L’art d’asseoir promoteurs et citoyens à la même table

Avant la loi 122, les référendums permettaient à des citoyens de bloquer des projets immobiliers qui ne respectaient pas le zonage si une majorité de résidents des alentours s’y opposaient.
Photo: Francis Vachon Le Devoir Avant la loi 122, les référendums permettaient à des citoyens de bloquer des projets immobiliers qui ne respectaient pas le zonage si une majorité de résidents des alentours s’y opposaient.

Les conflits entre résidents et promoteurs immobiliers font partie du quotidien des municipalités. Or, de plus en plus de villes cherchent aujourd’hui à prévenir les confrontations en proposant de nouvelles façons de consulter. Zoom sur l’expérience à Sainte-Catherine, en Montérégie.

Située à 25 km de Montréal, la municipalité de Sainte-Catherine n’a presque plus d’espaces vacants, si bien que la valeur de ses terrains l’emporte souvent sur celle des propriétés.

C’est le cas du terrain à l’angle de la rue Guérin et du boulevard Marie-Victorin, dans le cœur de l’ancien village. Près de l’école et de l’église se trouve une maison ancienne de 1750 inhabitée depuis longtemps. Le promoteur qui l’a acquise veut la mettre à terre ou la déplacer pour construire un complexe résidentiel de quatre étages abritant 70 logements.

Le zonage ne permet pas une telle hauteur, mais la Ville souhaite densifier le secteur. Sentant la température monter chez les citoyens, elle a décidé de réunir tout le monde à la même table pour trouver un compromis : les promoteurs, neuf citoyens, les gens de la commission scolaire, de la paroisse, un membre de la société d’histoire locale et le conseiller municipal du district.

Pas le choix de s’entendre

Un premier « atelier » a eu lieu le 27 mars, et trois autres suivront. « L’idée, c’est que le milieu de vie des citoyens soit modifié d’une façon positive à leurs yeux », explique la directrice du Service de l’aménagement du territoire, Marie-Josée Halpin.

La démarche est coordonnée par l’organisme en aménagement urbain Vivre en ville, qui joue le rôle de médiateur lors des ateliers. Sainte-Catherine est la première municipalité à faire l’expérience de son nouveau programme baptisé « Oui dans ma cour ».

« On voit souvent des occasions de projets gaspillées ou qui ne vont pas assez loin parce qu’on avait peur d’une levée de boucliers », explique le directeur de l’organisme, Christian Savard.

« De bons projets tombent parce qu’on n’a pas pris en considération les besoins des citoyens. Aussi, pour nous, la densification urbaine est probablement une des plus grandes solutions à un paquet de problèmes environnementaux. »

De leur côté, les promoteurs semblent à l’aise avec la démarche. Ils y voient notamment une occasion d’expliquer aux résidents quelles sont leurs contraintes financières.

« Chacun peut dire quelle est sa marge de manœuvre, jusqu’où il est prêt à aller, expliquent Éric D’Avril et Matthew Kalpakis. Les promoteurs ne sont pas tous des gens qui veulent se mettre à dos la population. »

Étant donné que le projet requiert un changement de zonage, ils « n’ont pas vraiment eu le choix » de participer. D’emblée, la Ville les avait encouragés, expliquent-ils, à ne pas vendre leurs terrains, mais plutôt à participer à ses projets dans le secteur.

Quant à la maison ancienne, elle n’est pas classée et ne jouit d’aucune protection particulière, soulignent-ils. Et ce, en dépit du fait qu’elle appartienne à la catégorie très rare des maisons qui subsistent d’avant la Conquête.

Appelée à se répandre

Même si le programme « Oui dans ma cour » vient d’être lancé, il s’inscrit dans une tendance de plus en plus répandue : celle de l’acceptabilité sociale et des nouvelles formes de consultations publiques.

La demande pour ce type de services risque d’ailleurs d’aller en augmentant puisque le gouvernement vient de légiférer pour donner plus de liberté aux municipalités en matière de consultations publiques. Depuis la loi 122 visant à reconnaître que les municipalités sont des gouvernements de proximité, elles peuvent, si elles le souhaitent, abolir le droit au référendum et développer leur propre façon de faire.

« C’est sûr et certain qu’un changement comme 122 vient ouvrir un espace de repositionnement », remarque Marc Jeannotte, un ancien de Vivre en ville qui a créé l’OSBL Vote pour ça afin de placer les citoyens au cœur des projets.

Il n’est pas le seul, puisque de plus en plus d’organismes et de consultants offrent des services d’accompagnement en participation sociale.

Les référendums, rappelons-le, permettaient à des citoyens de bloquer des projets immobiliers qui ne respectaient pas le zonage si une majorité de résidents des alentours s’y opposaient.

À la demande des maires, dont Régis Labeaume au premier chef, les villes ont désormais la possibilité d’abolir le droit au référendum, mais elles doivent le remplacer par un nouveau mécanisme.

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