Le retour au bercail d’Hugo Coudurier

Après des années à l’étranger, Hugo Coudurier est de retour chez lui pour diriger les cuisines du prestigieux Champlain.
Photo: Francis Vachon Le Devoir Après des années à l’étranger, Hugo Coudurier est de retour chez lui pour diriger les cuisines du prestigieux Champlain.

C’est dans l’adversité que l’on se découvre, dit-on. Pour ceux qui ont vu leur milieu de travail secoué, cette année aura été source, encore, de réflexions. Pour boucler la boucle sur une note joyeuse, voici trois personnes du milieu culinaire qui ont pris 2021 comme un tremplin vers une nouvelle aventure. Premier portrait de trois.

Originaire de Québec, le chef Hugo Coudurier a parcouru le monde, ses restaurants étoilés et ses hôtels les plus prestigieux. À 40 ans, et 17 ans après son départ de la capitale, il revient au bercail pour diriger les cuisines du Champlain. Un changement total pour celui qui avait installé ses pénates en Asie depuis plusieurs années.

L’idée de travailler un jour au Château Frontenac l’a toujours habité, si ce n’est d’abord dans son subconscient, confie Hugo Coudurier, qui a grandi à Sillery à l’époque où Jean Soulard en était la vedette. Lorsque la pandémie a éclaté, Hugo Coudurier venait d’entamer son poste de chef à la station balnéaire Six Sens, à Oman, au Moyen-Orient. L’hôtel fermé, il y est resté confiné pendant six mois pour faire la cuisine à la soixantaine d’employés demeurés au fort. « C’était vraiment emmerdant, il n’y avait rien à faire. Même si le paysage est magnifique ! »

C’est alors qu’il décide d’ébaucher des projets de boulangerie à Bali tout en imaginant les esquisses d’un restaurant français à Jakarta. Il y rêvait encore tout récemment, jusqu’à ce qu’un ami d’enfance le pistonne, il y a trois mois à peine, sur le poste à pourvoir au Château Frontenac. « J’avais bien vu que plein de monde du Château regardait mon profil sur LinkedIn, raconte-t-il avec le sourire. Et j’avais envie de revenir à Québec. »

Lorsqu’il était parti en France rejoindre sa famille qui y avait emménagé — son père étant Français —, Hugo Coudurier ne savait pas qu’il quitterait sa ville natale si longtemps. « Je devais revenir pour l’université, mais j’ai dit à mon père que je voulais m’inscrire à l’école de cuisine. À ce moment-là, les chefs étaient plus mis en avant en France qu’au Québec. C’était vu comme un beau métier de passion. »

Ce gourmand décide donc de réaliser son rêve et de faire ses classes à l’Académie culinaire CFA La Noue de Dijon, avant d’être embauché au restaurant de Guy Savoy, trois étoiles au Guide Michelin. À peine quatre mois après ses débuts, le chef Savoy lui fait savoir qu’il veut l’envoyer prendre le relais des cuisines de son établissement au Ceasars Palace, à Las Vegas. « Un moment de grosse fierté » pour cette jeune pousse, qui passait ainsi devant des collègues de la brigade plus expérimentés. Ce fut là le premier contrat d’une série qui l’a mené, en près de 20 ans de carrière, un peu partout en Asie et au Moyen-Orient.

L’heure de poser ses valises

« J’adore Bali, j’adore l’Indonésie. Mais je ne regrette pas d’être parti, j’ai pris la décision d’arrêter de voyager », explique-t-il. D’autant plus que ses parents, dont il est très proche, pouvaient de moins en moins tolérer des vols de 24 heures pour aller lui rendre visite. « Puis, tous les deux ou trois ans changer de boulot… J’ai passé l’âge. J’ai envie de poser mes valises et de faire un truc sur le long terme. Québec est une belle occasion pour ça. Et ce n’est qu’à six heures d’avion pour mes parents ! »

Son premier menu servi au début du mois de décembre a suscité bien des éloges, notamment pour la finesse d’exécution, les influences et l’éventail de techniques pigées en France comme en Asie. « J’aime vraiment les plats de légumes, et je connais bien la cuisine végane, mais j’aime la viande. Je suis carnivore », dit Hugo Coudurier pour expliquer l’étendue de son champ d’intérêt.

Il l’avoue bien humblement, son style reste à définir selon l’inspiration que lui donneront son nouvel antre et les producteurs d’ici. Car s’il y a une chose qu’il reconnaît, c’est qu’il arrive ici avec des yeux neufs sur les produits qu’il veut mettre en valeur. « Tous les soirs, après mon shift, je découvre un fromage québécois , dit-il. Le fromage, c’est mon plaisir coupable ! Et c’est vraiment bien, ce que je goûte. »

Il entend aller le plus tôt possible à la rencontre des producteurs, créer des liens, et espère piquer une jasette avec son prédécesseur, Stéphane Modat. Pour l’heure, il arpente la ville, le Vieux-Québec — son nouveau quartier —, et renoue avec ses vieux camarades et ses tantes maternelles. « J’ai plein d’amis d’enfance que je ne voyais plus. Et c’est quelque chose que j’avais toujours en tête… Comme si je reniais mon pays. Je suis Québécois. Le Québec est mon pays, Québec est ma ville. Je suis heureux de revenir y travailler. Les Québécois sont vraiment gentils. Ils ne sont pas nombreux à l’étranger et ils me manquaient. Je me sens plus dans mon élément qu’avec des Français, pour qui je suis toujours le “p’tit Québécois de la gang” » !

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