Hà, le nouveau du Vieux-Montréal

Le grand plaisir que j’ai eu à lire ma consoeur Lesley n’a d’égal que celui de vous retrouver et de partager avec vous quelques découvertes dans le monde merveilleux de la restauration chez nous. La prochaine sera une grande table, prestigieuse et que j’espère excellente, la suivante une toute petite complètement ébouriffante. Celle de cette semaine, Hà, est reposante et délicieuse.
Ce Hà-là est le petit frère du premier Hà, ouvert au printemps 2015 avenue du Mont-Royal, en face du parc Jeanne-Mance. Le premier prenait la relève du très regretté Souvenirs d’Indochine, le second succède au moins regretté Appartement, un lieu de réjouissantes soirées, bruyantes, agitées. Les deux portent le nom de Monsieur Hà, un hommage respectueux à celui qui a, entre autres choses, fait connaître la cuisine familiale vietnamienne à bien des Québécois.
Les hyperactifs propriétaires ont demandé à Amlyne Philips, hyperactive designer dont on voit la signature dans plusieurs établissements de Montréal (Jatoba, Kozu, Kampai Garden, etc.), de revigorer les lieux.
Tables de marbre vert, lampes de laiton, longues banquettes de velours vert, chaises en bois et rotin, murales évoquant les paysages de quelques contrées asiatiques : le tout est très réussi et, dès le seuil franchi, cette quarantaine de chapeaux chinois accrochés au mur met en appétit pour des petits plats à l’exotisme retenu.
Les toques
C’est exactement ce que proposent Ross Louangsignotha et Billi Deraspe, les toques de Hà : de l’exotisme, mais sans excès. La cuisine est certes venue d’ailleurs — salade de papaye, saumon coco et autres pad thaïs —, mais les plats conservent une amabilité qui convient aux palais occidentaux.
La sauce Nuóc châm est utilisée avec parcimonie et la cuisine met davantage en avant des éléments plaisants à nos papilles : lime, basilic thaïlandais, gingembre mariné ou coriandre, pour ne mentionner que ceux-là.
La formule consacrée au premier Hà est intacte, et certains plats ayant fait le succès de la première adresse sont repris ici avec bonheur : soupes, légumes et plats végétariens, poissons et fruits de mer, viandes. Beaucoup de propositions portent la signature de coeur des ancêtres, comme les rouleaux impériaux, le saumon coco-tom yum et la traditionnelle tonkinoise au boeuf de monsieur Hà ou la soupe laksa de madame Tipphachanh, la maman du chef Louangsignotha.
Préparée en lamelles un peu plus charnues que dans la recette initiale, la salade de papaye verte garde tout son intérêt gustatif.
Même remarque pour la salade de tataki de boeuf épicé, les ailes de poulet laquées du chef Ross ou le poulet grillé à la citronnelle, quoique, dans ce dernier cas, on pourrait regretter la discrétion excessive de la citronnelle, aux qualités aromatiques pourtant évidentes dans d’autres plats. On n’a plus les citronnelles qu’on avait.
Intéressants cocktails
Certains plats sont venus compléter la carte : en entrées, de délicieux petits pains dodus à l’encre de seiche farcis de chair de crabe des neiges et, en plats principaux, un filet de morue poêlé sur vermicelles, sauce au yogourt, curcuma, salade de fenouil, aneth et arachides, et une très généreuse salade de fruits de mer (crevettes, palourdes, pieuvre marinée) habillée de mangues, concombres et menthe.
Si les chefs apportaient leurs habituels soins aux accompagnements des côtelettes de boeuf grillé, toutes délicieuses qu’elles soient, tendres et juteuses présentées en portions faciles à grignoter, ils seraient chaleureusement félicités par les clients.
Par contre, en se limitant à cette salade de chou assez insipide et à ce discret gingembre mariné, ils se contenteront d’applaudissements tout aussi timides.
Proposé en accompagnements de certains plats, le riz est décliné en trois options de bolinettes aussi savoureuses les unes que les autres : riz frit du jour, riz au jasmin ou riz coco-curcuma.
En fin de repas, trois desserts qui, sans révolutionner la chose, conviennent parfaitement : une plantureuse portion de tapioca au lait de coco, fruits frais, glace et arachides caramélisées, un dessert du jour et l’incontournable glace au thé vert.
En fin de repas également, on constate que la dizaine de très intéressants cocktails, la demi-douzaine de sakés, les quelques bières asiatiques et la courte carte des vins ont contribué au bonheur croissant de la clientèle.
De toute évidence, cette félicité s’accompagne d’une perte de l’ouïe et le ton monte graduellement. Si vous avez les tympans sensibles, venez souper tôt ; sinon, participez à la liesse générale.
Ouvert le midi du lundi au vendredi et en soirée du lundi au samedi. Prévoyez une vingtaine de dollars par personne le midi et doublez le soir.
Au sujet de la carte des liquides, mon collègue et néanmoins ami Jean Aubry dit ceci : « Si les prix sont un chouïa trop élevés côté vins, il demeure que les choix sont pertinents ici. Plongez cocktails : l’affaire est belle ! »
Légendes
★ Je regrette de devoir vous en parler
★★ Pas mauvais, mais on n’est pas obligés de s’y précipiter
★★★ Bonne adresse
★★★★ Très bonne adresse
★★★★★ Adresse exceptionnelle pour la cuisine, le service et le décor
$ Le bonheur pour une vingtaine
$$ Une quarantaine par personne
$$$ Un billet rouge par personne
$$$$ Un billet brun par personne
$$$$$ Le bonheur n’a pas de prix