équivalent à] un barrage », a-t-il dit.
M. Fitzgibbon a indiqué qu’il privilégierait le développement éolien « au maximum », peut-être dans le nord du Québec, avant les barrages hydroélectriques.
« Est-ce qu’on peut faire des projets éoliens massifs dans des endroits où ce sera socialement acceptable et [de les] relier avec des lignes de transport vers le sud ? Mon intuition me dit qu’on devrait regarder ça sérieusement », a-t-il dit.
Un important projet de loi touchant Hydro-Québec et la Régie de l’énergie sera présenté l’an prochain par le ministre. Il pourrait également préciser les mesures de « sobriété ».
« Ce n’est pas quelque chose qu’on va faire en bâillon, a-t-il précisé. On va consulter, parce que c’est très, très massif, c’est majeur. »
Hausses plafonnées
Vendredi, le gouvernement a déposé un projet de loi pour plafonner les hausses tarifaires d’Hydro-Québec.
Le texte législatif, qui sera étudié en commission parlementaire, prévoit que les augmentations ne pourront pas dépasser 3 %. Cette précision fait suite à l’adoption par le gouvernement caquiste d’un projet de loi appariant ces hausses au taux d’inflation en 2019.
Avec cette modification, présentée par le ministre Fitzgibbon, les hausses tarifaires d’Hydro-Québec progresseraient suivant l’inflation, jusqu’à un maximum de 3 %.
Le ministre a estimé que, sans ce projet de loi, les tarifs augmenteraient de 6,5 %.
« On ne savait pas, à l’époque, qu’on aurait une inflation de 6,5 %, a-t-il expliqué. Correct, on corrige ça puis on dit : “C’est encore l’inflation, mais on met un plafond.” »
Le gouvernement caquiste avait déjà annoncé son intention de corriger le tir de cette façon. Un projet de loi avait même été proposé par le prédécesseur de M. Fitzgibbon, Jonatan Julien, mais il est mort au feuilleton avec la dissolution de la Chambre précédant la campagne électorale.
Le projet de loi déposé vendredi permettra également d’assouplir les exigences de branchement de nouveaux clients industriels pour Hydro-Québec. Le texte législatif propose d’abaisser le plafond de cette obligation imposée aux projets de 50 mégawatts (MW) et moins à ceux de 5 MW et moins.
L’intérêt de répondre aux demandes de plus de 5 MW sera déterminé par les fonctionnaires du ministère de M. Fitzgibbon et par Hydro-Québec. L’impact économique des projets et leur contribution à la décarbonation seront évalués.