Tout le monde à table!

L’idée de métamorphoser notre système alimentaire pour qu’il soit durable et que notre milieu de vie soit favorable aux saines habitudes de vie est sans doute l’un des plus grands souhaits des professionnels de la santé et des acteurs environnementaux.
Photo: Jacques Nadeau Le Devoir L’idée de métamorphoser notre système alimentaire pour qu’il soit durable et que notre milieu de vie soit favorable aux saines habitudes de vie est sans doute l’un des plus grands souhaits des professionnels de la santé et des acteurs environnementaux.

Le 17 juin dernier marquait un moment historique dans le domaine agroalimentaire canadien. Ce jour-là, on lançait la toute première politique alimentaire fédérale du Canada.

L’idée derrière cette politique consiste à donner accès à des aliments salubres, sains et diversifiés sur le plan culturel à tous les Canadiens.

« La Politique alimentaire pour le Canada est la feuille de route qui nous permettra d’établir un système alimentaire plus sain et plus durable au pays, a déclaré la ministre de l’Agriculture et de l’Agroalimentaire, Marie-Claude Bibeau, en conférence de presse. Les investissements et les initiatives prévus dans la Politique contribueront à la croissance économique, à une meilleure nutrition et à la sécurité alimentaire pour tous les Canadiens. »

En plus de la création du conseil consultatif canadien de la Politique alimentaire pour le Canada, un investissement de 134,4 millions de dollars sur cinq ans servira : à aider les collectivités canadiennes à se procurer des aliments sains, notamment grâce à un fonds pour les infrastructures alimentaires locales ; aux initiatives pour les communautés nordiques isolées ; à la promotion de l’achat de produits canadiens au pays et à l’étranger ; et à la réduction du gaspillage alimentaire.

À titre de comparaison, le gouvernement du Québec a investi 349 millions sur cinq ans dans le cadre de sa politique bioalimentaire Alimenter notre monde, annoncée l’année dernière. Notons aussi que la Politique alimentaire canadienne ne tient pas compte, à court terme du moins, d’enjeux importants tels que l’étiquetage des OGM et la gestion des pesticides, comme le controversé glyphosate.

À la bonne heure !

Le Canada rejoint l’Écosse, qui a mis en place sa politique alimentaire il y a dix ans. Il suit également le Royaume-Uni, qui l’a lancée en 2010 ; l’Australie, en 2013 ; et l’Irlande, en 2015.

Le Système alimentaire montréalais (SAM) a aussi pris un peu d’avance dans le dossier en lançant le Conseil SAM (CSAM) en 2018.

« Le CSAM agit présentement en amont des politiques, explique Richard D. Daneau, porte-parole du Conseil SAM et directeur général de Moisson Montréal. […] Le CSAM travaille en collaboration avec plusieurs partenaires de la métropole montréalaise pour développer un plan d’action intégré qui, nous l’espérons, saura guider judicieusement les décideurs politiques. »

Le Conseil cible d’ailleurs les quatre chantiers suivants : la sécurité alimentaire pour tous ; la saine alimentation (qualité nutritionnelle des aliments) ; l’accès au marché montréalais pour les produits sains et locaux ; et l’empreinte écologique du système alimentaire.

Cela rejoint la plupart des enjeux de la nouvelle Politique alimentaire canadienne, même si les experts sont déçus des sommes investies dans celle-ci.

 

Pour les infrastructures locales, par exemple, « il restera environ 6 millions de dollars pour le Québec, explique Geneviève Mercille, professeure adjointe au Département de nutrition de l’Université de Montréal, spécialisée dans les inégalités sociales de l’alimentation et l’insécurité alimentaire. Cela ne pourra financer que de très petits projets à l’échelle microlocale ».

Mme Mercille, qui siège aussi au Conseil SAM, salue toutefois le fait que ces enjeux importants sont désormais à l’agenda du gouvernement fédéral.

Pour sa part, le Réseau pour une alimentation durable (RAD) recommande cette politique depuis sa création en 2001.

 

« [La Politique alimentaire canadienne] n’est qu’un premier pas, précise Gisèle Yasmeen, directrice générale du RAD. Il y a encore beaucoup de choses à faire, comme d’ajouter des ressources supplémentaires pour la mise en oeuvre [de la Politique] afin d’assurer un impact à moyen et à long termes, de clarifier le processus de nomination des membres du conseil consultatif et arrimer ces programmes avec d’autres initiatives fédérales dans les domaines agroalimentaire, de la santé, de l’environnement et du développement économique et social. »

Tout le monde à la même table ?

L’idée de métamorphoser notre système alimentaire pour qu’il soit durable et que notre milieu de vie soit favorable aux saines habitudes de vie est sans doute l’un des plus grands souhaits des professionnels de la santé et des acteurs environnementaux. Encore faut-il qu’il soit accessible à tous.

« Ça prend des politiques avec de l’ambition et de la vision, ainsi qu’une perspective intégrée et systémique, ajoute Gisèle Yasmeen. Il faut tenir compte de l’importance de l’accès aux aliments sains et durables tant d’un point de vue économique que de proximité. Bien que la nouvelle politique fédérale ait des lacunes et un manque de ressources nécessaires, c’est un bon pas en avant. »

Bien que la nouvelle politique fédérale ait des lacunes et un manque de ressources nécessaires, c’est un bon pas en avant

Puis, s’il est tout à fait normal pour les professionnels de la santé de travailler ensemble pour veiller à la santé globale d’un patient, il devrait en être de même dans le cadre d’une politique alimentaire.

« C’est en travaillant avec toutes les parties prenantes du système alimentaire pour trouver des solutions équilibrées que l’on peut relever le défi d’une transformation plus juste et écologique de celui-ci, insiste Richard D. Daneau. L’atteinte de cet objectif ne pourrait être réalisée qu’en mobilisant les partenaires des secteurs économiques, environnementaux et sociosanitaires, afin de partager une vision commune et une stratégie d’action intégrée à l’échelle régionale autant que provinciale et fédérale. »

Visiblement, les intervenants de tous ces secteurs, dont la mission et les champs d’intérêt diffèrent largement, devront s’écouter et se comprendre davantage. Ils devront surtout s’ouvrir à l’idée de revoir leur façon de faire afin de se pencher sur ces nombreuses problématiques ensemble pour le bien de tous. Et en attendant d’avoir les réels moyens d’y parvenir, ils devront être créatifs, novateurs, peut-être même révolutionnaires.

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