L’Assemblée des Premières Nations «perd espoir» face à la CAQ

L’Assemblée des Premières Nations Québec-Labrador (APNQL) a reproché lundi au gouvernement Legault d’« abuser » de la bonne foi des Autochtones, après que la Coalition avenir Québec (CAQ) eut écarté trois recommandations des commissions Viens et Laurent en dix jours.
« Le plan [d’action gouvernemental] sur lequel surfe le ministre responsable des Affaires autochtones depuis des mois est en train de faire naufrage », a écrit l’APNQL dans un communiqué.
Le gouvernement Legault a d’abord balayé du revers de la main une recommandation de la commission Viens visant à mettre sur pied un protecteur national de l’élève autochtone. Il a ensuite renoncé à son engagement, inspiré par cette même commission, d’inclure la notion de sécurisation culturelle dans la Loi sur les services de santé et les services sociaux. Enfin, il a refusé d’abolir sans condition les délais de placement dans les communautés autochtones. Ces délais correspondent à la durée pendant laquelle un enfant peut rester dans un milieu substitut avant d’être déplacé.
Ces trois décisions vont à l’encontre des recommandations de la commission Viens et, dans le troisième cas, de la commission Laurent sur les droits des enfants et la protection de la jeunesse aussi.
La Commission d’enquête sur les relations entre les Autochtones et certains services publics au Québec (la commission Viens) a laissé au gouvernement 142 appels à l’action en 2019. La CAQ a reconnu en septembre 2021 « la nécessité de s’engager énergiquement dans ce chantier », auquel elle a réservé 200 millions de dollars.
Or, voilà que ses trois reculs face aux demandes de la commission Viens sont perçus par les groupes autochtones et les oppositions comme des « claques au visage » ou un « déni systématique » du gouvernement à l’endroit des réalités propres aux Premiers Peuples.
« Abus flagrant de bonne foi »
Dans un communiqué coiffé du titre « Nous perdons espoir », l’APNQL a reproché au gouvernement Legault son « acharnement » à « limiter la capacité de gouvernance de nos dirigeants ». Il s’agit ni plus ni moins que « du colonialisme à son meilleur », a écrit le chef de l’organisation, Ghislain Picard.
« Il y a ici un abus flagrant de notre bonne foi et, surtout, de celle de nos experts, qui n’ont pas ménagé les efforts et énergies pour soutenir les travaux des différentes commissions qui ont eu à se pencher sur ces questions », a-t-il ajouté au sujet des enjeux de protection de la jeunesse.
Outre la question des délais de placement, Québec conteste — en Cour suprême désormais — une loi fédérale (C-92) censée permettre aux communautés autochtones de se détacher de la Direction de la protection de la jeunesse. « La protection de la jeunesse relève de l’État québécois », a notamment déclaré le 16 mars le ministre de la Justice, Simon Jolin-Barrette. Il a refusé de dire s’il était possible pour une communauté autochtone de s’affranchir complètement de la DPJ, en avançant plutôt que la négociation d’ententes constituait « la voie à suivre ».
De l’avis du ministre responsable des Affaires autochtones, Ian Lafrenière, la contestation de C-92 n’est cependant « en rien un refus de reconnaître l’autonomie des Premières Nations ».
Après le Parti libéral et le Parti québécois, Québec solidaire a demandé lundi à la CAQ de « prendre au sérieux » le « cri du cœur » de l’APNQL. « Malgré tous les beaux discours et les belles promesses de la CAQ, le gouvernement continue d’entretenir une attitude paternaliste envers les peuples autochtones. Le ministre Carmant dit reconnaître que les Autochtones sont les mieux placés pour prendre soin de leurs enfants, mais pourtant, il refuse d’intégrer la plupart des recommandations formulées par les représentants autochtones pour mieux tenir compte de leur réalité », a dénoncé Manon Massé.
Elle a pressé la CAQ de « tendre la main aux Autochtones et de s’engager concrètement dans la voie de la réconciliation ».