L’ami Jacky

Jacky Blot sur sa parcelle du Clos Michet, avec, derrière le mur, la parcelle du Clos Mony en monopole JEAN BEAUDY
Jacky Blot sur sa parcelle du Clos Michet, avec, derrière le mur, la parcelle du Clos Mony en monopole JEAN BEAUDY

L’appellation Montlouis-sur-Loire est réputée pour son pétillant originel. Le cahier des charges est d’ailleurs passablement pointu sur son élaboration.

Commençons déjà par ce qui est interdit, soit zéro éraflage ni foulage, encore moins d’enzymage, de levurage, de chaptalisation, de liqueur de tirage et de liqueur d’expédition. Ce qui est permis ? En boire à volonté ! Reste que le dégorgement y est obligatoire sinon il neigerait dans votre verre, quelle que soit la saison. Un minimum de neuf mois enfin est exigé à titre de séjour obligatoire sur lattes. Fait à noter, le bio compte ici pour 50 % de l’appellation.

Jacky Blot au Domaine de la Taille aux Loups

 

J’ai toujours aimé le pétillant de Montlouis. Mais c’est surtout celui de Jacky Blot qui me revient en mémoire. La décision de lui payer une visite chez lui s’imposait, histoire de se remémorer cette « petite » fête célébrée en cave chez les Foucault du côté de Saumur-Champigny, il y a près de 25 ans maintenant.

Une petite bombe de finesse que sa cuvée Triple Zéro (36,25 $ – 12025301). Élaborée maintenant depuis 1993, celle-ci respecte en tout point les règles de l’appellation, mais l’homme pousse plus loin le bouchon. Les faibles rendements de ses vieilles vignes de chenin (plus de 50 ans et dorlotées en bio) assurent déjà la base en s’assurant de ne retenir que les jus de la cuvée seulement (ici à 80 % sans ajout des tailles). Suit une fermentation en fût d’environ trois mois pour « éclaircir » les jus sans autres formes de filtration, fermentation qui trouve son apogée avec une quinzaine de grammes de sucres au compteur. Cette dernière se poursuivra en bouteille jusqu’à épuisement des sucres pour les 36 mois suivants. Pure dentelle de mousse, affriolante de textures, de poire briochée, éclatantes et sonores comme un bébé rieur de toutes ses dents à venir. (5) ★★★  1 / 2

« On a voulu s’éloigner des pétillants naturels approximatifs », fait remarquer Jacky en me versant sa version Rosée Brut élaborée avec de vieux gamays (issus de la parcelle calcaire Les Hauts de Husseau) vinifiés en cuves inox pour plus de verticalité (sans séjour sur lies fines). Bulles soyeuses et charme à revendre, soutenu de tanins quasi invisibles et au relief tonifiant, presque salin. Pure invitation à taquiner quelques oursins au passage. Et que dire de ce millésime 2012 avec ses neuf ans bien sentis sur lattes ? Un Triple Zéro arrondi, encore bien vivant avec ses amers fins et délicatement truffés. On a déjà envie de se mettre à table avec une poularde aux morilles !

Jacky Blot a réussi, au fil des ans, à broder un patchwork étonnant de lieux-dits et de parcelles où le chenin blanc, mais aussi le cabernet franc au Domaine de la Butte (16 hectares démarrés en 2002 en appellation Bourgueil dont ce magnifique climat mi-pente), devient le porte-voix subtil et nuancé des magnifiques terroirs où dominent entre autres, craie micacée, tuffeau jaune, argiles à silex, poudingues et autres cailloutis. Au Domaine de la Taille aux Loups, mais aussi à Vouvray (Clos de Venise, La Bretonnière, ici, en monopole sur une magnifique pente sud-est), l’homme a su au fil des acquisitions repérer, sentir et comprendre pour mieux faire chanter ses cuvées parcellaires, cernant les potentiels et exaltant les personnalités de chacun d’elles.

