Une «action éclair» contre la décision du juge Poliquin d’absoudre un agresseur sexuel

Une foule s’est rassemblée jeudi pour scander « Poliquin, Poliquin, juge bon à rien ! » devant le palais de justice de Québec. La décision récente du magistrat Matthieu Poliquin d’absoudre un agresseur sexuel est « fâchante », déplorent des manifestants.
Sous le soleil de midi, l’action « éclair » a réuni des gens de tous âges. « Sexisme partout, justice nulle part », a lancé au microphone Alice Marcoux, cocoordonnatrice du centre Femmes d’aujourd’hui et organisatrice de l’événement. Sa collègue de l’organisme Audrée Houle dénonce un jugement « digne d’une autre époque », en entrevue avec Le Devoir.
Simon Houle a obtenu une absolution conditionnelle après avoir agressé sexuellement une femme endormie en 2019. L’ingénieur s’en tire sans casier judiciaire, car le juge Poliquin, de la Cour du Québec, a notamment estimé que cela aurait des « conséquences négatives et disproportionnées » sur sa carrière. Le Directeur des poursuites criminelles et pénales a annoncé mardi qu’il porterait la décision en appel.
En s’adressant à la foule, Audrée Houle a affirmé « qu’encore une fois, le système de justice nous démontre qu’il est là pour protéger les agresseurs, leur carrière et leur réputation ». Des cris indignés se sont alors élevés parmi les protestataires.
La « pointe de l’iceberg »
Pour Valérie Laflamme, une manifestante, il est nécessaire de mettre en lumière « le manque de formation » des juges sur les questions liées aux agressions sexuelles. « C’est très fâchant, surtout après toutes les campagnes de sensibilisation qu’il y a eu depuis plusieurs années », affirme-t-elle en tenant sa fille âgée d’un an dans ses bras.
Dans son jugement, le magistrat Poliquin écrit qu’il « y a une victime et un seul événement, lequel se déroule somme toute rapidement ». Pour Mme Laflamme, cette phrase est « la pointe de l’iceberg ». « Cela met en lumière un système plus grand », soutient-elle, en tenant une pancarte où l’on peut lire : « 18 mois en prison, ça passe “somme toute rapidement” ». Il s’agit de la peine qui avait été réclamée par la Couronne.
Pour Simon-Olivier Gagnon, un protestataire, la décision rendue par le juge Poliquin témoigne d’un « double standard » lié au statut de l’accusé. Le jeune homme tient une pancarte indiquant : « Ingénieur ou pas, un viol = un viol ».
À quelques pas de là, Marjolaine Turcotte raconte s’être levée tôt ce matin pour pouvoir « faire ses tâches » et venir prendre part à la manifestation. « Si un jour ma nièce ou mon amie avait à passer comme victime dans une cause comme ça, je ne voudrais pas que les actes qu’elle a subis soient minimisés de cette façon-là », fait valoir l’agricultrice de l’île d’Orléans.
« Débâtir la confiance »
Au pied du palais de justice, des protestataires ont brandi la banderole « Poliquin, Jolin-Barrette, “débâtir” la confiance ». Le slogan fait référence au rapport Rebâtir la confiance, déposé en décembre 2020 par le comité d’experts sur l’accompagnement des victimes de violence sexuelle et de violence conjugale. Une décision comme celle qu’a obtenue Simon Houle « va complètement à l’encontre » de ce que recommande le rapport, explique Alice Marcoux.
Récemment, le ministre québécois de la Justice, Simon Jolin-Barrette, a annoncé huit projets pilotes de tribunaux spécialisés en matière de violence sexuelle et de violence conjugale. Il s’agit de l’une des recommandations phares du rapport. Mercredi, l’élu s’est dit « profondément choqué » par le jugement rendu par le tribunal.
Les critiques contre le juge et sa décision « passent sous silence les nombreux passages du jugement qui dénoncent le comportement de l’accusé et l’importance de dénoncer une agression sexuelle », a soutenu Marie-Pier Boulet, la présidente de l’Association québécoise des avocats et avocates de la défense.
Avec Alexandre Robillard et
Stéphanie Marin