Diplomatie de luxe

Dans le petit local de la rue Beaubien Ouest, le chef du Diplomate et son équipe travaillent sous vos yeux, à portée de voix afin que vous puissiez leur demander le détail de chaque plat qui vous sera servi.
Photo: Annik MH de Carufel Le Devoir Dans le petit local de la rue Beaubien Ouest, le chef du Diplomate et son équipe travaillent sous vos yeux, à portée de voix afin que vous puissiez leur demander le détail de chaque plat qui vous sera servi.

Commencer l’année avec un truc pareil me remplit de joie. L’endroit est petit, presque caché, les assiettes y sont traitées avec infiniment de délicatesse, le service est chaleureux, précis, agréable. Le chef du Diplomate et son équipe travaillent sous vos yeux, à portée de voix afin que vous puissiez leur demander le détail de chaque plat qui vous sera servi et argumenter sur tel ou tel détail.

Pour ajouter encore au bonheur de vous parler de ce Diplomate, il ne faudrait pas que j’oublie de vous mentionner cette addition minuscropique, surtout si l’on considère l’immense plaisir que nous avons eu à cette table.

Photo: Annik MH de Carufel Le Devoir Le chef Aaron Langille, escogriffe bilingue à très grandes lunettes, a déjà brillé ailleurs, au Café Sardine et chez Orange rouge.

Le chef Aaron Langille, escogriffe bilingue à très grandes lunettes, a déjà brillé ailleurs, au Café Sardine et chez Orange rouge, par exemple. Il avait un peu disparu de la carte à la suite de l’arrivée d’une petite Langille. Avant la venue prochaine d’un petit Langille, il est revenu avec ce restaurant original, dans le sens d’anticonformiste, qualité que nous aimons toutes et tous lorsqu’elle rime avec talent, créativité et générosité. Décor élégamment bizarre et situation géographique reposante ; il y a peu de chances que vous trouviez un autre établissement de cette qualité en face d’un Home Depot, tous pays confondus.

Le menu du Diplomate est décliné en cinq bouchées, neuf plats centraux et trois desserts. Chaque proposition est étudiée, équilibrée, stimulante. On pourrait craindre une cuisine d’esthète ; on a une cuisine de coeur intelligente. Nous étions quatre et avons pris trois bouchées, les neuf plats centraux qui se partagent facilement et les trois desserts. Hormis les bâillements provoqués, surtout chez moi, par les choux de Bruxelles, tout a été impeccable.

Je vous lasserais en vous détaillant les 15 plats, mais peut-être pourrais-je au moins vous parler de ces aubergines endimanchées d’une pâte au mortier, d’une idée de miso, d’une pincée de sésame et de trois gouttes de vinaigre qui côtoyaient dans une jolie bolinette une sorte de chiffonnade de chou chinois (gaï choï). Nous étions venus, madame Barguirdjian et moi-même, accompagnés de nos charmants voisins de palier — un jeune couple de fourchettes aguerries — arméniens, polyglottes gastronomiques et cuisiniers réveillés. Ils poussèrent les premiers oh ! et ah! admiratifs.

Vivats qu’ils réitérèrent tout au long du repas, des endives — à peine soulignées de vanille, d’un peu de crème fraîche et de seigle en grains — jusqu’au cerf accompagné de topinambour, de palourdes et d’airelles dans une sauce délicieuse, chinoiserie de crevettes, d’ail, de gingembre et d’échalotes.

Applaudissements de Liza devant cette assiette de crevettes servies crues, posées délicatement sur des bouchées de kaki et quelques radis marinés finement tranchés. Sur le tout, de très fins bâtonnets de jaune d’oeuf mariné au sel et, en pluie, une poudre d’argousier intrigante.

Soupirs d’extase de Nazareth devant les coeurs d’artichaut courant en ribambelle le long de l’assiette en poursuivant dans une ronde joyeuse des champignons sautés à la perfection. Pour ajouter au ballet, quelques feuilles de capucine et de jolies rondelles de carottes mauves et orange marinées sur un lait de noix de pin.

Même enthousiasme général pour cette galette de pommes de terre bleues, dés de pommes pour l’acidité et la texture, raifort pour le dynamisme ; en matelas, une émulsion de jus de chou frisé ; en couverture, un nuage de chou frisé frit et croustillant.

Suivent morue et pieuvre, également jubilatoires.

 

Pour conclure, trois superbes desserts sortis de l’esprit créatif du chef pâtissier Kyle Croutch et montés ce soir-là avec beaucoup de doigté par Alice Vanasse qui, toute la soirée, brille par son à-propos et sa délicatesse.

Le chef Langille et Vincent Bélanger, son collègue en cuisine, passent de table en table — ou plutôt de groupe en groupe, car il n’y a que deux tables ici et un très long comptoir — pour s’assurer que tout se déroule bien.

Je vous souhaite que tout se déroule aussi bien pour vous que pour nous.

 

Bonne année gourmande à vous toutes et tous.

De la belle carte des vins, l’expert mondial M. Aubry dit : « Une carte fouineuse qui semble privilégier les vins bios et qui devrait plaire aux petits futés branchés. Mais, le répéterons-nous jamais assez : pourquoi ne pas offrir pour bien démarrer 2017 un champagne sous la barre des… 100 $ ? Une sacrée belle résolution ! » Avec un peu de chance, si le sommelier s’est réveillé, vous pourriez profiter du conseil prodigué par l’expert mondial.


Ouvert en soirée, du mardi au samedi. Bouchées de 3 $ à 5 $, plats centraux de 10 $ à 20 $ et trois desserts à 8 $. Nos 15 services à partager, plus une bouteille et un verre de vin, ont coûté 228 $ avant taxes et pourboire. Ça faisait très longtemps que 57 $ m’avaient procuré autant de bonheur. Vraiment.

 

Légendes

★ Je regrette de devoir vous en parler
★★ Pas mauvais, mais on n’est pas obligés de s’y précipiter
★★★ Bonne adresse
★★★★ Très bonne adresse
★★★★★ Adresse exceptionnelle pour la cuisine, le service et le décor

$ Le bonheur pour une vingtaine
$$ Une quarantaine par personne
$$$ Un billet rouge par personne
$$$$ Un billet brun par personne
$$$$$ Le bonheur n’a pas de prix

Le Diplomate

★★★★ 1/2

129, rue Beaubien Ouest, 514 303-9727, $$$

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