Il en va ainsi de sa parcelle « froide » les Hauts de Husseau, où le calcaire affleure, blanc sec substantiel et dynamique qui n’est pas sans évoquer un style meursault perrières, racé et de longue garde. Ou encore ce Clos Michet (cinq hectares) exposé plein sud sur côteau, d’un plaisir tactile à la fois rond et saisissant qui, selon Jacky est « l’incarnation de la sucrosité sans sucres imaginés ». Une parcelle déjà différente du Clos Mony, ceinte de murs et situé tout juste à côté, où le chenin gagne subtilement en vibration lumineuse et minérale (silex), jouant ici de discrétion et de mystère.

Les 12 hectares de ce monopole sont bien évidemment récoltés en fonction des maturités dictées par les nombreux microclimats, sous-sols et pentes (avec un bas de pente destiné pour 25 % à l’assemblage de l’emblématique cuvée Rémus, fer de lance de la maison) avec, vous l’aurez deviné, un premier tri au bout de chaque rang de vigne à la vendange. Il s’agit, selon le vigneron, de capter une même fréquence d’ensemble sans s’embarrasser de distorsions éventuelles nuisibles à la lisibilité de la sélection parcellaire en question. Plus précis que Jacky et vous voilà aux commandes du télescope James Webb à vendanger les vignobles de la galaxie tout entière.

Si vous passez par Tours, il vous faut impérativement faire une halte gourmande au bistrot Les Belles Caves, dont il est l’un des associés. Pour ma part, plus besoin d’attendre 25 ans pour y rencontrer tous ses potes vignerons.

À grappiller pendant qu’il en reste !

Sauvignon Blanc 2020, Allan Scott Family Winemakers, Nouvelle-Zélande (20,05 $ — 14839624) Ce sauvignon inspire comme le ferait un beau Menetou-Salon, bien sec avec ses airs de fleurs blanches et de pamplemousse sur fond de caillottes pour ajouter à la touche minérale. C’est élégant, léger, délicat et de belle persistance. (5) ★★★ 

Zweigelt Rosé 2021, Fritsch, Wagram, Autriche (21,40 $ — 14727593) Le zweigelt est de ces « noirs » qui proposent une véritable envolée florale et fruitée lorsque vinifié par léger pressurage avec, à la clé, ce tonus particulièrement cristallin pour relancer la légèreté d’ensemble. Il offre de plus cette personnalité, ce caractère juvénile et bon enfant qui invite à le boire sans ménagement. Bref, l’apéro idéal sur une terrasse turbulente et animée accompagné de sandwich aux tomates pas d’croûte. (5) ★★★ 

Tannat Reserva 2020, Bodega Garzón, Uruguay (21,75 $ — 13621228) Le cépage tannat ne s’affiche certes pas en tête de palmarès du côté des vins de haute palatabilité. Plutôt l’inverse. Pas sexy en somme. Mais il a ses adeptes. Son accouchement ne tolère aucune distraction, le tanin doit être mûr et complet et le fruité à son image, sans être plombé par la surmaturité et l’extraction, idéalement, modérée et en douceur. Défi relevé ici avec brio avec une couleur encre de Chine impénétrable et une structure végétale et fruitée du même ordre. Pas un vin qui fait dans la nuance et la dentelle, mais qui anoblit toute protéine animale grillée. (5) ★★ 1 / 2 ©

Biodynamic Wine ++—, 2021, Côtes-du-Rhône, Rhône, France (21,65 $ — 14056988) Pas ou peu de soufre, passablement de vigueur et d’énergie, des notes de fruits et de poivre noir soutenus à la limite d’un invisible perlant de bouche, voilà en gros la proposition ici. C’est sec, légèrement resserré sur le plan tanin, simple d’expression, mais franc du collier. (5) ★★ 1 / 2 ©

Chardonnay 2021, Kumeu Village, Nouvelle-Zélande (22,80 $ — 13565481) Parmi les plus brillantes expressions de ce pays du bout du monde et encore une fois, ici, un sérieux concurrent aux blancs secs de Chablis et du Grand Auxerrois. Le profil est fin et linéaire, précis et bien vivant avec sa touche de silex, de pomme et de citron qui prolonge une finale nette et un rien saline. Incontournable, surtout à ce prix. (5) ★★★ 

