Miami, la plus cubaine des villes américaines

Confection de cigares par des mains expertes dans la Calle Ocho de Miami.
Photo: Gabriel Anctil Confection de cigares par des mains expertes dans la Calle Ocho de Miami.

Elle est omniprésente depuis des décennies dans l’imaginaire collectif des Sud- Américains, des Haïtiens, mais surtout des Cubains. Cette ville, située à l’extrémité de l’empire, tant vantée par les exilés, auréolée des promesses de l’American Dream, symbolise pour des millions de déshérités une terre de possibilités où il est possible de tout recommencer. Un endroit où, espèrent-ils, leur vie et celle de leurs enfants seront plus faciles.

Miami, les deux pieds dans l’eau, à 360 km de La Havane, est la plus latino des grandes villes américaines. Comme une zone tampon entre le Nord et le Sud. Une ville frontière où se mélangent les cultures et les influences. Clinquante et superficielle à première vue, elle cache des quartiers fascinants et des trésors architecturaux qui méritent qu’on s’y arrête. Visite de cette ciudad mágica aux accents hispaniques, qui berce les rêves des plus désespérés du continent depuis des générations.

Une ville, un refuge

 

Cuba. 1er janvier 1959. Alors que les frères Castro, Che Guevara, Camilo Cienfuegos et les autres révolutionnaires de la Sierra Maestra sont acclamés dans les rues en liesse de La Havane, des milliers d’autres Cubains, proches de Batista, le dictateur renversé, s’enfuient en catastrophe de leur île chérie pour se mettre à l’abri à Miami, le temps que les choses se placent, que la révolution soit renversée et qu’ils regagnent leur place privilégiée dans l’île crocodile. Mais Castro et son régime ont miraculeusement survécu à toutes les attaques, si bien que les réfugiés, au nombre de 300 000 au cours des trois années qui suivirent la révolution, n’ont jamais revu leur pays ni leurs maisons.

Amers et nostalgiques, ils ont élevé leurs enfants dans la haine du régime communiste, qui a détruit leur destin. À ce premier contingent se sont ajoutées, au fil des décennies, d’autres vagues d’immigrations, politiques et économiques, qui ont porté le total des exilés cubains aux États-Unis à environ deux millions, dont près de 70 % vivent en Floride. À Miami, leur communauté, qui compte près d’un million de personnes (sur les deux millions et demi de la région métropolitaine), a profondément changé le visage de cette ville.

Fantômes d’une autre époque

Vous trouverez un peu partout dans la Little Havana des traces de ce passé chargé de luttes et d’espoir. Constitué d’une dizaine de rues, ce quartier a été le foyer historique de la communauté cubaine. Même si celle-ci est aujourd’hui dispersée un peu partout à Miami, elle continue de fréquenter le secteur où sont concentrés de nombreux commerces, restaurants, bars et salles de spectacle qui gardent vivante cette culture américano- cubaine, unique en Amérique.

Il suffit de suivre la rue principale, Calle Ocho, pour plonger dans les odeurs, les sons et l’ambiance de l’île originelle. Des coqs coqueriquent en toute liberté, des airs de salsa s’échappent des bars et des cris surgissent des tables de dominos qui emplissent le Domino Park, où se rassemblent les passionnés de ce jeu si populaire dans les Caraïbes.

Après avoir acheté des cigares roulés par les mains expertes des exilés dans une des boutiques spécialisées qui y ont pignon sur rue, vous pourriez faire une pause pour goûter à la nourriture simple, mais délicieuse, que les immigrants cubains continuent de préparer comme à leur arrivée, il y a 60 ans.

Délices cubains

 

Un repas classique serait assurément articulé autour d’un Cuban Sandwich, comme on les prépare admirablement bien à l’El Pub Restaurant. Le plat est constitué de tranches de porc rôti, de jambon Serrano, de fromage suisse, de cornichon à l’aneth, le tout arrosé de moutarde et entassé dans un pain grillé. Il pourrait être accompagné d’un mojito bien sucré et de croustilles de banane plantain.

Pour le dessert, rendez-vous à la populaire crémerie Azucar afin d’y déguster une glace à la cubaine. Vous pourriez vous laisser tenter par une de ses nombreuses saveurs exotiques, comme celle à la mangue ou à la goyave, ou encore sortir des sentiers battus et goûter à celle au chocolat et au poivre de Cayenne. Celle-ci fut créée à la mort de Castro, en 2016 et gentiment baptisée Burn in Hell Fidel.

De l’autre côté de la rue se trouve un imposant monument érigé en l’honneur des combattants qui ont participé à l’invasion de la baie des Cochons, en 1961.

Cette opération, dirigée par la CIA et financée par le président Kennedy, à laquelle plus de 1500 exilés cubains et anticastristes ont participé, s’est avérée un échec cuisant. Elle devait renverser Castro et sa bande, mais a plutôt contribué à renforcer son pouvoir. Une flamme éternelle y brûle en leur mémoire.

Pour terminer votre exploration de Little Havana en dansant, le Ball and Chain est l’endroit tout indiqué. Inauguré en 1935, le club a connu son âge d’or dans les années 1950, alors que des légendes du jazz, telles que Nat King Cole, Ella Fitzgerald, Louis Armstrong, Count Basie et Chet Baker, y ont ensorcelé le public. Le bar possède aujourd’hui une scène extérieure où sont régulièrement présentés des concerts de musique cubaine. Après avoir bu un daïquiri ou un Cuba Libre, il vous sera très difficile de ne pas succomber aux rythmes endiablés qui y colorent les chaudes soirées latines.

Une architecture ensoleillée

 

Après avoir exploré le côté cubain de Miami, il vous faudra impérativement aller faire un tour du côté de South Beach et de l’incroyable Art Deco District, où se trouvent pas moins de 800 bâtiments de style Art déco, érigés entre 1923 et 1943.

Photo: Miami visitor bureau Du côté de South Beach et de l’incroyable Art Deco District se trouvent pas moins de 800 bâtiments de style Art déco.

Le secteur, protégé depuis 1979, possède la plus grande concentration au monde d’édifices répondant aux préceptes de ce style architectural particulièrement élégant, qui privilégie l’utilisation de lignes simples et pures.

Ce courant artistique, extrêmement populaire à cette époque tant en Europe qu’aux quatre coins de l’Amérique, s’incarne à Miami dans sa version la plus colorée.

En effet, chaque construction y a été peinte de façon différente, si bien que l’ensemble crée une mosaïque explosive aux teintes vitaminées par les chauds rayons du soleil de la Floride. Et comme pour Cendrillon qui enfile ses plus beaux atours le soir, l’Art Deco District se métamorphose une fois le soleil couché.

Photo: Gabriel Anctil Sur Ocean Drive, les néons des enseignes et les éclairages transforment les édifices en une multitude de tableaux flamboyants.

Les néons des enseignes et les éclairages transforment alors ses édifices en une multitude de tableaux flamboyants, qu’on dirait tout droit sortis d’un autre temps. De quoi donner le goût de fêter toute la nuit sur Ocean Drive, qui traverse ce magnifique quartier et qui est l’une des artères les plus survoltées d’Amérique.

L’ambiance y est latine et exotique, si bien que vous aurez l’impression d’être en voyage très loin des États-Unis, dans une autre culture et une autre réalité.

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