Un peu de considération pour les piétons

La priorité est donnée à la fluidité de la circulation au détriment des piétons, déplore l’auteur.
Michaël Monnier Archives Le Devoir La priorité est donnée à la fluidité de la circulation au détriment des piétons, déplore l’auteur.

J’ai 67 ans, j’habite, sans discontinuer, le centre-ville de Québec, Saint-Jean-Baptiste et Montcalm depuis 30 ans. Je n’ai jamais eu de voiture et je me déplace à pied ou en bus pour 99 % de mes activités, courses, rendez-vous, activités culturelles et sorties diverses. La marche, ça ne coûte rien, c’est bon pour la santé et le moral.

Je suis heureux d’avoir bien des commodités à distance de marche. J’aime aussi me promener et prendre des clichés de notre belle ville, pour le plaisir ! Mon plaisir se transforme souvent en mauvaise humeur et en sentiment d’être traité injustement. Les trottoirs ne sont pas toujours en bon état, le déneigement n’est pas toujours à la hauteur, la sécurité n’est pas toujours optimale. Mais il y a plus.

La discrimination systémique des piétons à Québec, et c’est là que se trouve le cœur de mon propos, a atteint un degré de raffinement inégalé ! On ne cesse de nous dire qu’on encourage la mobilité active, dont la marche, pour la santé, pour l’environnement. C’est faux. Nous avons régressé, les piétons ont la vie moins facile maintenant à Québec qu’auparavant.

Le responsable ? Le bien nommé gestionnaire artériel, qui fait monter… ma pression artérielle ! C’est un système qui contrôle à distance les feux de circulation : les intersections sont observées par caméra, supervisée par un savant ingénieur. Ce système a été mis en place par l’ancien maire Régis Labeaume, au prix de 9 millions de dollars en 2017, et continué par la présente administration Marchand.

Ça ne semble pas méchant ? Détrompez-vous ! Ce système a pris le piéton comme ennemi, comme bouc émissaire ! La priorité est donnée à la fluidité de la circulation. Ça, ça veut dire priorité aux automobiles. Pour la fluidité des piétons, on repassera.

C’est même un scandale, et il est temps de le dénoncer. Vous êtes à Place Ste-Foy et vous voulez vous rendre à l’Université Laval. Vous êtes à l’intersection, vous actionnez le feu de piéton, vous attendez, attendez… Vous vérifiez : le bouton s’est éteint ! On fait passer toutes les voitures, on se sacre du piéton.

Vous pouvez recommencer, et le feu de piéton va encore vous faire niaiser ! Vous attendez de longues minutes et ça n’est jamais votre tour ! C’est ça, encourager la mobilité active ? Force est d’admettre que le résultat encourage plutôt les piétons à ne pas attendre le feu de piéton.

La sécurité du piéton n’est pas que l’affaire du piéton ! Ça se répète partout dans la ville, je le sais, je marche et j’y goûte. Dire qu’un piéton peut recevoir une infraction, en plus de faire rire de lui. Nos autorités municipales tiennent un discours mensonger pour se donner bonne conscience et projeter une belle image. Ce n’est pas comme ça qu’on encourage le retour en ville et la vie de quartier.

Monsieur Marchand, mettez fin, toute affaire cessante, à ce système qui discrimine le piéton, l’usager de la route le plus vulnérable. Pas besoin d’aller en Scandinavie, à Paris, au Havre, à Tunis ou à Bordeaux, la solution est ici et elle est simple : un peu de considération pour les piétons. Mon conseil est gratuit, et ce changement ne coûte rien aux contribuables et ne demande pas de bureau de projets. J’espère juste que cette solution de gros bon sens n’est pas trop simple pour les autorités municipales. Joignez enfin le geste à la parole : donnez une vraie priorité aux piétons !

À voir en vidéo