Le parti rassembleur

Dans sa plus récente chronique (« Le parti de la division », 31 mai), Jean-François Lisée me fait l’honneur de citer trois phrases du « discours » que j’ai prononcé samedi dernier, à l’occasion du conseil général du Parti libéral du Québec (PLQ). J’emploie des guillemets ici, car il serait fort prétentieux de présenter cette petite allocution de quatre minutes comme un discours.
Le titre de la chronique de Jean-François (je me permets d’employer son prénom, puisque je considère M. Lisée comme un ami) se veut provocateur : « Le parti de la division ». Ces mots sont censés décrire le PLQ. Dans mon allocution, j’ai plutôt prétendu que le nationalisme du PLQ se voulait « rassembleur, inclusif. Nous rejetons le nationalisme qui divise les Québécois entre eux, parce qu’on ne bâtit pas une nation forte sur la division ». C’est ce passage qui a fait « tiquer » le chroniqueur.
Selon Jean-François, les gestes nationalistes posés par les gouvernements libéraux dans le passé ont tous divisé les Québécois, même la nationalisation de l’électricité en 1962. « La vérité toute nue est qu’aucun geste fort de promotion de la nation québécoise n’est, à l’origine, rassembleur », constate-t-il après un bref survol historique. Selon lui, il vaudrait mieux tenir pour acquis que les choix politiques divisent par nature.
Il y a du vrai dans cette analyse. Cependant, le chroniqueur interprète mal les quelques paroles que j’ai prononcées samedi. Lorsque je dis que le nationalisme du PLQ est rassembleur, je ne prétends évidemment pas qu’un futur gouvernement libéral ferait l’unanimité autour de lui. La politique, en effet, implique des décisions, des choix, dont chacun suscite son lot d’opposition.
Le mot « rassembleur » ici réfère à l’intention des libéraux, par opposition à celle d’autres partis politiques, la Coalition avenir Québec (CAQ) en particulier. Depuis son arrivée au pouvoir en 2018, le gouvernement Legault ne cesse d’exacerber les préjugés contre les nouveaux Québécois et la communauté anglophone, accusés d’être responsables de l’anglicisation du Québec. Comme le souligne Jean-François, « il y a des cas où l’approche, le ton, la rhétorique peuvent chercher ou susciter la division là où elle n’a pas lieu d’être ». C’est exactement ce que fait la CAQ. C’est ce contre quoi s’élèvent les libéraux.
Nous sommes nationalistes, puisque nous mettons en priorité la défense des intérêts de la nation québécoise. Nous sommes aussi rassembleurs, parce que notre conception de la nation québécoise inclut toutes les personnes qui ont choisi de vivre au Québec, quelles que soient leur origine, leur culture, leur langue ou leur religion. Notre nationalisme invite tous les Québécois à bâtir un Québec plus français, plus prospère, plus juste et plus durable au sein de la fédération canadienne.
Le conseil général tenu en fin de semaine constituait un bon exemple de cette approche. À une forte majorité francophone provenant de toutes les régions du Québec s’étaient joints des Québécois issus de la communauté anglophone et de la diversité culturelle. Il y avait des jeunes et des moins jeunes, des militants de longue date et d’autres plus récents. N’en déplaise à Jean-François, le Parti libéral n’est pas en ambulance, encore moins en corbillard. Les militants réunis à Victoriaville étaient bien vivants. Lucides quant aux difficultés auxquelles la formation fait face, ces membres sont déterminés à faire ce qu’il faut pour relancer le parti et prudemment optimistes quant à l’avenir.
Notre objectif est d’être prêts à remplacer le gouvernement de la CAQ lors des prochaines élections, en 2026. À cette occasion, nous présenterons aux Québécois un projet national rassembleur, à l’opposé de la stratégie nocive privilégiée par le gouvernement actuel.
Réplique du chroniqueur
Cher André, tu as raison de mettre en cause des propos tenus à la CAQ. Ceux de Jean Boulet auraient dû, malgré ses excuses, lui interdire de retourner de sitôt au Conseil des ministres. Permets-moi de contester cependant ton affirmation voulant que la CAQ (et les autres nationalistes, dont je suis) s’en prenne aux « nouveaux Québécois et [à] la communauté anglophone, accusés d’être responsables de l’anglicisation du Québec ». Les néo-Québécois ont respecté les conditions exigées d’eux, les Anglos défendent leurs acquis, c’est normal. Nous critiquons l’imprudent laxisme des politiques d’immigration, et notamment la faiblesse des exigences linguistiques dans l’enseignement anglo, ce qui est complètement différent. Si ta contribution permettait d’imposer cette distinction dans la rhétorique de ton parti, cela permettrait un énorme assainissement de notre discussion publique. Bien amicalement, Jean-François.
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