Ces restos qui gardent la tête hors de l’eau, en baladodiffusion 

Blanche Gionet-Lavigne et son équipe font la reconstitution dramatique d’histoires mémorables en cuisine.
Photo: Francis Vachon Le Devoir Blanche Gionet-Lavigne et son équipe font la reconstitution dramatique d’histoires mémorables en cuisine.

Une tuyauterie bouchée un samedi de grand soir, une cuisinière enceinte à s’en crever les eaux, un sous-chef qui fait faux bond le jour de l’ouverture ; si les anecdotes sont légion dans le milieu de la restauration, certaines, fortes en émotions, nous rappellent que ce sont des humains qui tentent de garder la tête hors de l’eau quand tout tourne au vinaigre.

La comédienne et autrice Blanche Gionet-Lavigne finalisait la préparation de sa pièce L’envers — inspirée de ses propres années de service en restauration — lorsque la pandémie a tout repoussé. Sans dire que rien n’arrive pour rien, l’idée de se « réinventer », lancée à tout vent le printemps dernier, lui a finalement permis, avec son équipe, de créer Dans l’eau chaude.

Cette baladodiffusion qui prend la forme d’un docuthéâtre expose « les soirées les plus mémorables » vécues par Martin Juneau (Pastaga), Danny St Pierre (Accomodation Danny), Hakim Chajar (Miel), Colombe St-Pierre (Chez St-Pierre) et Pénélope Lachapelle (Nina Pizza Napolitaine).

À mesure que l’invité raconte son histoire, Blanche et ses acolytes en font la reconstitution dramatique. Le tout ponctué de morceaux musicaux savamment choisis.

« Je disais à Samuel [Sérandour], mon concepteur sonore : “Martin Juneau, c’est Bird Man ! C’est du beat, c’est de la batterie, c’est un band !” explique Blanche Gionet-Lavigne. Pour Hakim Chajar, c’est comme un orchestre son truc. Alors il y a de la musique classique qui embarque. »

Plus que la musique, ce qui donne la tonalité dans les cinq épisodes, c’est la vulnérabilité et l’authenticité qui s’en dégagent. Au-delà des chefs rock stars ou d’un certain piédestal qu’on donne au milieu, on découvre leurs buts communs dans l’adversité (ou pas !) : faire passer un bon moment aux clients.

Pénélope Lachapelle, copropriétaire de Nina pizza napolitaine, à Québec, se rappellera toujours cette soirée où un drame s’est produit à un jet de pierre de son restaurant du quartier Saint-Roch. « On voyait les gyrophares, des trucs de sécurité partout, on a manqué d’électricité. Le mot d’ordre au service c’était : OK, c’est difficile ce qu’on vit. On va [décanter] ça tantôt. On met des bougies, on essaie de faire passer une bonne soirée à tous ces gens-là. C’est la priorité. Et il y a des gens qui ne s’en sont jamais formalisés. »

Entrer en scène

 

Dès la cueillette des histoires, Blanche Gionet-Lavigne a saisi encore mieux les parallèles entre la restauration et les arts vivants, notamment cette passion commune pour leur métier qui les anime jour après jour.

« Un chef, c’est vraiment un metteur en scène, relate-t-elle. Il organise un chaos, comme au théâtre, on organise une espèce de chaos. La mise en place en restauration, le pré-set au théâtre. Les liens sont tellement forts ! L’équipe aussi, ça ressort beaucoup dans les histoires et ça fait un parallèle avec la troupe, la gang. Comment on traverse tout ensemble. Tous ceux qui sont nommés [dans les récits du balado], ce sont des personnages ! Ils ont tous des surnoms, ils sont très typés. »

Laisser la vie personnelle au vestiaire pour offrir un bon moment au client, « le masque », comme l’explique Blanche, fait de la restauration un monde « vraiment théâtral ».

« Les acteurs sont effectivement de bons serveurs, abonde Pénélope Lachapelle. Si tu veux avoir du fun à faire ça, faut que tu mettes le costume [et tu te dis] : the show must go on. Si tu as le cœur brisé, tu vas faire ton service sans que personne s’en rende compte parce que tu te nourris de l’énergie positive des gens. C’est des humains derrière les humains qui servent et peut-être [que le balado] va mettre de la lumière là-dessus. »

Et comme tant d’autres choses, les conséquences de la pandémie ont été presque les mêmes pour ces deux mondes précaires, aussi les plus touchés. « Comme nous, [les restaurateurs invités] ont traversé des gros défis. Je les ai sentis très solidaires à notre milieu, évoque Blanche Gionet-Lavigne. Et j’aimerais que [le balado] donne le goût aux gens d’aller manger dans leurs restos. »

Dans l’eau chaude est disponible sur la chaîne du théâtre Premier Acte, présente sur les principales plateformes de baladodiffusion (Spotify, Apple, Google, etc.) et sur La Fabrique culturelle.

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