Hausse de salaire immédiate pour les éducatrices en petite enfance
D’ici à ce que les négociations avec les éducatrices en service de garde aboutissent, Québec a annoncé jeudi qu’il bonifie leur rémunération jusqu'à 15 % immédiatement, à condition qu’elles travaillent 40 heures par semaine.
Le problème, « c’est que personne ne veut faire ça », a réagi Lucie Longchamps, de la CSN, un peu après l’annonce de la présidente du Conseil du trésor, Sonia LeBel, et du ministre de la Famille, Mathieu Lacombe. Les éducatrices « sont épuisées parce que les conditions de travail ne sont pas au rendez-vous », a-t-elle souligné. Actuellement, les semaines de travail des éducatrices sont de 32 à 36 heures, ont déjà souligné les syndicats qui les représentent.
De l’avis de la FIPEQ-CSQ, l’annonce du gouvernement « constitue une atteinte grave à la liberté de négociation ». « La proposition du gouvernement constitue un cadeau empoisonné. En effet, le gouvernement fonce tête baissée dans sa volonté de forcer des semaines de plus de 40 heures de travail avec des primes plutôt que d’agir à la source pour bonifier les taux horaires », a réagi le syndicat.
En point de presse, la ministre LeBel a fait état d’une hausse de rémunération pouvant aller « jusqu’à 17 % ». Or 2 % de cette hausse est prévue en 2022-2023, ce qui la rend inapplicable dans l’immédiat.
Les offres de Québec varient en fonction de la formation des éducatrices et du nombre d’heures travaillées. Les éducatrices qualifiées recevront ainsi 10 % d’augmentation. Cette hausse est de 7 % pour les intervenantes non qualifiées. À ces augmentations s’ajoute une prime, équivalente à 5 % du salaire, pour les éducatrices — qualifiées ou non — qui travailleront plus de 40 heures.
L’offre de Québec, qui équivaut à celle présentée en juillet par la ministre LeBel, s’applique aux éducatrices en centres de la petite enfance (CPE) et en garderies subventionnées. En octroyant ces mesures temporaires en parallèle des négociations, le gouvernement dit souhaiter souligner « l’urgence et la nécessité d’agir dès maintenant » pour retenir les éducatrices dans le réseau et en attirer de nouvelles.
« On ne peut pas attendre la fin des négociations, encore six mois par exemple, avant de vous offrir de meilleures conditions salariales », a lancé le ministre Lacombe aux éducatrices.
Une « urgence » d’agir
À l’heure actuelle, une éducatrice qualifiée en CPE gagne 19 $ l’heure au premier échelon et jusqu’à 25,18 $ l’heure au dixième et dernier échelon. La ministre LeBel affirme que l’offre gouvernementale porterait la rémunération à 21,38 $ au premier échelon et à 28,31 $ au dixième et dernier échelon.
« 2,38 $ d’augmentation au premier échelon ! Toute une augmentation ! », a écrit, non sans ironie, la députée libérale Christine St-Pierre sur son compte Twitter. L’élue du Parti québécois Véronique Hivon a aussi reproché au gouvernement de « faire des effets de toge » avec son offre. « Cela les maintient dans la profession la moins bien rémunérée suivant un diplôme de technique collégiale, rien qui ne permette de freiner les départs pour des secteurs d’emploi non qualifiés et beaucoup mieux rémunérés », s’est-elle désolée.
À quelques reprises en point de presse, les ministres ont souligné que la volonté du gouvernement de compléter le réseau des services de garde éducatifs à l’enfance était tributaire de l’attraction et de la rétention du personnel. « L’accès aux CPE, aux places existantes, le développement de nouvelles places est compromis présentement par la pénurie d’éducatrices », a notamment déclaré Mme LeBel.
Bien qu’elle ne doute pas des bonnes intentions du ministre Lacombe, Lucie Longchamps a dit voir, dans l’offre de Québec, une « façon, peut-être, de jouer du coude avec les parties syndicales qui sont autour de la table ».
En point de presse, la ministre LeBel s’est d’ailleurs dite « prête à discuter de cette offre-là et [à] voir jusqu’où on pouvait trouver un terrain d’entente ». Elle a ensuite demandé aux chefs syndicaux « de faire un effort et de venir discuter des paramètres salariaux ». « À un moment donné, il faut qu’on avance », a-t-elle lancé.
Processus «plus long»
La directrice générale de l’Association québécoise des CPE, Geneviève Bélisle, a rappelé que les semaines de moins de 40 heures étaient des acquis syndicaux remontant à 2004, à une époque où le gouvernement « compensait avec des mesures non salariales pour satisfaire le réseau ».
Sur le reste, « je pense que le gouvernement se dit : on ne peut pas continuer à perdre des éducatrices, je veux tout de suite envoyer le signal qu’on n’est pas de mauvaise foi, mais le processus de négociation est plus long qu’on le pensait », a-t-elle déclaré.
Québec solidaire a, quant à lui, dit ne pas comprendre le discours du gouvernement, qui dit, d’une part « du temps, on n’en a pas » et d’autre part « nous faire perdre du temps en maintenant l’offre déposée en juillet ». « Ce que M. Lacombe et Mme LeBel auraient dû annoncer aujourd’hui, c’est une bonification substantielle de leur offre », a déclaré la députée Christine Labrie.
Sur le terrain, les grèves dans les CPE se sont par ailleurs poursuivies jeudi. Après les éducatrices de la CSQ mardi et mercredi, c’était au tour des intervenantes rattachées à la Fédération de la santé et des services sociaux (CSN) de débrayer.
Il ne s’agit pas d’une grève tournante par régions, comme cela avait été le cas pour celles de la CSQ. Dans leur cas, il s’agit de la deuxième et de la troisième journée d’un mandat de 10 jours de grève.