Vers la fin du monopole péquiste sur la Côte-Nord?

Le caquiste Yves Montigny (sur cette photo) a beau avoir remporté ses élections municipales avec 68% des voix en 2017, puis avoir été élu par acclamation l’automne dernier, il demeure moins populaire que le PQ dans la région, martèle le député sortant de René-Lévesque, Martin Ouellet.
Photo: Marco Bélair-Cirino Le Devoir Le caquiste Yves Montigny (sur cette photo) a beau avoir remporté ses élections municipales avec 68% des voix en 2017, puis avoir été élu par acclamation l’automne dernier, il demeure moins populaire que le PQ dans la région, martèle le député sortant de René-Lévesque, Martin Ouellet.

Les murs jaunes de l’Auberge de jeunesse de Tadoussac parlent. « Oui, 66,32 % ; Non, 33,68 % », disent-ils ici.

Le dernier référendum sur la souveraineté du Québec a beau avoir eu lieu il y a près de 27 ans, la Côte-Nord — et tout particulièrement Tadoussac — a toujours la fièvre indépendantiste… et péquiste, assure l’ingénieur forestier à la retraite Daniel tout en désignant le mur derrière lui. « La CAQ ne passera pas icitte », dit-il avec assurance.

La formation indépendantiste représente René-Lévesque et Duplessis depuis respectivement 19 ans (2003) et 46 ans (1976).

Pourtant, le modèle statistique de projection électorale Qc125 prédit que la Coalition avenir Québec (CAQ) fera voler en éclats le monopole du Parti québécois (PQ) sur la Côte-Nord aux prochaines élections.

 

L’équipe de Paul St-Pierre Plamondon a mis du temps à recruter ses candidats dans la région. Jeff Dufour Tremblay (René-Lévesque) et Marilou Vanier (Duplessis) auront la lourde tâche d’empêcherque les deux châteaux forts nord-côtiers ne tombent au profit de la CAQ — Martin Ouellet (René-Lévesque) et Lorraine Richard (Duplessis) ayant tous deux convenu de ne pas solliciter un autre mandat.

Leurs principaux adversaires : les caquistes Yves Montigny (René-Lévesque) et Kateri Champagne Jourdain (Duplessis).

« Toute la Côte-Nord, là, ça va rester péquiste », répète Daniel, sous sa casquette NYC, tout en traversant d’un pas rapide le hall de l’auberge. Ce n’est évidemment pas l’avis de tous.

Attablée dans un Tim Hortons de Baie-Comeau, Gemma Lévesque dit être persuadée que les jours du PQ sur la Côte-Nord sont comptés. « René Lévesque, j’ai voté pour lui une fois », admet-elle, une tasse « bleue Saint-Jean-Baptiste » à la main. Chose étrange, « personne ne dit » dans la région qu’il appuie le PQ, fait-elle remarquer, aux côtés de deux retraités de Produits forestiers Résolu, Gabriel « Gaby » Chouinard (son mari) et Richard Gendron (son ami). « Je me dis : comment ça se fait [que les péquistes sont] passés toutes ces années ? »

Gaby Chouinard voit d’un bon oeil la candidature d’Yves Montigny dans René-Lévesque, mais c’est le travail du premier ministre François Legault qui l’incite à appuyer la CAQ le 3 octobre prochain. « Legault, il a marqué de bons points avec la façon dont il s’est conduit pendant la pandémie. Il a gagné mon respect », signale-t-il. « Je ne vote pas pour le parti, je vote pour lui. »

Il est pratiquement 21 heures. Une jeune serveuse s’approche timidement du trio de buveurs de café. « Monsieur Gaby, voulez-vous des beignes gratis ? » demande-t-elle, avant d’éteindre les lumières du géant de la restauration rapide. « Je suis vraiment désolée », ajoute-t-elle en escortant les retraités vers la sortie.

« Les péquistes ont changé »

« Je pense que le timing est parfait pour moi », soutient Yves Montigny, ex-péquiste recyclé en candidat caquiste, en entrevue avec Le Devoir au coeur de Baie-Comeau. « Les péquistes ont changé. Le monde me le dit : “On n’est plus là”. […] La papetière est fermée. Là, le chef du PQ va venir ici, puis il va parler d’indépendance toute la journée », prévoit celui qui, en 2015, avait participé à la course à l’investiture du PQ dans René-Lévesque… contre un certain Martin Ouellet, aujourd’hui député péquiste sortant.

Martin Ouellet se souvient d’avoir, à l’époque, accueilli la candidature de M. Montigny, ancien membre fondateur de l’Action démocratique du Québec (ADQ), comme une « surprise ». « On n’a jamais cru qu’il était péquiste », souligne-t-il.

Yves Montigny a beau avoir remporté ses élections municipales avec 68 % des voix en 2017, puis avoir été élu par acclamation l’automne dernier, il demeure moins populaire que le PQ dans la région, martèle le député sortant de René-Lévesque. « Le pouvoir, l’opposition, les gens ne portent pas beaucoup d’attention à ça ici. Ce qu’ils veulent, c’est quelqu’un qui porte leur voix. […] La campagne électorale va servir à faire le bilan, et je n’ai pas beaucoup de gains chez moi du côté de la CAQ », dit-il.

À Rivière-Pentecôte, dans la circonscription voisine de Duplessis, Mario Hanley n’y va pas par quatre chemins : peu importe le gouvernement, c’est du pareil au même. « On est tout le temps laissés de côté, sur la Côte-Nord », souffle-t-il devant son camion, à l’ombre d’une église en bois blanc érigée à quelques pieds d’un escarpement rocheux.

Marcel Bourque, 87 ans, a, lui, vécu toute sa vie dans le petit village de Baie-Johan-Beetz, sis à mi-chemin entre Havre-Saint-Pierre et Natashquan, qui fête son 150e anniversaire cet été. Il n’y a vu passer qu’un premier ministre. « M. Lévesque est venu ici, puis j’étais maire dans le temps », raconte-t-il. Depuis, aucun chef de gouvernement québécois n’a fait le voyage, indique M. Bourque.

Et Marjolain Dufour est le dernier député du coin à avoir défendu les intérêts de la Côte-Nord au Conseil des ministres. Il l’a fait durant les 18 mois du gouvernement Marois (2012-2014).

« Tout le monde vote [Parti] québécois, tabarnak. Mais c’est la CAQ qui a le pouvoir », s’impatiente de son côté Claude Gravel sur le porche de sa maison, à quelques pas de la route 138.

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