Le projet du REM de l’Est retiré des mains de CDPQ Infra

La décision de Québec de prendre le contrôle du projet du Réseau express métropolitain (REM) de l’Est et d’éliminer le tronçon du centre-ville de Montréal a été accueillie avec un mélange de soulagement et d’inquiétude lundi. Elle laisse notamment entrevoir une saturation rapide de la ligne verte du métro, à laquelle doit se raccorder le REM.

François Legault a indiqué que la décision de son gouvernement de renoncer au tronçon du centre-ville avait incité la Caisse de dépôt et placement du Québec (CDPQ) à se retirer du projet. « La Caisse a choisi de ne pas poursuivre, et je les comprends. On est dans une situation où, en enlevant le tronçon du centre-ville, ça devenait un projet qui n’était pas rentable pour la Caisse », a expliqué le premier ministre.

Les commandes du projet seront confiées à l’Autorité régionale de transport métropolitain (ARTM), au ministère des Transports du Québec (MTQ), à la Ville de Montréal et à la Société de transport de Montréal (STM), qui devront analyser le dossier et faire des propositions au gouvernement. Une première rencontre entre les partenaires était déjà prévue lundi après-midi.

Si le tronçon du centre-ville est éliminé, les tracés vers l’est et le nord seront maintenus. « Le reste du tracé reçoit un accueil favorable », a indiqué François Legault.

Le comité aura pour mandat d’analyser des scénarios visant à raccorder le futur REM de l’Est à la ligne verte du métro, ce qui nécessitera d’augmenter la fréquence du métro, a précisé Valérie Plante. Il devra de plus examiner la possibilité de prolonger le REM de l’Est vers Lanaudière (via sa branche est) et Laval (pour son antenne vers le collège Marie-Victorin).

L’intégration du REM dans le secteur Souligny de Mercier-Est devra également être améliorée, a soutenu François Legault.

Québec entend conserver la technologie développée par CDPQ Infra, mais tout le montage financier du projet, dont le coût initial était évalué à 10 milliards de dollars, devra être revu. L’ajout de tronçons vers Lanaudière et Laval est susceptible d’augmenter les revenus, a signalé François Legault.

L’échéancier du projet devra également être repensé. « Les gens qui me connaissent savent que je n’ai pas beaucoup de patience, et je veux que ce projet-là se réalise le plus vite possible », a dit le premier ministre. « C’est crucial pour le développement de l’est de Montréal. »

Une erreur à éviter

Pour la mairesse Valérie Plante, les modifications apportées au projet représentent une victoire pour la Ville de Montréal, qui réclamait un rôle décisionnel. « Le tronçon en aérien au centre-ville était une erreur historique qu’il fallait absolument éviter de faire », a-t-elle fait valoir.

La mairesse Plante estime aussi que la solution proposée répond à des préoccupations exprimées concernant les impacts du REM sur la préservation du patrimoine, notamment le Quartier chinois et le parc Morgan, dans Hochelaga-Maisonneuve. « Ça ne sera plus un problème », a-t-elle souligné.

La révision du projet avait une saveur de victoire pour les citoyens d’Hochelaga-Maisonneuve, qui se battaient depuis des mois contre l’arrivée de structures aériennes le long de la rue Notre-Dame et leur empiétement sur le parc Morgan. « Ça veut dire qu’on avait vraiment raison », a commenté Patricia Clermont, du Regroupement des riverains de la rue Notre-Dame. « Cette décision s’imposait. »

La Chambre de commerce de l’est de Montréal (CCEM) n’a pas caché sa déception de constater que l’accès direct au centre-ville, jugé « essentiel » pour elle, disparaissait. « Il est impensable d’envisager le fait que l’ouest de l’île et la Rive-Sud auront un lien direct avec le centre-ville de notre métropole, alors que l’est de Montréal sera en reste », s’est désolé son p.-d.g., Jean-Denis Charest.

Le président de la Société de développement Angus, Christian Yaccarini, croit que, sans l’intervention de Québec, le REM de l’Est n’aurait pas pu voir le jour. À l’instar de la CCEM, il déplore toutefois la perte d’un accès direct au centre-ville pour l’est de la métropole. Il espère cependant que les nouveaux partenaires qui piloteront le projet analyseront la possibilité d’un lien souterrain avec le centre-ville — ce que CDPQ Infra n’a jamais réellement examiné, selon lui.

La ligne verte

 

Chargé de cours à l’Université de Montréal et expert en planification des transports, Pierre Barrieau voit d’un bon œil le sauvetage du projet. Il croit même qu’examiner des prolongements vers Lanaudière et Laval est une bonne idée, bien qu’on puisse s’inquiéter d’un dézonage éventuel de terres agricoles en territoire lavallois.

Mais ce qui pose problème, selon lui, c’est la saturation prévisible et rapide de la ligne verte du métro, qui desservira aussi le SRB Pie-IX. « La ligne verte va devenir pire que la ligne orange après l’ouverture des trois stations à Laval. Je suis convaincu qu’on s’en va droit dans le mur », dit-il. Dans ce contexte, Québec devrait envisager un tramway dans l’axe du boulevard René-Lévesque, croit-il : « C’est le temps de repenser la mobilité dans les déplacements de courte durée, ce à quoi le REM avait de la difficulté à répondre. »

Au sujet de la ligne verte, la STM fait valoir que sa participation au comité multipartite lui permettra de s’assurer d’une « intégration efficace » du projet aux services existants. « Un des objectifs poursuivis par la STM étant d’assurer une expérience de déplacement agréable et efficace pour les clients actuels de la ligne verte ainsi qu’aux nouveaux clients du REM », a soutenu son porte-parole Philippe Déry.

Le projet du REM de l’Est et ses structures aériennes au centre-ville alimentaient la controverse depuis des mois. Il avait notamment fait l’objet de critiques sévères de la part de l’ARTM. En mars dernier, le comité d’experts indépendants mandaté par Québec pour assurer l’intégration urbaine du projet avait aussi exprimé d’importantes préoccupations quant au risque de fracture urbaine que causerait un REM aérien.

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