Un Franco-Torontois en quête des croissants d’or

Romain Avril a publié 100 évaluations de croissants français et torontois au cours de la dernière année, mais la lune dorée devant lui lors de sa rencontre avec Le Devoir est la seule à laquelle il décernera la note quasi parfaite de 9,9. « Le côté croustillant est magique », dit-il.
Le chef est à la recherche des meilleurs croissants, une quête qui lui a permis de constater que la France n’avait pas le monopole de cette viennoiserie, n’en déplaise à son pays d’origine. « Les croissants canadiens sont bien meilleurs que les français », a-t-il déclaré à la radio torontoise en janvier, alors qu’il était à mi-chemin de sa première saison d’évaluations.
Ses propos ont fait le tour du monde. « Même les croissants des chaînes d’épiceries françaises sont meilleurs que les croissants canadiens », lui ont rétorqué certains. Quatre mois plus tard, Romain Avril affirme que ses commentaires ont été mal interprétés : « Je disais que les meilleurs croissants que j’ai goûtés sont ici. Ça ne veut pas dire que je ne vais pas en trouver un meilleur en France ! »
Mais assis dans un café du coeur de la Ville Reine, celui qui a travaillé dans certains des plus grands restaurants de Toronto ne se rétracte pas complètement. « En France, tout ce que j’entendais, c’était qu’on était les meilleurs à ci et à ça. Mais quand on sort du pays, on se rend compte que tout le monde essaie de nous battre et se remet en question », observe-t-il.
« Puisqu’on est le pays du croissant, on pense que personne ne peut nous battre. Or les gens nous ont regardés, se sont améliorés et nous ont dépassés », dit le chef.
Si les meilleurs croissants de chaque pays étaient mis côte à côte, « il y aurait des chances que l’expérience française soit meilleure, du fait que la farine est meilleure et que le beurre est de très bonne qualité », soutient Romain Avril. « Mais on parle de volume. Et en matière de volume, je pense que Toronto montre qu’il y a au moins une quinzaine de boulangeries avec des produits exceptionnels. »
« Croissant 101 »
« Des beaux flocons légers, la structure alvéolée a une densité équilibrée », explique devant la caméra Romain Avril, un croissant de la boulangerie torontoise Pompette à la main, à ses quelque 65 000 abonnés Instagram. Comme dans ses 99 vidéos précédentes, le Français de naissance décrit la viennoiserie de manière chirurgicale, de la quantité de gras au niveau de croustillant, avant de plonger dans la dégustation.
Le chef a trouvé une communauté d’adeptes. Il pensait initialement ne faire cette série que trois semaines, « mais je voyais bien que les vidéos avaient 15 000 vues chaque fois », raconte-t-il. Le Franco-Torontois a constaté que le produit était beaucoup plus international qu’il le pensait. Et à l’échelle locale, ses évaluations prennent la forme de guide : « Nous sommes ici à cause de vous », lance une femme, sourire aux lèvres, en entrant dans la pâtisserie Le Génie, où le chef rencontre Le Devoir.
Le croissant du Génie — auquel Romain Avril a donné un 9,1 en janvier, mais qui obtient désormais un 9,9 maintenant qu’un sirop a été retiré de la croûte — est emblématique de la différence que voit Romain Avril entre la France et le Canada. À 6,50 $, le croissant de cette pâtisserie est un produit de luxe. En France, dit-il, « on ne cherche pas à avoir un croissant de luxe ».
Les croissants canadiens sont bien meilleurs que les français
« Ici, c’est la compétition : c’est le concept nord-américain de toujours être meilleur que l’autre, de toujours se battre, c’est un combat de chiens », explique-t-il.
Sur son site Web, les 100 premiers croissants sont séparés par villes et par pays (six sont dans la région de Montréal) et non pas une liste commune. Romain Avril n’adhère pas à la théorie qu’il existe un « meilleur croissant au monde », puisque les produits et l’atmosphère sont différents d’une ville à l’autre. « Ce sera toujours subjectif : la façon dont on respire l’air en France est différente de celle dont on le fait au Canada », explique-t-il.
Le goût est lui aussi subjectif, souligne l’ancien chef du bistro torontois La Société. C’est pourquoi l’entrepreneur préfère donner une « critique analytique ». « La série a été centrée sur moi, sur ce qui me plaît. Il y a quand même des chances que, si ça me plaît, ce soit bon — mon palais est assez éduqué », dit le chef.
« J’ai toujours dit que je ne cherche pas le meilleur croissant du monde : je cherche le meilleur croissant du monde pour moi. »
Ce reportage bénéficie du soutien de l’Initiative de journalisme local, financée par le gouvernement du Canada.