Manger en pleine conscience

Sophie Ginoux
Collaboration spéciale
Aire de restauration du Monastère des Augustines, Le Vivoir nous invite à nous reconnecter à nos sens et à notre intuition.
Photo: Photo fournie Aire de restauration du Monastère des Augustines, Le Vivoir nous invite à nous reconnecter à nos sens et à notre intuition.

Ce texte fait partie du cahier spécial Plaisirs

Au sein d’une société où la consommation est reine, quel rapport entretenons-nous avec notre alimentation ? Est-il sain, équilibré, rationnel, agréable ? Ces questionnements ne datent pas d’hier, mais ils ont inspiré des courants de pensée que nous connaissons sous deux noms : l’alimentation intuitive et l’alimentation consciente. Que signifient ces deux approches et que nous enseignent-elles ?

Le concept de manger consciemment n’est pas apparu du jour au lendemain. Dans l’Antiquité, le médecin grec Hippocrate affirmait déjà que notre alimentation était notre première médecine. Une vérité à laquelle nos ancêtres, qui ne connaissaient ni les technologies, ni la pharmacopée moderne, ni les moyens de production actuels adhéraient naturellement eux aussi.

Lorsque l’alimentation consciente, dont les bases reposent sur des pratiques bouddhistes et holistiques, a émergé dans les années 1970, elle n’est donc pas arrivée de nulle part, même si elle a, depuis, pris toutes sortes de directions. Tandis que l’alimentation intuitive, que l’on associe souvent avec la précédente, a officiellement vu le jour en 1995 sous l’impulsion de scientifiques qui cherchaient une solution de rechange saine aux régimes amaigrissants, dans le but d’améliorer notre relation à la nourriture.

Que dit la science ?

C’est avec une approche rationnelle que des spécialistes, comme la nutritionniste, diététiste et directrice clinique de chez Équipe Nutrition Maude Lalonde, envisagent le fait de manger en pleine conscience. « Cette manière de s’alimenter repose sur dix principes, explique-t-elle : rejeter les diètes, honorer sa faim sans la juger, faire la paix avec les aliments, cesser de les catégoriser, avoir du plaisir en mangeant et non de la culpabilité, être à l’écoute des signes de rassasiement, gérer de manière bienveillante ses émotions, respecter son corps, prendre soin de soi et ressentir les bienfaits de l’activité physique. »

Évidemment, de tels principes, soutenus par des campagnes comme jecoutemafaim.ca, jurent un peu avec la société de surconsommation qui nous entoure et les diktats culturels qui y sont en vogue. Bombardés du matin au soir par des offres alimentaires, des régimes miracles et engoncés dans des règles comme celle de « finis ton assiette » ou « prends tes trois repas par jour », nous pouvons trouver l’alimentation intuitive difficile à embrasser.

« Pourtant, indique Mme Lalonde, nous sommes en naissant des mangeurs intuitifs. Un bébé pleure quand il a faim, détourne sa tête du sein ou du biberon quand il est rassasié. Les enfants sont beaucoup plus connectés que les adultes sur leurs signaux corporels. Nous pourrions davantage prendre exemple sur eux, plutôt que de leur et de nous imposer des règles qui ternissent notre relation avec la nourriture. »

La spécialiste ajoute que plusieurs bienfaits liés à l’alimentation intuitive sont déjà documentés. Les personnes qui la pratiquent sont plus à l’écoute de leur faim, elles ont moins de rages alimentaires, une meilleure estime de leur image corporelle et plus de motivation à faire de l’activité physique.

Elle prévient cependant qu’il faut déconstruire de grands mythes liés à cette alimentation : « De un, contrairement à ce que des gourous non formés en nutrition et certaines compagnies avancent pour vendre leurs services ou leurs produits, l’alimentation intuitive n’est pas synonyme de perte de poids. De deux, elle n’est pas similaire pour tout le monde. Chaque personne a des besoins qui lui sont propres et entretient un rapport différent avec la nourriture. Et de trois, manger de manière intuitive, ce n’est pas manger n’importe quoi, n’importe quand. La qualité et la variété des aliments doivent guider nos choix. »

Alimentation consciente et santé globale

Même s’il faut se méfier de bon nombre de propositions holistiques d’alimentation consciente, certaines sont intéressantes. C’est le cas de celle adoptée par le Monastère des Augustines de Québec, un centre de ressourcement qui combine culture, mieux-être et quête de sens, dans une bâtisse patrimoniale léguée par cette congrégation à la communauté.

« Le modèle que nous préconisons est de ralentir pour réfléchir aux choix que nous faisons quand nous nous alimentons, et de nous reconnecter avec notre corps et nos ressentis selon nos besoins et nos valeurs », dit d’emblée Isabelle Houde, adjointe à la direction générale de l’établissement. En quoi cette approche se distingue-t-elle de l’alimentation intuitive ? « Nous y greffons la provenance de nos aliments en choisissant des producteurs locaux, biologiques et éthiques. Nous privilégions aussi certains modes de cuisson pour éviter les pertes nutritionnelles. Nous encourageons le plaisir de cuisiner, de présenter de belles assiettes, de déguster (et de jardiner, si on le peut), ou encore de faire preuve de gratitude envers tous ceux qui ont amené nos ingrédients jusque dans nos assiettes. »

Une façon de faire intrinsèquement liée à l’histoire des Augustines, qui ont pendant des siècles été des soignantes misant, tout comme Hippocrate, sur l’alimentation pour guérir les malades. « Elles avaient un grand jardin, élevaient des animaux, pêchaient et se fournissaient localement. La qualité de leur nourriture était la pierre angulaire de leurs soins. Elles pratiquaient donc déjà l’alimentation consciente », relate Mme Houde.

Pour cristalliser cette approche, le Monastère a fondé en 2022 Le Vivoir, une aire de restauration un peu particulière que fréquentent ses visiteurs d’un jour comme ceux qui effectuent un séjour dans l’établissement. Comme l’indique Mme Houde, « cet espace a été conçu pour se déposer. On peut y aller pour lire, écrire, prendre le temps. Et on y va aussi manger quand on a réellement faim, quelle que soit l’heure, avec des propositions personnalisées pour chaque personne au sein d’un menu très varié ». Ajoutons à cela le fait qu’au Vivoir, comme le faisaient les Augustines, les déjeuners se prennent en silence, « afin de commencer la journée dans le calme, de mieux sentir ses sensations corporelles et de s’ouvrir à la créativité ».

Le concept d’alimentation consciente prôné par le Monastère des Augustines va donc au-delà du simple fait de manger. Il s’intègre dans celui de santé globale, où le corps, l’esprit et le coeur sont en équilibre, de manière à être entièrement présent au monde. Bref, il nous invite à nous reconnecter à nos sens et à notre intuition. « Nous avons tout ce qu’il faut pour manger sainement et prendre soin de nous, à l’intérieur comme à l’extérieur. Il suffit de se faire confiance ! » conclut Isabelle Houde.

Ce contenu spécial a été produit par l’équipe des publications spéciales du Devoir, relevant du marketing. La rédaction du Devoir n’y a pas pris part.

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