Yelapa à des années-lumière de Puerto Vallarta

La baie de Yelapa côté village
Photo: Rodolphe Lasnes La baie de Yelapa côté village
Yelapa n’est accessible que par la mer. Les bateaux-taxis longent la sauvage côte sud de la Bahía de Banderas, croisent éventuellement des baleines, qui frayent par centaines dans ce coin du Pacifique, et, au détour d’une pointe rocheuse, arrivent en vue de Yelapa, spectaculaire : une profonde baie bordée de monts verdoyants, une plage blonde frangée de palmiers, une vingtaine de pangas colorées ballottées par la houle, un village qui s’étend vers les hauteurs et, dans le ciel, le bal des frégates et des pélicans.

En débarquant, on a l’agréable impression d’arriver sur une île, avec ce rythme toujours un degré plus calme que sur le continent. L’absence de voitures doit aider. Aucune route ne reliant Yelapa au reste du monde, le quai est le centre névralgique du village d’un millier d’habitants qui se connaissent tous.

C’est un avantage appréciable quand on cherche où loger. Plus rapide qu’un algorithme de réservation en ligne, le capitaine du bateau-taxi m’indique une maison vers le fond du bourg. Alicia loue à l’occasion l’étage de sa casa, un studio largement ouvert sur la nature avec, à l’image de la plupart des habitations du coin, la moustiquaire du lit pour seul mur. En bande-son, le murmure de la rivière et les rires des enfants de la famille.
Photo: Rodolphe Lasnes Un décor de rue

Ce village de pêcheurs accueille des touristes depuis des lustres. Dans les années 1960, Bob Dylan, Dennis Hopper et d’autres artistes naviguant à contre-courant venaient s’y ressourcer. Ils furent imités par bon nombre de gringos envoûtés par ce lieu simple, plus proche de la nature que du mercantilisme. L’électricité n’est arrivée qu’en 2001 et aucun distributeur d’argent n’est encore installé. On compte les boutiques sur les doigts d’une main, y compris les deux épiceries qui n’ont rien pour encourager la surconsommation.

« C’est pourtant bien le tourisme qui fait tourner l’économie locale », m’explique Wim, un Belge à l’éternel sourire, établi ici depuis 2006. Mais un tourisme au développement contrôlé, qu’on pourrait aisément qualifier de durable.

Depuis sa première visite en 1996, Wim a vu des pêcheurs délaisser les filets et une poignée de quads faire une bruyante apparition, mais la communauté veille à conserver son paisible mode de vie.

Pour ce faire, elle s’appuie sur son statut de comunidad indigena, qui l’autorise à gérer son territoire d’une manière autonome, un accord qui remonte à 1581 ! Les terres de la municipalité sont la propriété de la collectivité, et aucun terrain ne peut être vendu à des étrangers. Pas le genre d’endroit où l’on verra pousser une franchise internationale de sitôt. « Et puis, Yelapa ne convient pas à tout le monde », ajoute Wim.

Éloge de la lenteur

C’est vrai. Se faire réveiller à l’aube par le chant des coqs, découvrir des insectes inconnus dans la salle de bains, vivre un tant soit peu coupé du monde et de sa constante animation pourrait en rebuter quelques-uns. Ceux-ci viennent généralement s’allonger trois ou quatre heures sur le sable ou à l’ombre des palapas des restaurants de la plage, avant de retourner festoyer à Puerto Vallarta en fin d’après-midi.

Les autres, s’installant pour plusieurs jours, peuvent programmer leur baignade de manière à éviter cette (relative) affluence, sans pour autant manquer le passage des pie ladies. Ces pâtissières locales sont les seules vendeuses à arpenter la plage, et la réputation de leurs gâteaux maison (citron meringué, banane et noix de coco) dépasse largement les limites du village.

On l’aura compris, c’est en séjournant à Yelapa qu’on découvre son vrai visage. On calque vite son pas sur celui des mulets qui transportent encore une grande partie des marchandises et quelques touristes.

On marche ainsi beaucoup, à travers le petit labyrinthe des ruelles pavées qui serpentent dans le bourg, sur les chemins de terre qui longent la rivière… Mais on marche lentement et avec l’air un peu béat, il faut l’avouer, en faisant maintes pauses pour humer au passage les hibiscus et les bougainvilliers, admirer la baie. Ou encore, prendre un verre chez Micheladas Vicky.

Cocktail typiquement mexicain

Autour de ce comptoir ouvert sur la rue bat le cœur du village. Les micheladas sont la spécialité maison, un cocktail typiquement mexicain mélangeant bière, jus de citron, Clamato et sauces épicées, avec crevettes et légumes frais en option. Assis sur le muret face au bar, on en déguste un en observant la vie couler doucement : les enfants qui rentrent de l’école, un pêcheur, un thon sur l’épaule, un convoi de mulets…

Tout en hésitant entre les diverses occupations qui pourraient combler cette journée : une longue promenade menant à la Cascada la Catedral, une autre nettement plus courte jusqu’à la chute se jetant dans un bassin d’eau fraîche en haut du village, une séance de yoga ou, pourquoi pas, un vol en parapente (la seule activité forte en adrénaline du coin).

On peut aussi se contenter d’une sieste, en rêvant de pouvoir prolonger son séjour à Yelapa, savourer encore cette douceur de vivre qui ne s’offre qu’aux visiteurs prenant le temps de la cueillir.

L’auteur était au Mexique pour la rédaction du guide Ulysse Explorez Puerto Vallarta et Guadalajara.

En vrac

S’y rendre
Des vols directs vers Puerto Vallarta sont assurés par Air Canada et Air Transat au départ de Montréal. Sunwing et Air Transat offrent des départs de Québec. Il faut ensuite prendre un bateau-taxi depuis le quai de Playa los Muertos (25$ aller-retour, jusqu’à 8 départs quotidiens en haute saison) ou depuis le village de Boca de Tomatlán, situé à 30 minutes de bus de Puerto Vallarta (12 $ aller-retour, départs réguliers en toute saison).

Se loger
Les réservations sont conseillées en haute saison (décembre à avril). On trouve sur les sites de réservation une bonne sélection de logements à louer (de la hutte à la villa de luxe) à des tarifs avantageux pour les séjours prolongés. Le village compte aussi une dizaine d’hôtels allant du moyen au haut de gamme. Deux bonnes adresses: Miramar: appartements bien équipés surplombant la baie (à partir de 85 $). Vereda Palapa: splendides villas de style palapa (toit en feuilles de palmiers) ouvertes sur la nature et en retrait du village (à partir de 100 $).

Manger
Café Bahía: pour un petit-déjeuner sain et copieux sur une jolie terrasse face au quai du village. Taquería Los Abuelos: un resto qui propose de succulents tacos aux fruits de mer.

Pratique
Il n’y a aucun distributeur d’argent sur place et la plupart des établissements n’acceptent pas les cartes bancaires, alors n’oubliez pas de faire le plein de billets à Puerto Vallarta.


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