Cinq ans de fierté pour Les Lauriers de la gastronomie québécoise
Collaboration spéciale

Ce texte fait partie du cahier spécial Plaisirs
Cette semaine, près de 1000 personnes ont convergé vers le New City Gas, à Montréal, pour participer au gala des Lauriers de la gastronomie québécoise. Professionnels de la restauration, artisans, producteurs, médias, personnalités et épicuriens de partout dans la province étaient là pour célébrer les lauréats de l’année 2023 dans 17 catégories, mais aussi pour faire front commun et souligner leur fierté. Une occasion parfaite de faire le point sur leur mission et sur les cinq ans de défis et de petites et grandes victoires des Lauriers, destinés à un milieu tout aussi rayonnant que résilient.
Le gala des Lauriers de la gastronomie québécoise ressemble à première vue à plusieurs grands-messes culturelles. On y croise des personnes en robes longues et en costards, on prend la pose sur le tapis rouge, on serre des mains, puis on assiste à un spectacle à grand déploiement où l’on couronne des professionnels.
Mais les Lauriers, c’est bien plus que cela. C’est tout d’abord le travail acharné d’une poignée de femmes qui ne sont ni cheffes ni productrices afin de faire rayonner un milieu qu’elles aiment profondément. Comme le raconte Christine Plante, cofondatrice de cet événement et du concours qui y est associé, « il y a neuf ans, j’ai commencé à mener deux projets de front : celui de devenir maman et celui des Lauriers. Et il m’a fallu autant d’amour, de bienveillance et de dévouement d’un côté que de l’autre ».
Entre essais et erreurs, rires et pleurs, contre vents et pandémie, Christine Plante et Michelle Labarre, avec leur petite équipe, ont réussi à convaincre les gens sur le plancher, tout comme les médias et les instances gouvernementales. « Et ça, ça prend de la force », a tenu à préciser la sémillante soeur Angèle, à qui on rendait hommage aux Lauriers cette année.
La mission des Lauriers dépasse toutefois cette équipe. « Je suis là depuis le jour 1 de cet événement, parce que je crois fermement que tous les métiers de la gastronomie méritent d’être valorisés et que c’est une belle manière de mettre en avant des gens qui travaillent très fort pour nous nourrir à tous les niveaux », souligne le chef Ricardo Larrivée. Ce à quoi la sommelière Marie-Josée Beaudoin, à la coprésidence du jury de l’édition 2023 aux côtés du pâtissier Patrice Demers, ajoute : « Les Lauriers, ça nous permet aussi de nous rassembler. Nous avons très peu d’occasions de le faire en oubliant nos tracas du quotidien. »
La culture gastronomique d’ici et ses étoiles
Au-delà des retrouvailles et de la fête, le gala des Lauriers, conçu de la même manière que celui de l’ADISQ, souhaite lancer un message clair : la gastronomie est un pan culturel majeur du Québec, au même titre que le cinéma, la musique ou les arts de la scène. Christine Plante le martèle sur toutes les tribunes depuis cinq ans : « La gastronomie locale est la toute première chose qu’on souhaite découvrir quand on voyage ou qu’on s’installe quelque part. C’est aussi une démarche artistique. Quand on déguste un plat d’un chef, on reconnaît sa touche, son son, comme un album. »
Les Lauriers ont donc pour rôle de faire briller tous les pans de cette gastronomie, y compris ceux qui ne sont pas souvent sous les projecteurs, comme la production agricole, le service, la boulangerie, l’artisanat. Et des talents, on n’en manque pas au Québec dans les 17 catégories récompensées ! Des dizaines de noms, connus ou qui méritent de l’être, sont finalistes chaque année. Si ces étoiles brillaient davantage à Montréal dans les éditions précédentes des Lauriers, elles se sont clairement ancrées dans les régions en 2023. La révélation de l’année est Samy Benabed, de l’Auberge Saint-Mathieu, en Mauricie. Le prix du meilleur service a été remis à Perle Morency, propriétaire du restaurant Côté Est, à Kamouraska, dans le Bas-Saint-Laurent. Des acteurs de l’Estrie ont quant à eux remporté les prix Producteur de boissons de l’année (Vignoble La Bauge, à Brigham), Productrice de l’année (Le Rizen, à Frelighsburg) et Événement de l’année (La clé des champs de Dunham).
