La CAQ maintient sa norme de nickel dans l’air malgré des vents contraires

Plus tôt jeudi matin, le député Zanetti a accusé le ministre de l’Environnement, Benoit Charrette (illustré ci-haut), de se retrouver « complètement isolé » dans le dossier du nickel.
Photo: Ryan Remiorz La Presse canadienne Plus tôt jeudi matin, le député Zanetti a accusé le ministre de l’Environnement, Benoit Charrette (illustré ci-haut), de se retrouver « complètement isolé » dans le dossier du nickel.

Le gouvernement va de l’avant avec sa nouvelle norme de nickel — envers et contre presque tous. Après la Ville de Québec, le Collège des médecins, la population de Limoilou et l’ensemble des directions régionales de santé publique, le Port de Québec a à son tour demandé de « suspendre la mise en application » d’une norme qui quintuple la limite tolérée de nickel dans l’air.

Le ministre de l’Environnement, Benoît Charrette, persiste et signe : « c’est une démarche scientifique extrêmement vigoureuse qui nous a amenés à prendre cette décision-là ». Les inquiétudes exprimées au sujet de la nouvelle norme — entrée en vigueur à minuit, jeudi — découlent des informations « inadéquates, surtout incomplètes » que les oppositions ont « sciemment » propagées dans la population.

« À travers leur questionnement biaisé, nous sommes venus inquiéter inutilement la population, a déclaré le ministre Charrette, jeudi. On n’a pas à composer avec une norme qui ne se justifie pas au niveau scientifique », a tranché le député de Deux-Montagnes.

La nouvelle norme fait passer le seuil de tolérance des autorités de 14 à 70 nanogrammes de nickel par mètre cube (ng/m3) par jour. Le nouveau règlement prévoit en outre l’ajout d’une norme de référence annuelle de 20 ng/m3.

« Où est l’urgence ? »

Mercredi, même le Port de Québec, principal transbordeur de nickel dans la région de la Capitale-Nationale, a demandé au gouvernement de reculer.

 

« Des gens sont inquiets à Limoilou. Je vous invite à les écouter et à leur parler, a écrit le p.-d.g. de l’Administration portuaire de Québec, Mario Girard, dans une lettre adressée au ministre de l’Environnement. Devant ces préoccupations légitimes, ne serait-il pas souhaitable de prendre quelques semaines supplémentaires pour bien rassurer les citoyens ? Où est l’urgence ? »

La lettre de M. Girard s’ajoute à une importante opposition à la mesure. Plusieurs citoyens de Limoilou ont manifesté leur inquiétude de voir plus de nickel dans l’air déjà contaminé qu’ils respirent. Le maire de Québec et l’ensemble du conseil municipal de la capitale nationale ont demandé au gouvernement de reculer. Les 18 directions régionales de santé publique du Québec ont aussi fait part de leur réserve par rapport à l’allégement de la norme, à l’instar du Collège des médecins et de l’Ordre des chimistes du Québec.

Le député de Jean-Lesage, Sol Zanetti, a accusé le ministre de l’Environnement, Benoit Charette, de se retrouver « complètement isolé » dans le dossier du nickel. « Même le port ne veut plus aller de l’avant. Il ne peut pas continuer comme ça : Benoit Charrette doit reculer. Il n’y a plus personne derrière lui », a insisté l’élu solidaire.

Feu vert de la Santé publique

 

Le directeur national de santé publique par intérim, le Dr Luc Boileau, a défendu l’aval donné par son prédécesseur dans ce dossier. « Le Dr Arruda a déjà signifié clairement, à l’été 2019, qu’il était en accord avec les ajustements au niveau du règlement sur le nickel dans l’air, a-t-il indiqué, jeudi. C’est comme si vous me demandiez : “est-ce que le patient qui a été vu par mon collègue a été bien diagnostiqué ?’’ S’il a suivi les règles de l’art, je vais vous dire oui. »

Il a toutefois suggéré que la justification scientifique ne scellait pas le débat entourant cette question de santé publique. « Ce n’est pas un dossier qui a été mal fait du côté de la direction qui m’a précédé. Cela dit, ça, c’est une partie de l’enjeu. Il y en a d’autres », a conclu le directeur national de santé publique.

L’allégement de la norme a aussi fait irruption lors de l’étude des crédits budgétaires consacrés à la Capitale-Nationale. « Ce n’est pas fait en catimini, ça fait un an que [la nouvelle norme] s’en vient », a plaidé la vice-première ministre, Geneviève Guilbault.

Elle a également souligné que l’enjeu de la qualité de l’air en basse-ville de Québec ne relève pas uniquement du nickel, mais aussi « de l’incinérateur et du chauffage au bois ».

La ministre responsable de la région de la Capitale-Nationale s’est gardée d’affirmer que la nouvelle norme en vigueur jouit d’acceptabilité sociale. « Il y a des préoccupations évidentes de certains groupes, a noté Mme Guilbault. Mais c’est la même chose pour l’ensemble des projets lancés par un gouvernement. »

Les oppositions ont tiré à boulets rouges sur la nouvelle norme et les justifications invoquées par le gouvernement. Le député de Matane-Matapédia, Pascal Bérubé, a rappelé que la minière Glencore, qui transborde du nickel dans le port de Québec, avait inscrit une vingtaine de lobbyistes pour promouvoir la nouvelle réglementation auprès du gouvernement.

Interrogé au sujet des raisons qui motivent son gouvernement à alléger la limite tolérée de nickel dans l’air, le ministre de l’Environnement a indiqué, jeudi, que le Québec n’avait pas « à composer avec une norme qui ne se justifie pas au niveau scientifique ».

Pour le député libéral de Pontiac, André Fortin, les motifs invoqués par la CAQ sont « abracadabrants ».

« Moi, je vois un gouvernement qui dit aux gens de Limoilou : “nous allons augmenter la pollution dans votre quartier, mais on ne sait pas pourquoi on le fait’’, a critiqué l’élu libéral. Je trouve ça débile, complètement débile. »

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