Des déserts alimentaires au coeur de Montréal - Plusieurs quartiers manquent de fruits et légumes frais

Dans le dépanneur adjacent aux Habitations Jeanne-Mance, rue Ontario, à Montréal, on trouve six étagères de patates chips, une étagère de nourriture pour chats, environ trois consacrées à différents types de sauces à spaghetti en boîte, un pan de mur de bouteilles de vin, un autre de bouteilles de bière, mais pas un seul fruit ni légume frais.
Il faut dire que le Faubourg Saint-Laurent, dans le quartier Ville-Marie de Montréal, fait partie des 17 «déserts alimentaires» ciblés par la direction de la santé publique de Montréal. On désigne ainsi les quartiers de Montréal où l'accès à des fruits et légumes frais se situe à plus de 500 mètres de distance des habitations. Dans ces quartiers, souvent défavorisés, les gens n'ont pas de voitures pour faire leur épicerie plus loin. S'ensuivent des carences dans leur alimentation et les maladies, obésité, diabète, maladies cardio-vasculaires et certains cancers, qui en découlent.Le Faubourg Saint-Laurent, enclavé dans le centre-ville de Montréal, n'est pas le seul dans cette situation. On trouve des déserts alimentaires à Pointe-Saint-Charles, Verdun, Hochelaga-Maisonneuve. Il y a des quartiers mal desservis en nourriture fraîche dans Bordeaux-Cartierville, à Pointe-aux-Trembles et à Montréal-Nord, et pour certains habitants du Plateau Mont-Royal, pourtant bien pourvu en marchés d'alimentation, le prix de la nourriture n'est tout simplement pas abordable pour les plus pauvres.
«Il faut travailler sur l'offre», dit le Dr Richard Lessard, directeur de la santé publique de Montréal. Dans le Faubourg Saint-Laurent, entre autres, divers organismes se sont concertés pour organiser un marché public une fois par semaine, qui apporte aux résidants des environs des fruits et des légumes frais provenant d'agriculteurs de la région, à des prix abordables. Chaque jeudi, de juin à octobre, les gens du quartier ont donc accès à ces denrées sur place. Le reste du temps, un homme comme Jean-Guy Lavoie, par exemple, qui vit dans les Habitations Jeanne-Mance, prend les transports en commun jusque chez Valmont, dans le Plateau Mont-Royal, pour faire son épicerie, tandis qu'à 84 ans Berthe Marcotte, qui vit au même endroit, sort deux fois par mois jusqu'au marché Jean-Talon pour remplir son sac de provisions.
«Il y a des gens qui ne mangent pas parce qu'ils sont seuls», constate André-Guy Lavoie. D'autres ont de grandes difficultés à se déplacer.
Le dispensaire diététique de Montréal estime à 7,12 $ par personne par jour le coût minimum de la nourriture pour une famille de deux adultes et de deux enfants. C'est, dans bien des cas, estime la direction de la santé publique, 20 % de plus que ce que les familles peuvent s'offrir.
La restauration rapide devient alors une solution économique et accessible. La Ville de Los Angeles a d'ailleurs déjà décrété un moratoire sur l'ouverture de nouveaux commerces de restauration rapide dans sa zone sud pour contrer l'obésité de ses habitants.
Le zonage rend ce moratoire difficilement applicable à Montréal, bien que certains nouveaux projets immobiliers s'y intéressent, confirme Jocelyn Ann Campbell, conseillère dans l'arrondissement de Ville-Marie.
Le marché est aussi une occasion pour les gens de se rencontrer, de s'employer, de se parler. Jean-Baptiste, 34 ans, et Serge, 58 ans, sont tous deux d'ex-toxicomanes liés au groupe Cactus, qui organise diverses activités à leur intention. Hier matin, ils ont aidé à monter les étals du marché du Faubourg Saint-Laurent. L'initiative favorise donc une certaine cohésion sociale. Et puis, comme le dit Berthe Marcotte, du haut de ses 84 ans, une douzaine de blés d'Inde, cela se transporte mieux sur un coin de rue que sur plusieurs kilomètres...