Un avenir sans travail des enfants

«Au fil des siècles, la problématique du travail des enfants a été trop souvent marquée par le laisser-faire de la part des États», rapporte l’auteur. En photo, des enfants dans une usine de charbon en Pennsylvanie, en 1911.
Photo: Lewis Hine NARA «Au fil des siècles, la problématique du travail des enfants a été trop souvent marquée par le laisser-faire de la part des États», rapporte l’auteur. En photo, des enfants dans une usine de charbon en Pennsylvanie, en 1911.

Dans Le Devoir du 28 avril, Normand Baillargeon estime que l’encadrement du travail des enfants dans une loi devrait reposer sur le socle d’une responsabilité éthique à l’égard des enfants. Il propose « une finalité qui devrait faire consensus : celle de protéger les enfants et de faire en sorte que ce que nous voulons leur transmettre par l’éducation soit préservé et accessible à tous et à toutes ». Je souscris à cet appel.

Au fil des siècles, la problématique du travail des enfants a été trop souvent marquée par le laisser-faire de la part des États. Au XIXe siècle, la dynamique de l’industrialisation massive et de l’urbanisation fit entrer les enfants dans le système de production en dehors du travail domestique, principalement agricole. La Loi des pauvres (Poor Law), adoptée par le gouvernement britannique en 1834, visait à discipliner les pauvres et à mettre les enfants à l’abri des mauvaises influences afin qu’ils deviennent de bons citoyens et de bons travailleurs. La connotation morale était alors déterminante. Aujourd’hui, on traduit cette dimension en prétendant apprendre aux enfants à devenir responsables par le travail.

À partir du XXe siècle, plusieurs États ont cherché à établir des balises plus précises. En 1973, la convention numéro 138 de l’Organisation internationale du travail (OIT) a déterminé que l’âge minimum d’accès à l’emploi des enfants ne devrait pas être inférieur à l’âge auquel cesse la scolarité obligatoire : « L’établissement de ce lien vise à permettre aux enfants d’exploiter au mieux leur potentiel, ce qui profitera aux enfants eux-mêmes, à leurs familles, aux collectivités et à la société dans son ensemble en optimisant la contribution qu’ils apporteront, une fois adultes, à la croissance économique et au progrès social. » L’article 32 de la Convention relative aux droits de l’enfant des Nations unies (1989) reflète cette même assertion fondamentale.

En 2002, Un avenir sans travail des enfants, titre du troisième rapport de l’OIT relatif aux principes et droits fondamentaux du travail des enfants, rappelait l’essentiel : le respect du droit à l’éducation. L’OIT voulait montrer comment « l’abolition du travail des enfants est devenue une cause mondiale du nouveau millénaire ».

La conception du travail des enfants dans le monde est bien documentée, et les analyses multidimensionnelles approfondies existent. Les analyses sociologiques devraient permettre à l’État et aux porte-parole du patronat de bien saisir les tenants et les aboutissants de la promotion du travail des enfants dans les diverses sphères du système de production, d’autant plus que le travail des enfants ne constitue pas vraiment une solution durable à la croissance économique et à la pénurie de bras.

La loi sur le travail des enfants proposée par la Coalition avenir Québec ne risque-t-elle pas de créer un labyrinthe inextricable vers la précarité, le décrochage scolaire et autres conséquences imprévisibles ? De fait, les répercussions sociales et économiques pernicieuses à long terme ne semblent pas faire partie des préoccupations et, par le fait même, restent inconnues.

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