Sur l’amabilité et l’élégance dans les milieux de soins

Nombreux sont les soignants dignes des remerciements qu’ils reçoivent, nombreux sont les soignants courtois et passionnés, soucieux des personnes qu’ils côtoient dans le cadre de leur travail. Mais force est de constater qu’un nombre croissant d’attitudes désolantes semblent se propager et gagner du terrain dans les milieux de soins. Il est plus que navrant de prendre connaissance, tant dans les médias qu’auprès de nos proches, de ces histoires d’incuries et d’insouciance envers l’autre.
Comme infirmière qui observe le réseau de la santé depuis quelques décennies, je pense qu’il faut aller au-delà du lien direct que nous tendons à faire entre ces attitudes déplorables et les conditions de travail, les gestions déficientes et j’en passe. Bien sûr, de nombreux problèmes affligent notre réseau, qui semble être devenu notre Moyen-Orient québécois, tellement il paraît compliqué d’y voir clair.
Bien sûr, il faut chercher des solutions pour améliorer cette richesse collective. J’éprouve simplement le besoin de regarder l’ensemble d’un autre point de vue, de changer de hauteur de vue. La déshumanisation observée dans les services de santé est préoccupante ; ne serait-il pas temps de s’interroger sur la place que nous accordons, ou pas, à l’amabilité et à l’élégance, c’est-à-dire à la qualité de nos manières ? Souhaitons-nous, ou pas, en faire des valeurs incontournables dans notre société ?
On aura beau parler de bienveillance, de savoir-être, d’empathie, on aura beau développer des protocoles, des politiques, des processus, le socle de toute bonne pratique demeure notre propre civilité, notre façon de nous comporter les uns envers les autres, notre simple savoir-vivre.
Je sais que cela peut sembler simpliste comme approche, mais je pense que l’amabilité et l’élégance sont des valeurs intemporelles de l’humanité qui favorisent la curiosité envers l’autre, l’écoute et l’enrichissement de tous, et ce, même en plein débordement. Être aimable plutôt que grossier ne fait jamais perdre du temps et, de plus, cela rend la vie plus agréable, tout simplement.
Méfions-nous de ce « prenez-moi comme je suis » qui nous autorise à déposer notre fatigue et notre révolte individuelle sur l’autre, que nous nommons bénéficiaire, patient et même client ! Rappelons-nous qu’il s’agit plutôt d’une personne, comme nous. Soyons curieux de l’expérience de l’autre, qui est la nôtre, faite de douleur, de perte et de l’inéluctable mort qui nous attend.
Oui, le monde du travail a des airs de guet-apens, il est souvent exigeant et difficile, mais ne le rendons pas plus indigeste en faisant de l’amabilité et de l’élégance des éléments désuets et superflus. Au contraire, la courtoisie fait du bien, ajoute de la grâce et de la joie, surtout dans les moments de grandes tensions.
Ne laissons pas la fatigue et la morosité abandonner cette part de notre civilité. Le fait d’être débordé ou fatigué peut à l’occasion expliquer certaines maladresses, mais pas l’indifférence envers l’autre, jamais. Faisons de l’amabilité et de l’élégance de belles habitudes qui ne régleront pas tout, mais qui nous élèveront sans doute un peu plus, pour notre plus grand bien et celui du réseau de la santé et de la société.