Le français en sciences recule au Canada

L’usage du français dans les revues scientifiques canadiennes est en net recul, constate l’auteur.
Mohammad Bash Getty Images L’usage du français dans les revues scientifiques canadiennes est en net recul, constate l’auteur.

Les chercheurs canadiens et étrangers publient chaque année dans des revues scientifiques canadiennes gérées par une agence fédérale, la NRC Research Press, « NRC » faisant référence au National Research Council. Depuis 2010, cette agence a le statut de maison d’édition indépendante. Créé en 1916, le Conseil national de recherches Canada (CNRC) est une organisation gouvernementale constituant le principal organisme de recherche et développement du Canada. 

Ces revues de qualité sont officiellement bilingues, ce qui signifie que les chercheurs peuvent y publier des articles écrits en français. Au bénéfice des lecteurs du Devoir, peut-être peu familiers avec les articles scientifiques évalués par des pairs (des spécialistes du domaine de recherche), chaque article accepté pour publication par le rédacteur en chef comprend obligatoirement un résumé de la recherche de quelques centaines de mots.

 

Dans les revues canadiennes, chaque article comprend normalement un abstract (écrit en anglais) et un résumé (écrit en français), une bonne pratique de diffusion de l’information scientifique auprès de la communauté internationale, dans les deux langues officielles du Canada. Mais voilà, comme tout évolue rapidement au Canada sur le plan linguistique, notamment le statut de plus en plus précaire de notre langue, les revues scientifiques canadiennes ont entrepris cette année, en 2023, un virage étonnant, certainement regrettable, en éliminant le résumé en français de chaque article.

Ce constat survient au moment où Radio-Canada publiait mercredi une analyse des demandes de subventions des 30 dernières années montrant que les chercheurs francophones disposent de moins de ressources, comptent moins de projets acceptés et moins de subventions que leurs collègues anglophones.

J’ai vérifié dans au moins 10 revues scientifiques publiées par le NRC, et le résumé français est bel et bien disparu, seul l’abstract étant publié. Cependant, le résumé peut être publié à la demande « expresse » du chercheur, comme je l’ai fait récemment dans un article à paraître dans une revue de la fratrie canadienne.

Reculs

 

Jusqu’en décembre 2022, chaque revue publiée par le NRC traduisait au français l’abstract de chacun des articles. Force est de constater que toutes les revues ont fait face simultanément au défi de la traduction française de la majorité des articles publiés annuellement, étant donné le petit nombre d’articles écrits en français (moins de 5 % de tous les articles). S’agit-il d’un manque de budget consacré à la traduction des abstracts qui afflige la gestion de nos revues ? Selon la rédactrice en chef de l’une de nos grandes revues, le problème principal est le manque d’appui financier du gouvernement fédéral aux revues scientifiques du Canada.

La nette réduction de l’utilisation de la langue française dans les revues canadiennes ne se limite pas à l’exclusion du résumé, car le site Web de chaque revue est maintenant unilingue anglais, comme si les chercheurs francophones, du Québec, du Canada ou d’ailleurs dans le monde, n’avaient plus besoin d’informations sur la revue ou de directives aux auteurs dans leur langue.

Cette situation étonnante ne résulte donc pas seulement d’un manque de budget, mais bien d’une volonté indicible d’éliminer le français de l’espace médiatique et scientifique du pays. Il s’agit d’un signe concret du recul progressif du français, mais aussi, il faut le souligner, d’une perte de la diversité culturelle au pays. Un autre recul de notre langue fondatrice du pays, mais aussi, il faut le souligner, une augmentation du déficit culturel du Canada anglais.
 



Mise à jour après publication: Les Presses scientifiques du CNRC ne font plus partie du Conseil national de recherches du Canada (CNRC). Depuis 2010, elles sont devenues une maison d’édition indépendante qui s’appelle maintenant Canadian Science Publishing. Le CNRC respecte la Loi sur les langues officielles et s’efforce de faire en sorte que les informations et les services scientifiques soient disponibles en français et en anglais. Le CNRC publie ses articles scientifiques évalués par les pairs dans son dépôt institutionnel (Archives des publications du CNRC) et fournit des résumés en français à quiconque en fait la demande.
 

 

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