Retards de paiement en santé: «on fait la comparaison avec Phénix»

Québec est toujours incapable d’honorer des ententes, sur l’équité salariale notamment.
Photo: Valérian Mazataud Le Devoir Québec est toujours incapable d’honorer des ententes, sur l’équité salariale notamment.

Des employés du réseau de la santé font les frais des problèmes de logistique du gouvernement : ils attendent des paiements atteignant des dizaines de milliers de dollars par personne. Sans avoir aucune idée du moment où ils seront enfin payés.

« Les gens sont frustrés. Nous, on fait la comparaison avec le système de paye Phénix au fédéral », a lâché en entrevue au Devoir la vice-présidente de la Fédération de la santé et des services sociaux (FSSS-CSN), Josée Marcotte. Elle faisait référence au désormais célèbre fiasco du système de paye pour les fonctionnaires fédéraux.

Depuis des semaines, des milliers d’employés attendent que le ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS) leur verse des montants dus en raison d’une entente sur le maintien de l’équité salariale, des signatures de conventions collectives et de l’introduction de primes par des arrêtés ministériels. Dans les trois cas, Québec a accumulé des retards de paiement.

« On doit des sommes, on en convient. On signe un contrat, et ils ne sont pas capables de livrer. Les gens sont un petit peu impatients », a observé le président de l’Alliance du personnel professionnel et technique de la santé et des services sociaux (APTS), Robert Comeau.

Des systèmes de paye désuets

 

Les retards de paiement au MSSS s’expliquent par « le fait que les systèmes de paye ne sont pas paramétrés pour permettre le versement de ces nouvelles mesures », a expliqué jeudi la porte-parole Marjorie Larouche. « De plus, certaines mesures prévues aux nouvelles conventions collectives impliquent de la rétroactivité sur plusieurs années, ce qui complexifie l’exercice. »

Les ennuis logistiques du ministère, sur lesquels Le Devoir avait levé le voile en novembre, ont entraîné des « travaux intensifs », a assuré Mme Larouche. En mêlée de presse, le ministre de la Santé, Christian Dubé, a aussi dit rencontrer les syndicats toutes les deux semaines pour discuter, entre autres, de cette question.

« Je m’étais engagé à régler ça rapidement. Je peux bien comprendre que nos systèmes informatiques sont désuets et on m’a donné au ministère les bonnes raisons. C’est sûr qu’il y a eu beaucoup de changements : les primes différentes, la nouvelle convention collective. Mais ce n’est pas excusable. Je vous le dis, je les rencontre encore demain, et je suis gêné », a-t-il confié.

Le ministre a ajouté que le MSSS avait, à sa demande, fourni des échéanciers pour le versement des montants dus. Mais, jusqu’ici, « ces dates-là n’ont pas été respectées », a-t-il reconnu.

Des montants jusqu’à 52 000 $

Les sommes les plus substantielles que doit verser le gouvernement découlent d’ententes sur l’équité salariale. Celles-ci prévoient, dans certains cas, des rajustements pour les heures travaillées depuis 2010. Le tout, « avec des intérêts au taux légal de 5 % », a souligné la première vice-présidente de la Fédération des professionnèles (FP-CSN), Jessica Goldschleger.

Certains professionnels, comme les audiologistes ou les orthophonistes, attendent donc des versements de 40 000 $, ou même de 52 000 $, selon les estimations des divers syndicats.

Mais voilà : « Ça tarde trop », a dit Mme Goldschleger en parlant de « sommes exorbitantes ». « Oui, oui, ce sont de gros montants. Et je ne vous dis pas que j’accepte [la situation]. Je vous dis que je ne suis pas content de ce que j’ai », a indiqué le ministre Dubé.

Malgré la présence de délais précis dans les ententes signées avec les syndicats, Québec demeure incapable d’honorer la majorité de ses engagements. « Ce n’est pourtant pas la première convention collective qu’on signe avec le gouvernement. Normalement, les augmentations et tout ça, ç’aurait dû être planifié dans le système. […] Il faut payer notre monde », a lancé la présidente du Syndicat québécois des employées et employés de service (SQEES-FTQ), Sylvie Nelson.

Pour Josée Marcotte, de la FSSS-CSN, les problèmes de Québec pourraient s’expliquer en partie par la centralisation des systèmes de paye qui a été effectuée lors de la fusion des établissements. Le MSSS, a ajouté Robert Comeau, de l’APTS, « gère des systèmes de paye désuets, parfois différents systèmes de paye dans le même établissement ». Bref, « ils ne sont pas capables de livrer la marchandise », a-t-il déploré.

Une campagne sur les réseaux sociaux

 

De son côté, la Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec (FIQ) a lancé cette semaine la campagne « Mobilisées pour être payées » pour augmenter la pression sur Québec afin qu’il mette fin aux retards de paiement qui affectent des professionnelles en soins dans tout le réseau.

Ses membres attendent des sommes dues en vertu d’arrêtés ministériels ou de la signature des conventions collectives. L’exercice de maintien de l’équité salariale a été réglé à la FIQ.

Sur les réseaux sociaux, des professionnelles en soins publient des photos sur lesquelles elles tiennent des affiches où apparaissent les montants d’argent qu’elles attendent de leurs employeurs. La plupart des sommes attendues totalisent des milliers de dollars.

À voir en vidéo