Le choix des livres en bibliothèque, pas n’importe comment ni par n’importe qui

« La gestion des collections constitue un processus névralgique et rigoureusement encadré au sein des bibliothèques publiques du Québec », précise l’autrice.
Photo: Valérian Mazataud Le Devoir « La gestion des collections constitue un processus névralgique et rigoureusement encadré au sein des bibliothèques publiques du Québec », précise l’autrice.

Dans son texte d’opinion du 25 mars, l’auteur et grand lecteur René Lapierre brosse un portrait inexact de la gestion des collections et véhicule une image erronée du travail du personnel des bibliothèques publiques. L’Association des bibliothèques publiques du Québec (ABPQ) tient à exprimer son profond désaccord avec ce plaidoyer.

La gestion des collections constitue un processus névralgique et rigoureusement encadré au sein des bibliothèques publiques du Québec. À l’échelle nationale, toutes les étapes sont précisées et clarifiées par les Lignes directrices des bibliothèques publiques formulées par l’ABPQ, Bibliothèques et Archives nationales du Québec et le Réseau BIBLIO du Québec.

On y référence plusieurs outils pour mesurer la composition d’une collection et l’interaction des usagères et des usagers avec celle-ci. Citons par exemple le plan d’acquisition annuel, les taux de roulement ou de rafraîchissement, ou encore la mobilisation d’audits. Tous ces outils démontrent que la gestion des collections est une opération stratégique méticuleusement organisée et non un processus nébuleux ou une mécanique mystérieuse.

L’instrument fondamental reste la politique de gestion des collections, dont les usagères et les usagers peuvent prendre connaissance auprès de leurs bibliothèques. Ils y apprendront notamment que la sélection, l’acquisition, l’évaluation et l’élagage respectent des critères clairement énoncés en conformité avec les valeurs de liberté intellectuelle et des règlements en vigueur encadrant l’achat des livres. Au-delà de la notoriété des autrices et des auteurs, la valeur intrinsèque d’une oeuvre est un indice essentiel pour appuyer la sélection d’un document.

Personnel qualifié

Pour y arriver, les bibliothèques font appel à un personnel qualifié. Mais qui sont ces personnes au juste et quelle est leur expertise ? demande M. Lapierre. Il s’agit non seulement de bibliothécaires, mais aussi de techniciennes et de techniciens en documentation. Tout comme les architectes ont besoin d’une maîtrise pour bâtir un projet ou les gestionnaires d’affaires doivent avoir terminé un MBA, l’organisation et le maintien d’une collection constituent un savoir sanctionné par l’obtention d’un diplôme.

Depuis des décennies au Québec, les programmes d’enseignement reconnus et agréés dans le milieu de la bibliothéconomie offrent des formations de qualité jusqu’à un niveau de maîtrise. L’exigence d’un tel niveau de qualification justifie l’expertise du personnel dans l’acquisition de documents et la gestion des collections.

Il possède donc toutes les compétences indispensables pour trouver et compiler les informations nécessaires à ces opérations. Nous comprendrons que l’image de personnes « faisant des choix à partir de préférences personnelles dissimulées sous des orientations passe-partout » se situe aux antipodes du cadre professionnel régissant les bibliothèques publiques québécoises. L’ABPQ a la conviction que nos collègues font preuve de discernement et seront en mesure de décrire clairement un processus qu’ils maîtrisent.

Ajoutons que la gestion des collections doit rester une prérogative de la bibliothèque locale qui sert avant tout la communauté de citoyennes et de citoyens de son territoire. Les politiques de développement de collections sont en effet fondées sur l’intérêt des usagères et des usagers ainsi que sur les besoins de la communauté. N’en déplaise à M. Lapierre, cette opération repose sur une concertation entre les réseaux locaux, régionaux ou nationaux. Elle n’est soumise en aucun cas à l’exclusivité d’orientations nationales. Il en revient à la discrétion de chaque établissement de définir, d’adopter et d’entériner des politiques de gestion des collection dans un esprit de liberté intellectuelle.

À la lumière de ces propos, l’ABPQ constate malheureusement que les métiers dans les bibliothèques publiques restent encore méconnus du public. Par cette réponse, l’Association espère contribuer à une représentation plus juste du travail de ses collègues et de ses membres.

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