Les résidents ont mal à leur Vieux-Québec

Encore une fois, le même scénario s’est joué : une maison laissée à l’abandon pendant une période assez longue pour que l’irréparable survienne. Le couperet est tombé, ou plutôt le godet de la pelle mécanique a frappé la maison. Une décision sans appel : la maison doit être démolie. Nous pensions que Québec avait fini de jouer dans ce genre de film d’horreur. Il semblerait que le film est toujours à la mode, et même au goût du jour.
La démolition urgente en pleine nuit d’une maison du Vieux-Québec soulève de nombreuses questions sur le processus décisionnel et les délais indus qui ont mené à cette opération désastreuse.
Toute la décision a reposé sur le rapport d’expertise de l’ingénieur en structure de la Ville, venu sur les lieux le jour même à la suite d’une demande d’intervention de la sécurité civile. Nous ne remettons pas en cause le rapport de l’ingénieur. Mais pourquoi d’autres solutions transitoires n’ont-elles pas été retenues afin de prendre le temps d’analyser la situation et de voir ce qui aurait été le plus approprié dans les circonstances pour ce lieu emblématique ?
La rapidité du geste est déconcertante. Quelles ont été les parties impliquées dans la décision finale ? L’abandon et l’état de délabrement de l’édifice perdurent pourtant depuis dix ans par l’incurie du propriétaire. Le cas était connu. Tous ceux qui sont passés devant au cours de ces années ont pu constater la situation et se demander comment cela pouvait être toléré dans un quartier résidentiel, historique et patrimonial.
Une honte
Pourquoi l’urgence soudaine un vendredi soir, à la veille d’une longue fin de semaine de congé ? Pourquoi des interventions curatives n’ont-elles pas été exigées plus tôt par la Ville ? Au cours des dix dernières années, la Ville a eu tout le temps pour agir. Il aurait été possible d’intervenir, d’obliger le propriétaire à faire les travaux nécessaires pour sauver l’édifice au lieu de se retrouver avec un trou béant. Dans une volonté manifestée à plusieurs reprises d’attirer de nouveaux résidents dans le quartier, l’édifice ancestral, qui était assez grand, aurait pu, il y a longtemps, loger des familles.
Le bâtiment est situé au coeur du site du patrimoine mondial de l’UNESCO ; est-ce que cette particularité a été prise en compte ? Est-ce que des spécialistes en patrimoine ont été consultés ? Est-ce que les critères prévus dans le projet de Règlement relatif à la démolition d’immeubles ont été pris en compte ?
Le Comité des citoyens du Vieux-Québec a sensibilisé les autorités municipales au sort de cette maison à plusieurs reprises au cours des dernières années. Et il l’a fait encore récemment. Pourquoi le nouveau Règlement sur l’occupation et l’entretien des bâtiments, en vigueur depuis le 8 décembre 2022, n’a-t-il pas été appliqué à cet édifice ? Il s’agissait pourtant d’un cas flagrant où il aurait pu l’être.
Il est incroyable qu’un tel geste ayant autant de conséquences soit encore possible aujourd’hui ! C’est une honte ! Depuis vendredi soir, les résidents ont mal à leur Vieux-Québec. Ils sont outrés et ils sont désillusionnés : il est difficile de croire, en constatant le sort réservé à cet édifice, que les pratiques puissent changer. Pourtant, la journée d’échanges entre experts locaux et internationaux, organisée par la Ville en septembre dernier pour repenser le Vieux-Québec, sur la thématique « Québec, ville apprenante », avait suscité beaucoup d’espoir. Les citoyens exigent maintenant des comptes, même si le mal est fait.