L’indispensable fonds de prévoyance

Stéphane Gagné Collaboration spéciale
Il faut réserver des montants suffisants pour le fonds, mais aussi commencer tôt à le faire.
Photo: RGCQ Il faut réserver des montants suffisants pour le fonds, mais aussi commencer tôt à le faire.

Ce texte fait partie du cahier spécial Habitation

Dans une copropriété, le fonds de prévoyance est d’une importance capitale et il doit être suffisamment garni. En effet, l’argent qui y est accumulé permet aux copropriétaires d’entreprendre des travaux visant à conserver leur immeuble en bon état (ex. : réfection de la toiture, changement des fenêtres, etc.). Petit guide pour le copropriétaire.

Ce que dit la loi

 

En fait, depuis 1994, la mise sur pied par le syndicat de copropriété d’un fonds de prévoyance est une obligation en vertu du Code civil. Selon l’article 1071 du Code, ce fonds est constitué « en fonction du coût estimatif des réparations majeures et du coût de remplacement des parties communes » (ex. : toiture, ascenseur). Or, l’article suivant, 1072, a été et est encore mal interprété par bien des syndicats. On y dit que « la contribution des copropriétaires au fonds de prévoyance est d’au moins 5 % de leur contribution aux charges communes [ou frais de copropriété] ». Or, de l’avis de spécialistes du domaine, cette contribution est beaucoup trop faible. Pourtant, au fil des années, beaucoup de syndicats, pour alléger les frais de copropriété de leurs membres, ont limité cette contribution à 5 % ou aux alentours.

Une erreur, selon les acteurs du milieu. Non seulement il faut réserver des montants suffisants pour le fonds de prévoyance, mais en plus il faut commencer tôt à le faire, idéalement dès la prise de possession des logements dans le cas d’un immeuble neuf. « Plus les copropriétaires commencent tôt, plus ils s’assurent d’avoir des frais de condo stables et sans cotisations spéciales», dit Réjean Touchette, président de Cossette et Touchette, une firme spécialisée dans la production d’études de fonds de prévoyance depuis 2007. M. Touchette compare même cet exercice aux mises de fonds versées dans un REER.

Une contribution suffisante

 

Comment alors établir une contribution juste et suffisante ? Réjean Touchette donne un ordre de grandeur basé sur ce qu’il a observé. « Un fonds bien garni devrait avoir l’équivalent d’entre 0,5 et 1 % de la valeur de reconstruction de l’immeuble », affirme-t-il. Ainsi, pour un immeuble dont la valeur de reconstruction est établie à un million, le syndicat devrait réserver entre 5000 et 10 000 $ annuellement dans son fonds.

Cela demeure toutefois un ordre de grandeur. La meilleure façon d’établir avec précision les montants à réserver est de réaliser une étude de fonds de prévoyance. Or, cette étude, faite par des spécialistes, est coûteuse. Plusieurs petites copropriétés n’en ont donc pas. Une situation qu’Yves Joli-Coeur, avocat émérite en droit de la copropriété et sécrétaire général du Regroupement des gestionnaires et copropriétaires du Québec (RGCQ), déplore. « Une loi devrait rendre obligatoire l’étude de fonds de prévoyance pour toutes les copropriétés », affirme-t-il. L’avocat attend d’ailleurs impatiemment que le gouvernement modernise la législation à ce chapitre, comme plusieurs provinces canadiennes l’ont fait jusqu’ici.

La réalisation d’une étude de fonds de prévoyance pour les petites copropriétés (ex. : 20 unités et moins) s’avère en effet tout aussi importante que pour les grandes. « Puisque ces immeubles disposent d’un moins grand bassin de payeurs de frais de condo, la charge est lourde lorsque vient le moment d’entreprendre de grands travaux si l’argent placé dans le fonds de prévoyance est insuffisant, dit Réjean Touchette. Le syndicat se voit alors souvent dans l’obligation d’exiger une cotisation spéciale de plusieurs milliers de dollars à ses copropriétaires. » M. Touchette remarque toutefois une évolution positive à ce chapitre. « Depuis dix ans, il y a plus de petites et moyennes copropriétés qui font appel à nos services pour obtenir une telle étude. »

Pour les syndicats désireux de réaliser cette étude, le RGCQ a entrepris d’accréditer les professionnels du bâtiment aptes à réaliser le travail. Sur le site du regroupement, il suffit de cliquer sous l’onglet « entreprises agréées » pour accéder à la liste de ces firmes.

Des outils pour les petites et moyennes copropriétés

 

À défaut d’avoir une étude en bonne et due forme, les syndicats de petits immeubles peuvent utiliser des outils de planification disponibles sur Internet. Ainsi, il est possible de télécharger sans frais l’application de planification de remplacement d’immobilisations (PRI), un logiciel développé par la Société canadienne d'hypothèques et de logements (SCHL). Cet outil rend possible la réalisation d’un plan de remplacement des immobilisations permettant aux syndicats de déterminer quels travaux de réparation et de remplacement doivent être effectués, quand ils seront nécessaires et combien ils coûteront. La SCHL précise toutefois que le PRI ne doit pas être confondu avec le plan d’entretien. Le plan d’entretien concerne des réparations mineures et la maintenance faites sur l’immeuble (ex. : peinture, nettoyage) et non le remplacement et la réparation d’éléments majeurs du bâtiment.

Quelques conseils avant d’acheter

Réjean Touchette rappelle que, lorsqu’une personne acquiert un logement en copropriété, elle achète souvent 80 % de parties communes (garage, ascenseur, corridors, escaliers et parfois aussi piscine, gymnase, salle de réception) et 20 % de parties privatives (le logement lui-même). Comme la plupart du temps on ne connaît pas les gestionnaires, il faut être prudent et demander l’étude de fonds de prévoyance (si elle existe). « Je conseille de faire une offre d’achat conditionnelle à la consultation de l’étude, s’assurer que le syndicat respecte le plan indiqué dans l’étude et que les fonds sont suffisants », affirme-t-il.

L’insuffisance d’argent dans plusieurs fonds de prévoyance est d’ailleurs problématique. « Deux grands assureurs se sont désengagés de ce marché au Québec pour cette raison », soutient Yves Joli-Coeur, qui presse le gouvernement depuis des années d’agir dans ce domaine.

Ce contenu a été produit par l’équipe des publications spéciales du Devoir, relevant du marketing. La rédaction du Devoir n’y a pas pris part.

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