Bernard Drainville se réincarne politiquement à la CAQ
Tournant le dos au débat sur l’indépendance, l’ex-ministre péquiste et animateur de radio Bernard Drainville s’est réincarné politiquement en candidat de la Coalition avenir Québec (CAQ), mardi, sous le regard attentif du premier ministre, François Legault, qui lui a taillé de nouveaux habits au profil économique.
M. Drainville est apparu aux côtés de M. Legault sur une estrade installée dans une salle de réception de la circonscription de Lévis, où il tentera de se faire élire lors des prochaines élections générales.
Le nouveau candidat, qui est devenu animateur de radio après avoir quitté en 2016 ses fonctions de député du Parti québécois (PQ), a embrassé la ligne directrice de la CAQ, dont le projet nationaliste s’inscrit à l’intérieur du Canada. « Nous ne sommes pas condamnés à l’impuissance parce que nous n’avons pas tous les pouvoirs, a-t-il déclaré. On peut agir et améliorer notre société et la vie des Québécois avec l’autonomie qu’on a. »
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Sans préciser s’il a cessé d’être souverainiste, M. Drainville est demeuré flou sur le moment précis où il est devenu sympathique aux idées de la CAQ. Cette conversion s’est opérée au terme d’un « cheminement » amorcé après la défaite péquiste de 2014, à la lecture des faibles taux d’appui à la souveraineté. « Je n’ai pas le goût de mener cette bataille-là, a-t-il expliqué. Ce n’est pas ma motivation. Si j’avais voulu faire la bataille de la souveraineté, c’est avec le PQ que je retournerais en politique, pas avec la CAQ. »
Selon lui, les Québécois sont rendus ailleurs et souhaitent que leurs politiciens travaillent ensemble au-delà des divisions sur la place du Québec dans le Canada. « Ma conviction est […] que le vieux débat fédéraliste-indépendantiste est dépassé », a laissé tomber le candidat, en précisant que l’évolution de sa pensée « n’a rien à voir avec la CAQ ».
M. Drainville a plaidé pour un nationalisme « généreux, porteur de progrès social » et ouvert à l’immigration. Il s’est félicité des gains obtenus d’Ottawa par la CAQ, tels que du financement pour les garderies, le logement social et les infrastructures. Des réalisations que M. Legault a lui-même ensuite qualifiées modestement d’ententes administratives.
M. Drainville a endossé le cheval de bataille de son nouveau parti, qui réclame plus de pouvoirs en immigration pour protéger le français. « Il y a des combats québécois à mener à l’intérieur du Canada, et je suis un homme de combats et je réponds présent », a-t-il dit.
Passé politique
Officialisée lundi, la candidature de M. Drainville avait été annoncée vendredi par la station de radio 98,5 FM, où il animait une émission. Cette nouvelle a incité ses adversaires à déterrer d’anciennes déclarations, dont certaines où il dénonçait le « provincialisme » de M. Legault ou disait que le vrai courage consistait à rester fidèle à l’indépendance, contrairement au chef caquiste.
Mardi, M. Legault a accueilli à bras ouverts sa nouvelle recrue, dont il a vanté les talents de communicateur indispensables à une formation politique comme la sienne. « C’est quelqu’un qui est très proche du monde », a dit le chef du gouvernement.
M. Legault a dressé un bilan élogieux des 18 mois de M. Drainville au sein du gouvernement péquiste, étalés de 2012 à 2014, notamment de sa réforme du financement politique qui a abaissé le plafond des contributions à 100 $, qu’il a située en droite ligne avec celle de René Lévesque.
Au-delà des différences qui ont pu opposer les deux hommes, le premier ministre a plutôt dressé des parallèles entre eux. Il a rappelé qu’ils avaient été députés ensemble de 2007 à 2009, au sein d’un « autre parti » qu’il n’a pas nommé, le PQ. Il a souligné qu’ils ont suivi le même « cheminement » qui les a menés à tourner le dos au projet souverainiste.
« On est deux gars pragmatiques et qui aiment beaucoup l’économie. »
M. Legault a rappelé que son nouveau collègue a étudié à la London School of Economics. Il a solidement ancré son retour en politique dans ce créneau. « Il suit tout ce qu’on est en train de faire dans la filière batteries, dans l’économie verte, avec l’acier vert, l’aluminium vert, a-t-il dit. C’est un sujet qui a toujours intéressé Bernard, le développement économique. »
M. Drainville n’a pas voulu commenter des informations indiquant qu’il pourrait être nommé ministre des Ressources naturelles après le scrutin d’octobre. Prudent, il s’est contenté de dire que sa priorité restait d’être élu dans Lévis, où il succéderait au caquiste François Paradis, qui représentait la circonscription depuis 2014.
Sur un dossier local, M. Drainville s’est montré convaincu que le projet de tunnel sous-fluvial vers Québec a une dimension environnementale puisqu’il prévoit une voie réservée pour le transport collectif aux heures de pointe. « Ce serait irresponsable de ne pas en avoir un, troisième lien, dans une agglomération métropolitaine qui va atteindre le million de personnes d’ici 15 ans », a-t-il expliqué.
À l’Assemblée nationale, le chef parlementaire du PQ, Joël Arseneau, a qualifié M. Drainville d’opportuniste. « Il veut saisir l’[occasion] de profiter de l’apparente popularité indétrônable de la CAQ pour pouvoir se rapprocher du pouvoir », a-t-il dit.