Les théories du complot survivront au départ de Trump, estiment des experts

Une baisse du nombre d’adhérents à QAnon pourrait être compensée par une hausse de leur dangerosité.
Photo: Matt Rourke La Presse canadienne Associated Press Une baisse du nombre d’adhérents à QAnon pourrait être compensée par une hausse de leur dangerosité.

L’intronisation imminente de Joe Biden et de Kamala Harris à la tête des États-Unis rend ridicule l’idée selon laquelle tout était planifié pour que Donald Trump reste au pouvoir. Malgré tout, les plus fidèles adhérents à cette théorie ne risquent pas de s’en détourner de sitôt, même lorsque celle-ci est contredite par les faits, préviennent des experts.

Les pages associées aux théories QAnon étaient inondées de photos, de mèmes ou d’autres publications célébrant la Journée mondiale du pop-corn mardi. La signification : il est temps d’apprécier le spectacle avec du maïs soufflé, en attendant de voir le « plan » de Donald Trump. Dans ce monde fabulé, un grand coup du président sortant doit libérer l’Amérique d’un « Deep State » corrompu de Washington avant mercredi. Cela ne lui laisse plus beaucoup de temps.

« On met toute notre réputation en jeu sur la réélection de Donald Trump, parce qu’on sait que Joe Biden, c’est frauduleux », avait par exemple promis en janvier le principal influenceur de QAnon au Québec, Alexis Cossette-Trudel. Sa chaîne Radio-Québec a depuis été radiée de tous les médias sociaux grand public. « J’m’attends à une déclassification publique et [au] début d’arrestations importantes [de démocrates] jusqu’au 20 », a par exemple renchéri un autre influent internaute de la sphère complotiste québécoise, plus tôt cette semaine.

Crises de foi

 

L’intronisation de Joe Biden mercredi fera mentir toutes ces prédictions saugrenues. Or, à la manière d’une secte qui échoue à prévoir la fin du monde, les théories de la conspiration vont survivre à l’échec de cette prophétie présidentielle, de l’avis de Charles Blattberg, professeur de philosophie politique à l’Université de Montréal.

« Ils vont chercher une autre façon d’expliquer que le prophète avait tort et continuer avec des croyances encore plus fortes qu’auparavant, prévoit-il. On ne peut pas s’attendre à ce qu’ils soient convaincus avec un raisonnement logique. Ces fantaisies sont détachées de toute réalité pratique. »

Les adeptes les moins zélés de ces théories pourraient toutefois passer à autre chose, dit Alexandre Coutant, professeur de communication sociale et publique à l’Université du Québec à Montréal.

« Il y a plein de formes de complotisme, certaines dont l’adhésion à QAnon n’est pas complète. [Depuis la défaite de Donald Trump,] il y a plein de crises de foi à l’intérieur du mouvement. Certains vont sortir du groupe, mais ce qui serait dangereux, c’est que ceux qui restent se radicalisent encore plus. »

Une baisse du nombre d’adhérents pourrait en effet être compensée par une hausse de leur dangerosité, avance le spécialiste. « Ces personnes qui continuent à soutenir QAnon, ça les encourage dans leur radicalité. C’est comme ça qu’on se retrouve avec des poseurs de bombes. »

Chose certaine, de tels phénomènes de désinformation en ligne risquent de nous accompagner pour encore longtemps, croit Simon Thibault, professeur au Département de science politique à l’Université de Montréal.

« Une chose qui risque de changer à l’avenir, c’est que Trump n’a plus Twitter », dit-il. Le président sortant, « une voix puissante qui légitime les conspirationnistes », a été banni de Twitter le 8 janvier, dans une importante purge de contenu extrémiste suivant l’assaut du Capitole américain par ses partisans.

Pour l’auteur d’un ouvrage sur les fausses nouvelles, seule l’éducation aux médias, à la littératie numérique et à la pensée critique pourrait, un jour, affranchir la société des théories du complot. Certainement pas l’intronisation d’un nouveau président, aussi historique soit l’événement.

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