Le prolongement de la ligne bleue encore repoussé, les coûts passent à 6,4 milliards de dollars

Attendu depuis des décennies, le prolongement de la ligne bleue du métro de Montréal serait-il enfin en voie de se réaliser ? Québec et Ottawa se sont entendus sur un projet commun d’au plus 6,4 milliards de dollars, mais il sera terminé au plus tard en 2029.
Québec et Ottawa se partageront la facture. Le gouvernement de François Legault en assumera la « majeure partie », dont 600 millions de dollars dès aujourd’hui, pour concrétiser une fois pour toutes le nouveau tronçon. Celui de Justin Trudeau déboursera 1,3 milliard.
« Je vous assure que cette fois-ci, c’est la bonne », a souligné la ministre responsable de la Métropole, Chantal Rouleau, comme une lignée de ministres et de premiers ministres l’ont fait dans les dernières années. « Ça fait trop longtemps que les citoyens de l’est l’attendent, et leur patience a des limites », a-t-elle ajouté.
Le prolongement de la ligne bleue est dans les cartons depuis plus de 40 ans. L’idée, lancée une première fois à la fin des années 1970, ne s’est jamais réalisée. Il n’y a d’ailleurs eu aucune station de métro construite sur le territoire de Montréal depuis 34 ans, soit depuis 1988. « C’est long, ça […] On est vraiment en mode rattrapage », a indiqué la mairesse de Montréal, Valérie Plante.
Il y a une différence notable, cette fois, selon la ministre. « L’argent est au rendez-vous » et, de surcroît, la Société de transport de Montréal (STM) a eu « l’autorisation » de lancer, prochainement, un premier appel de qualification pour trouver l’entrepreneur qui effectuera les travaux de tunnelier. Une somme « record » de 1,2 milliard a d’ailleurs été accordée à la STM pour l’aider à réaliser différentes étapes de ce projet complexe. « Le go est donné », a déclaré la ministre du gouvernement Legault.
En 2018, le gouvernement libéral de Philippe Couillard affirmait haut et fort que le projet verrait le jour. La facture était alors évaluée à 3,9 milliards de dollars. Or, quatre ans plus tard, la STM n’a fait qu’entamer des travaux préparatoires le long du tronçon du prolongement de la ligne bleue, dont la facture n’a cessé de grimper au fil du temps en raison notamment des expropriations qu’il implique. Le projet a toutefois bénéficié depuis d’améliorations « notables », a fait valoir Chantal Rouleau vendredi.
Dans l’entourage de la mairesse Plante, on a même pensé le temps d’un instant que le projet ne verrait jamais le jour. « On a eu peur », a confié au Devoir une source bien au fait du dossier. La mairesse a d’ailleurs écrit directement au premier ministre l’an dernier pour s’assurer d’un scénario à cinq stations.
Un secteur « désenclavé »
Sur papier, le prolongement diffère peu du projet présenté en 2018. Il comptera effectivement cinq stations et fera 6 km de long. L’abandon d’une station, quoiqu’étudié à la suite d’une recommandation d’un groupe de travail indépendant, n’a pas été retenu, cette option étant « inacceptable » aux yeux de la ministre responsable de Montréal. La nouvelle station terminale, dans Anjou, est toutefois déplacée des Galeries d’Anjou avoisinantes à un terrain qui se situe sous l’autoroute 25. Des accès seront aménagés à l’est et à l’ouest du tronçon routier afin de « désenclaver » celui-ci pour les piétons, a indiqué Mme Rouleau.
« Ça permet de réduire une des grandes barrières pour les piétons dans le secteur », affirme également Pierre Barrieau, un expert en planification des transports et chargé de cours à l’Université de Montréal joint par Le Devoir vendredi.
Ainsi, l’imposant stationnement des Galeries d’Anjou, qui appartient à Ivanhoé Cambridge, le bras immobilier de la Caisse de dépôt et placement du Québec, sera finalement épargné par le projet. Ce sera aussi le cas du centre commercial Le Boulevard, présent dans Saint-Léonard depuis 1953, qui « restera ouvert », a confirmé Mme Rouleau.
Contacté par Le Devoir, Ivanhoé Cambridge a salué ce développement. « Un projet bien pensé apportera nécessairement une meilleure valorisation de notre actif, et c’est ce que l’on cherche pour nos déposants », a indiqué une porte-parole par écrit.
La Ville de Montréal investira 300 millions de dollars dans l’aménagement du domaine public le long du tracé, où quelque 13 000 logements devraient d’ailleurs être construits, a avancé Mme Plante vendredi, sans donner de détails. « Ça va pouvoir répondre à des besoins criants dans l’est de Montréal », a-t-elle dit.
Une victime de l’inflation
Rebutée par les coûts estimés du projet, la ministre Chantal Rouleau a mandaté en 2019 un « groupe d’action » pour réduire le plus possible la facture du prolongement. Après avoir « retourné toutes les pierres », la STM s’estime capable d’économiser environ 1,1 milliard de dollars grâce à différents réaménagements. Mais le contexte économique mondial, marqué par l’inflation sur la valeur des matériaux et par des coûts de construction à la hausse, fait déjà grimper la facture attendue.
« Les taux d’intérêt augmentent, donc ça aussi, c’est une question majeure qui vient jouer beaucoup » dans la facture du projet, confirme M. Barrieau. L’expert estime que dans le contexte actuel, une facture d’un milliard de dollars par kilomètre pour un projet de métro en souterrain, c’est maintenant la norme. « On est rendu là. »
Quant à l’échéancier, l’organisme Trajectoire Québec se désole qu’une mise en fonction ne soit prévue qu’en 2029. Mais après avoir attendu des décennies, on peut encore patienter quelques années, a laissé tomber sa directrice générale, Sarah V. Doyon. « Ça en vaut l’attente », lâche-t-elle.