Le vol du siècle

Jonathan Lapierre-Rehayem, qui dirige la cuisine de Pop !, est un de ces chefs qui montent.
Photo: Pedro Ruiz Le Devoir Jonathan Lapierre-Rehayem, qui dirige la cuisine de Pop !, est un de ces chefs qui montent.

Bon, j’exagère un peu quand je dis vol du siècle, mais ça attire votre attention et ça permet des histoires plus amusantes ; vous doserez mon enthousiasme.

J’exagère un peu, mais si peu. En cette quatrième journée d’automne, vous pourrez aller voir par vous-mêmes et vous me remercierez.

On est presque gênés, comme clients, de payer si peu pour tant de félicité. Comment dit-on, déjà ? Beau, bon, pas cher ? C’est en plein ça. Le « ça » en question s’appelle Pop !

Pop ! est cette très jolie petite chose poussée à l’ombre du restaurant Laloux. C’est à l’ombre des plus beaux châtaigniers que poussent les meilleurs cèpes. Le principe semble fonctionner aussi bien pour les restaurants que pour les champignons.

Pop ! se distingue par son décor reposant, reposant dans le sens où il nous change des duplicatas retrouvés çà et là en ville, et dont on finit par se lasser. Un décor scandinave chic, sans ostentation ; confort, esthétisme et bon goût prédisposent généralement à de joyeux coups de fourchette.

Pop ! se démarque par le service qui y est assuré comme une marque de commerce de la maison, un service, modèle du genre (même la toute petite fille asiatique de la table voisine aura fait ce soir-là l’objet de la même sollicitude que les autres clients).

Pop ! se singularise enfin par un sommelier avec juste ce qu’il faut de perversion dans le regard pour garantir que la soirée de vos verres sera joyeuse, et pour vous tout autant, bien entendu.

Une fois tout cela dit, reste la cuisine : époustouflante à bien des égards.

Un menu Entracte

 

Pop !, que les experts appellent aussi Bar Pop ! ou Bar Laloux, propose un « Menu Entracte — avant, après ou même pendant le théâtre ». Deux entrées et un dessert, quand c’est aussi bon, c’est déjà très bien.

Quand, en plus, ça ne coûte que 20 $, c’est irrésistible. Si votre porte-monnaie est aussi coincé de la fermeture éclair que le mien, vous appréciez déjà cette maison.

Le menu compte une douzaine de plats. Dans un élan de sacrifice et d’abnégation, j’en ai goûté 10 pour vous. Dix moments de pure délectation. Les portions sont petites, mais amplement suffisantes pour un appétit normal.

Bien sûr, tout est si bon que l’on voudrait se vautrer sans gêne aucune dans chaque assiette, mais on essaie de conserver un semblant de dignité.

Ce que perdit le professeur Routy, sanguin méridional, lettré distingué et redoutable commensal, qui sauta à pleins couverts dans les poêlées de champignons et de petits légumes commandées en accompagnement de sa caille rôtie.

Madame Routy fit preuve d’une exemplaire retenue, mais nous la perdîmes une partie du repas, en état de béatitude devant le saumon sockeye au thé du Labrador et la tarte au citron, guimauve au romarin, espuma de yaourt aux agrumes, sorbet aux pamplemousses et baies roses.

Chaque assiette est composée intelligemment, montée avec soin et donne le sentiment que les gens en cuisine aiment suffisamment leur métier et leurs clients pour qu’ils mettent aussi du coeur, en plus de l’évidente réflexion.

Cet aïoli au sapin baumier, ce miel en rayon apporté à la table, cette purée de petits pois soyeuse au-delà du soyeux, tant de détails qui plongent dans un ravissement total. Et, je vous le rappelle, tout cela coûte 20 $.

Rendons à César… Donc, Jean Duval, propriétaire de la maison, a imaginé et créé cet impeccable décor où l’on veut prolonger le plaisir, soir après soir. Jonathan Lapierre-Rehayem, un de ces chefs qui montent à très juste titre, dirige la cuisine. (Le soir de notre deuxième passage, son second, Adrien Renaud, s’illustra avec assurance ; Laloux et Pop ! débordaient, rien n’y parut).

Le chef pâtissier

 

Gabriel Lavoie est l’excellent chef pâtissier qui vous achève. Lui non plus n’était pas en cuisine à notre seconde visite, mais le travail délicat et sensible de Rachel Weaver souleva des oh ! et des ah !

Marie-Ève Savard dirige les opérations en salle avec l’assurance d’un Nagano et David Vincent débouche plus vite que son ombre petits vins et grands crus.

Une jeune fille prénommée Émilie nous servit ce soir-là avec une douceur et une efficacité émouvantes.

Je suis un peu contrarié de devoir partager cette adresse avec les centaines de milliers de lecteurs du Devoir, mais ce sera mon premier cadeau de Noël, très exactement 90 jours en avance. Libre de penser et de partager.

 

Excellente soirée à toutes et tous!

POP !

250, avenue des Pins Est
Montréal
514 287-1648

Ça finira par vous coûter pas mal plus que 20 $, mais vraiment, vraiment, quels beaux moments passés à table. À propos de l’imbibition, mon collègue et néanmoins ami, Jean Aubry, qui en a pourtant vu d’autres, écrit : « Une grande carte ! Étudiée jusque dans les moindres recoins. Il y a tout ce qu’un amateur aussi ludique que sérieux désire, et même plus. L’une des meilleures cartes offertes à Montréal. J’ai soif ! » Je l’aime, mon collègue, quand il s’enthousiasme pour les mêmes choses que moi, ou presque.


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