Une «insurrection» au sein de la police d’Ottawa pendant le Convoi de la liberté

Les conflits entre policiers auraient notamment eu pour conséquence l’annulation d’une importante opération dans laquelle 400 agents de police étaient mobilisés pour démanteler un segment du convoi près de la colline du Parlement.
Jacques Nadeau Archives Le Devoir Les conflits entre policiers auraient notamment eu pour conséquence l’annulation d’une importante opération dans laquelle 400 agents de police étaient mobilisés pour démanteler un segment du convoi près de la colline du Parlement.

Les policiers d’Ottawa fomentaient « une espèce d’insurrection » contre leur chef, Peter Sloly, au beau milieu de la crise du Convoi de la liberté, a dévoilé une conseillère municipale mercredi dans le cadre de l’enquête publique sur les mesures d’urgence.

« Le chef Sloly m’a dit : “il y a une lutte intestine au sein de la police” », a raconté Diane Deans, qui était présidente de la Commission de services policiers d’Ottawa durant l’essentiel de l’occupation par le Convoi de la liberté l’hiver dernier.

Les conflits entre policiers auraient notamment eu pour conséquence l’annulation d’une importante opération dans laquelle 400 agents étaient mobilisés pour démanteler un barrage de camions près de la colline du Parlement.

La politicienne municipale a affirmé à huis clos aux avocats de la commission Rouleau sur l’état d’urgence que le premier chef noir de la police d’Ottawa faisait face à du racisme dans les rangs de la police, et que ce dernier était vu dans l’organisation comme « un étranger » puisqu’il était récemment débarqué de Toronto pour ce poste. Elle a qualifié l’environnement de travail d’« empoisonné ».

Insurrection

 

Mme Deans a ensuite décrit lors des audiences publiques, mercredi, une série d’incidents qui démontrent, selon elle, « qu’il y avait en quelque sorte une insurrection qui se déroulait ». Elle a utilisé deux fois le mot « insurrection » lors de son témoignage.

Elle a notamment mentionné que le commandant responsable des incidents avait dû être remplacé plusieurs fois, et qu’un conflit entre la cheffe adjointe Trish Ferguson et d’autres policiers a valu à cette dernière d’être envoyée en congé quelques jours au beau milieu de la crise. Cette policière doit témoigner devant le juge Paul Rouleau jeudi.

Contre-interrogée par l’avocat du Service de police d’Ottawa, Diane Deans a convenu que ses propos n’ont pas été confirmés par une enquête, mais constituent « des observations » basées sur « des allégations ».

Des manifestants au volant de camions ont formé le Convoi de la liberté, qui a bloqué des rues du centre-ville d’Ottawa durant trois semaines, en janvier et février derniers. L’événement a mené à la première invocation en 30 ans d’histoire de la Loi sur les mesures d’urgence par le gouvernement fédéral.

La police d’Ottawa a été blâmée sur plusieurs fronts, en premier lieu pour avoir laissé les camions s’installer devant le parlement, mais aussi pour des signes de sympathie sur le terrain à la cause des manifestants. Une enquête du Devoir a démontré que l’attitude tolérante des policiers a, du moins dans un premier temps, été interprétée par les manifestants comme une preuve de la légalité de leurs actions.

Désaccords sur le nouveau chef

 

Diane Deans a été destituée de son poste de présidente de la Commission de services policiers, qui agit en quelque sorte comme l’employeur du chef de police, le 16 février. C’est le lendemain de la démission du chef Sloly et deux jours après l’invocation des mesures d’urgence fédérales.

La commission a diffusé mercredi l’enregistrement d’une conversation téléphonique de 10 minutes entre la conseillère municipale et le maire d’Ottawa, Jim Watson, qui montre un profond désaccord entre eux sur la personne appropriée pour remplacer Peter Sloly à la tête de la police. Mme Deans a insinué que l’homme choisi pour ce poste, le chef adjoint Steve Bell, était « impliqué » dans la contestation interne.

Favorable à l’ex-chef, elle a notamment décrit mercredi au juge Rouleau comment M. Sloly a lui-même suggéré d’offrir sa démission, en échange d’un montant d’argent, une semaine avant son départ. Le montant du chèque n’a pas été révélé. Comme l’a déjà déclaré l’ex-chef Peter Sloly, il a été répété mercredi que la police d’Ottawa avait en main un plan qui exigeait plus de policiers pour mettre fin à l’occupation.

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