La dévaluation du yuan, un mauvais signal pour le luxe et le tourisme en France
La triple dévaluation du yuan, la semaine dernière, est un mauvais signal pour les secteurs du luxe et du tourisme en France, déjà affectés par la politique anticorruption de Pékin, estiment des analystes.
Le marché du luxe, qui dépend à 30 % de la clientèle chinoise, a reculé pour la première fois en Chine l’an dernier, malmené par le ralentissement de la consommation en Asie et la lutte des autorités contre les dépenses ostentatoires, selon une étude du cabinet Bain Company.
Dans ce contexte, la dévaluation, d’ampleur modérée (près de 4 % au total), n’aura en elle-même « pas d’impact fort ». Mais le ralentissement du marché chinois qui sous-tend cette mesure va « ajouter une pression supplémentaire au secteur », estime Cédric Rossi, analyste chez Bryan Garnier Co.
« Une partie du marché qui avait ralenti en Chine avait été compensée par le fait que les Chinois dépensent beaucoup plus en Europe. Si la dévaluation se poursuit, les Chinois, qui achètent à 70 % leurs produits de luxe hors du pays, pourraient acheter moins en Europe », souligne-t-il.
Pour François Godement, directeur du programme Asie au Conseil européen des relations internationales, « ce n’est pas parce qu’il y a une dévaluation de 2, 4 ou 5 % qu’il y aura des conséquences sur l’industrie du luxe, qui a déjà pris un coup avec la campagne contre la corruption en Chine ».
La dévaluation devrait néanmoins se traduire par une baisse de l’activité en Chine exprimée en euros. LVMH réalise 8 % de ses ventes en Chine continentale, Hermès, 12 %, et la branche Luxe de Kering, 10 %, selon Luca Solca, analyste chez Exane BNP Paribas.
Autre conséquence, en renchérissant les prix des produits de luxe importés en Chine, la dépréciation du yuan pourrait encourager le commerce parallèle, prévient Fflur Roberts, directrice du segment luxe chez Euromonitor International. « La différence de prix entre l’Asie et l’Europe va s’amplifier, ce qui risque d’augmenter le marché gris, à savoir les produits achetés légalement par des intermédiaires en Europe et revendus en Chine sans l’autorisation du fabricant », souligne-t-elle.
Pour l’instant, les prix des produits de luxe diffèrent d’au moins 35 % entre la Chine et l’Europe en raison des taxes chinoises à l’importation et sur les produits de luxe. Cet écart atteint même 50 % dans certains cas.
Des marques ont augmenté leurs prix en Europe pour réduire la différence avec la Chine. Certaines entreprises, comme Chanel, ont même baissé de 20 % leurs prix en Chine, mais cette option n’est plus valide en raison d’une politique monétaire défavorable, estime Fflur Roberts.
Sur le plan du tourisme, « la France est suffisamment attractive pour absorber l’écart de monnaies. L’impact de la monnaie, du moment qu’il reste faible, n’a pas vraiment d’influence », estime René-Marc Chikli, président du Syndicat des tour-opérateurs français (SETO).
« On ne ressent rien à ce stade, mais il y a un tel désir de voyager des Chinois, et en particulier en France, avec une croissance à deux chiffres de touristes chinois depuis quatre ou cinq ans, qu’à mon avis cela aura très peu d’impact », indique pour sa part Christian Mantei, directeur général d’Atout France, l’agence de développement touristique de l’Hexagone. L’an dernier, 1,7 million de touristes chinois sont venus en France et ils devraient être 2 millions cette année, selon lui. Une manne pour l’économie française, car avec 1500 euros d’achats par tête en moyenne, les touristes chinois sont aujourd’hui de loin les plus dépensiers du monde.