Quel est l’impact des séjours de solidarité internationale?

De plus en plus d’organisations non gouvernementales (ONG) offrent la possibilité de participer à de courtes missions à l’étranger en guise d’activité de financement ou de projets en lien avec leur raison d’être. Lorsque votre grand coeur s’emballe à l’idée d’apporter votre contribution, cela vaut la peine de réfléchir et de faire vos recherches avant de participer à ce type de séjour.
« Il y a beaucoup de confusion quant au choix des mots utilisés, explique d’entrée de jeu Katina Binette, chargée de programme à l’Association québécoise des organismes de coopération internationale (AQOCI). Tout d’abord, je n’appellerais pas ça des voyages humanitaires, mais plutôt des séjours de solidarité internationale. »
Lorsqu’il est question de jumeler quelques heures ou quelques jours de bénévolat à vos vacances, il s’agit davantage de « volontourisme », contraction des mots volontariat et tourisme. L’organisme Village Monde rappelle d’ailleurs qu’« une conscientisation sur les conséquences à long terme de ce genre d’implication à l’étranger est primordiale ».
Des gestes à proscrire
Peu importent les gestes faits, ils découlent presque toujours de bonnes intentions. Récupérer des livres, des vêtements et des jouets inutilisés ici pour les donner à des enfants défavorisés est un exemple fréquent des petits gestes que plusieurs font en voyage sans penser que cela pourrait être nuisible. Selon Katina Binette, ces gestes sont à proscrire.
« Tout ce qui est un don matériel [tee-shirts, stylos, ballons de soccer], c’est non, insiste-t-elle. Ça entretient le rapport du colonisateur. Puis, donner des jouets de Dollarama fabriqués probablement dans un contexte d’exploitation humaine, c’est incohérent avec la notion de solidarité. À l’inverse, la consommation responsable et équitable, c’est un geste politique et social qui la respecte davantage. »
Dans le cas des missions ponctuelles d’une à deux semaines pour répondre à des besoins précis, comme offrir des soins de santé gratuits dans une région éloignée, quelques questions s’imposent avant même de choisir un organisme avec lequel collaborer.
Katina Binette suggère les questions suivantes :
1. Quelles sont vos motivations à participer à un tel séjour ? Sont-elles principalement personnelles ?
2. Le projet est-il axé sur la collaboration humaine ou un don matériel ?
3. Les habitants auraient-ils pu faire le travail à votre place ?
4. Êtes-vous formé pour faire cela (ex. : construction ou éducation) ? Si oui, avez-vous suivi une formation spécialement conçue pour ce contexte, en médecine tropicale par exemple ?
5. Le projet apporte-t-il un soutien véritable et durable ou ne fait-il que pallier temporairement une plus grande problématique ?
6. Cela encourage-t-il un lien de dépendance entre le pays en question et l’aide internationale ?
7. Vos gestes risquent-ils d’avoir des conséquences sur les populations locales ? Aller câliner des enfants dans un orphelinat puis repartir aussitôt, par exemple ?
Katina Binette termine sa liste de questions en rappelant que « les gens ont leurs propres solutions dans tous les pays du monde ».
Bien choisir avec qui partir
Force est de constater que plusieurs séjours n’apportent pas un soutien durable et continuent de propager l’image du « sauveur blanc ». Mais il y a aussi des organisations qui réfléchissent elles aussi avant d’entamer un projet quelque part.
Prenons par exemple IRIS Mundial qui depuis 2001 a pour mission d’« améliorer la santé visuelle des personnes vulnérables dans les pays en voie de développement en leur donnant accès à des services ophtalmologiques préventifs et curatifs de qualité, et ainsi améliorer leurs conditions d’existence ».
Pour y parvenir, les membres de cet OBNL collaborent avec un partenaire local reconnu, opérationnel et oeuvrant dans le domaine de la santé. Ensemble, ils recensent d’abord les besoins en santé oculaire de la population et la faisabilité d’une mission ponctuelle et d’un programme permanent. Après une première mission sur le terrain, ils compilent les statistiques épidémiologiques en partenariat avec l’École d’optométrie de l’Université de Montréal.
En Haïti notamment, deux programmes ont été instaurés et financés par IRIS Mundial, mais ils sont autonomes depuis 2017. De plus, un nouveau programme est entamé à Saint-Louis au Sénégal et sera opérationnel dès juin prochain grâce au Programme québécois de développement international (PQDI). Si jamais les activités à long terme ou même ponctuelles sont irréalisables, les données seront tout de même transmises au ministère de la Santé du pays en question.
Évidemment, l’idéal est que les programmes ou services deviennent autonomes dans un avenir plutôt rapproché. La réalité, par contre, est souvent tout autre. Or, il est important de réfléchir à l’impact réel des activités au programme avant même de les mettre en branle, peu importe l’ONG, et peu importe qu’il s’agisse de missions à plus ou moins long terme.
À la question « est-ce que vos gestes risquent d’avoir des conséquences sur les populations locales », il est impératif de choisir une ONG reconnue et qui collabore avec des partenaires locaux qui connaissent les réels besoins sur le terrain. Dans un contexte de santé, les risques de complication ou d’infections sont souvent nettement plus élevés étant donné la situation sanitaire et l’absence de suivi médical dans la plupart des cas. Or, passer deux semaines quelque part pour traiter les gens sans prendre le temps de faire de l’éducation adaptée à la situation locale pour prévenir la réapparition d’une telle condition a ni plus ni moins le même effet que de panser nonchalamment une plaie sans la nettoyer.
L’AQOCI compte 65 organisations dans son réseau, dont seulement une vingtaine envoie des gens à l’étranger. « Il y a aussi beaucoup de choses à faire ici », insiste Mme Binette. Que les bénévoles agissent ici ou ailleurs, des formations continues sont offertes pour bien les préparer avant de prendre part à ces activités.
Cela permet sans doute d’éviter que des « écoles » fraîchement construites soient vides ou dont la construction est incomplète par manque de fonds des ONG impliquées. Au-delà de la bâtisse, elles auront probablement pensé aux pupitres, aux chaises, aux tableaux et surtout aux enseignants qui veilleront à l’éducation des élèves. « Dans notre réseau, ce sont les organisations locales qui planifient les projets », précise-t-elle.
Puis, il y a toute la question de la sécurité des voyageurs qui est à prendre en considération. « Assurez-vous que l’ONG offre une bonne formation avant de partir et qu’elle suit les conseils et avertissements du gouvernement canadien à propos des destinations à risque », ajoute Mme Binette.
Enfin, il est impératif de voir chaque projet dans la situation inverse. Accepteriez-vous que des étrangers non formés construisent l’école de vos enfants ? Que diriez-vous si des gens s’improvisaient enseignants pour faire votre travail bénévolement ? « Il ne faut pas oublier qu’on y va surtout pour apprendre et vivre une expérience, pas pour changer le monde », conclut Katina Binette.