Chavet « Clos de Coquin » 2021, Menetou-Salon, Loire, France (24,15 $ — 974477) Les fruits de cette parcelle aiguisent déjà la gourmandise, en raison de leur maturité un chouia exotique, mais aussi par cette espèce de jovialité vivante et vivace à porter cette même gourmandise bien au-delà des lèvres. Bref, on se régale ! On s’y mouille avec un goût de kiwi et de pêche mûre susceptible d’accompagner ce fameux poulet général Tao où abondent textures et contrastes. À ce prix, un sauvignon épatant ! (5) ★★★ 

Riesling « Langenlois » 2021, Rudolf Rabl, Kamptal, Autriche (25,80 $ — 12776877) Le nez annonce bien le riesling, dans sa version horizontale toutefois, discret, mûr, large et exotique dans l’expression alors qu’il se resserre subtilement en bouche sous des leviers plus articulés qui l’oriente plus en hauteur. L’impression finale assure une légèreté d’ensemble fort soutenue. (5) ★★★ 

La Ferme Saint-Martin « Les Terres Jaunes » 2019, Beaumes-de-Venise, Rhône, France (27,20 $ — 14997462) Thomas Jullien joue de lenteur dans son coin de pays excentré, concentré sur ses vignes et le fruité profond, sauvage qu’elles lui livrent, millésime après millésime. Ici, la terre est patiente et les vins, longs à se faire. Grenaches et syrahs issus de sélections parcellaires vinifiées en cuves bétons y proposent un discours épicé soutenu, encadré par la personnalité forte des terroirs. On y plonge doucement, pour l’apprivoiser, avec ce sentiment de saisir au détour du déroulé de tanins, matière à savourer épaisseur et relief, le tout avec fraîcheur. Le passer en carafe une bonne heure avant de le servir un rien rafraîchi sur la côte de boeuf grillée. (5) ★★★  ©

Barolo 2016, Vinum Vita Est, Piémont, Italie (29,75 $ — 14027061) Un Barolo au prix d’un Langhe… à moins de 30 $ ? Il semble bien que ce soit possible. On aurait aimé gagner en finesse et en profondeur d’ensemble, mais la mâche et le caractère y sont. S’y glissent des nuances capiteuses et denses de réglisse, de cuir mouillé et de goudron fumé logé en vieux foudre sur une bouche fournies en tanins, bien serrée, fraîche, un rien oxydative. Il ne fait sans doute pas dans le gouleyant (le beaujolais fera l’affaire à ce titre), mais il demeure un bon candidat pour s’initier à cette appellation prestigieuse, surtout accompagné d’un osso buco de circonstance. (5) ★★★  ©

Amber Pinot Gris 2021, Sperling Vineyards, Vallée de l’Okanagan, Canada (30,75 $ — 14209825) Avec ses arômes étonnants de thé des bois, de tisane et de notes lactiques qui évoquent le petit-lait, ce pinot gris d’une riche robe ambre-orangée nous plongent, bien sûr, au-delà de la portée aromatique et gustative originelle du cépage. Il nourrit un ensemble où l’amertume des tanins amplifie et balise une finale longue qui ne manque ni d’harmonie ni de caractère. Un bio qui trouve sa place sur une cuisine libanaise avec un redoutable bonheur. Très bon ! (5) ★★★ 1 / 2

Pouilly-Fuissé 2019, Maison Champy, Bourgogne, France (39,75 $ — 13920965) Vous évoquez Pouilly-Fuissé et déjà deux écoles se dessinent. L’une, plus verticale, aux accents calcaires perceptibles, à peine boisés sous l’élevage. L’autre, plus horizontale, flaveurs enrobées sous des rondeurs ensoleillées et caressées sous des boisés de pomme au beurre. Celui de la maison Champy procède de cette dernière, beaunois de style, soyeux et fin, par sa vivacité et son goût de poire mûre. Et pourquoi pas une escalope de veau à la crème citron pour l’accompagner ? (5 +) ★★★ 1 / 2 ©



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