Il faut également saluer le nombre de lauréats originaires de la région de Québec, comme la sommelière de l’année, Caroline Beaulieu (Légende), le mixologue de l’année, Julien Vézina (Honō Izakaya), et la maison Cassis Monna Filles, qui a reçu le Prix du tourisme gourmand. Sans oublier une des récompenses les plus en vue, celle du chef de l’année, attribuée à François-Emmanuel Nicol, du restaurant Tanière 3.
Montréal a tout de même brillé dans quelques spécialités. Jeffrey Finkelstein (Hof Kelsten) a été nommé le boulanger de l’année, Léa Godin Beauchemin (Place Carmin), la cheffe pâtissière de l’année. Et le Monarque, déjà nommé à plusieurs reprises au cours des années précédentes, a remporté le populaire prix Restaurant de l’année.
Cette variété de talents aux quatre coins du Québec, le coprésident du jury des Lauriers, Patrice Demers, souhaite la souligner : « Nous disposons d’une gastronomie unique, différente d’ailleurs. Nous devons être très fiers de ce qui se fait ici dans toutes les régions. Un bel avenir se dessine, avec une relève très talentueuse. »
Les défis
Malgré le rayonnement croissant que les Lauriers assurent à leurs lauréats et aux établissements mis en nomination, est-ce que gagner change une vie au même titre qu’une étoile Michelin ou un classement intéressant dans le palmarès Canada’s 100 Best ? « Oui, ça a notamment permis à la cheffe Colombe Saint-Pierre d’acheter son restaurant la même année, rappelle Christine Plante. Mais c’est aussi une sacrée tape dans le dos de la part du milieu gastronomique, qui propose et vote pour les concurrents. Simon Mathys (le chef de l’année 2022 et propriétaire du Mastard) m’a dit que l’émotion qu’il avait ressentie en recevant ce prix était plus forte que lors de l’accouchement de sa femme ! »
On ne peut, par conséquent, qu’être ravis du retentissement que les Lauriers peuvent avoir pour les artisans qui nous nourrissent et nous font vivre de grands moments de bonheur. Ce qui ne veut pas pour autant dire que la gastronomie québécoise se porte bien partout, ou qu’elle ne rencontre pas de défis. La productrice de l’année, Stéphanie Wang, a par exemple insisté sur la fragilité de la relève agricole. « Il faut réfléchir aux fermes comme un service essentiel, au même titre que les hôpitaux et les écoles, pour qu’elles soient pérennes », a-t-elle lancé.
De son côté, la cheffe Colombe Saint-Pierre a, avec sa passion habituelle, rappelé que 90 % de nos espèces marines sont encore exportées, plutôt que d’atterrir dans nos assiettes. Puis, elle a lancé un cri du coeur en disant : « Vous êtes tous des soldats face à cette crise sans précédent marquée par l’inflation, le réchauffement climatique, la pénurie de main-d’oeuvre, etc. Il y a des solutions à tout ça, bien sûr, mais ça prend le courage d’y faire face. »
Des propos relayés par plusieurs lauréats lors du gala, et tout au long de l’année par des initiatives comme le collectif La Table ronde et les Lauriers, face à des ministères qui n’ont pas encore saisi l’importance de la gastronomie québécoise pour l’avenir du Québec. Pourtant, nous sommes nombreux à nous retrouver dans ce message écrit par le grand absent du gala 2023 pour des raisons de santé, Christian Bégin : « J’ai appris à vous connaître, à prendre la mesure de votre nécessité pour la suite du monde. Du restaurant de quartier à l’épicerie aux milles allées, des grandes tables du monde à la cantine de bord de route, en passant par moult champs, moult vignobles, caressant vaches, agneaux, lapins, poules, découvrant le vrai goût du pain, le vrai goût d’une tomate, en apprenant vos prénoms, j’ai constitué ma vraie et nécessaire tribu. » Oui, elle est belle, la gastronomie du Québec, et elle mérite pleinement d’être en vedette, aux Lauriers, dans nos programmes publics… et dans notre quotidien, bien sûr !
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