Le budget de la désolidarisation

La poussière redescend tranquillement sur l’annonce du dernier budget caquiste. Les réactions qu’il a suscitées sont partagées, mais un constat demeure : les organismes communautaires restent sur leur faim, et avec raison.
Les adeptes du courant néolibéral seront certainement heureux de l’approche adoptée par le ministre des Finances, Eric Girard. Pour les autres, les mesures économiques annoncées reflètent clairement le peu d’importance accordé aux personnes les plus démunies ou vivant des difficultés de notre société.
À qui profite la baisse d’impôt ?
Avec la réduction d’impôt, on comprend l’intention de laisser aux personnes le choix d’utiliser ces sommes là où elles le souhaitent. Le contexte inflationniste exerce de fortes pressions sur les ménages, tout comme la crise du logement, et la solution facile est que les personnes aient plus d’argent pour traverser cette période. Pourtant, celles qui sont le plus dans le besoin n’y verront pas d’avantages. C’est le cas de la majorité des jeunes qui sont hébergés dans les Auberges du cœur du Québec.
Nous arrivons à trouver, çà et là, des mesures d’aide aux populations à risque de vivre une situation d’itinérance, notamment les jeunes, mais nous nous questionnons sur leur portée structurante.
Dans l’axe 3 du budget, Soutenir les personnes plus vulnérables, un montant de 211,2 millions de dollars est octroyé à l’accroissement des services en santé mentale, en itinérance et en dépendance. Or, une fois que cette somme est détaillée, on constate que l’itinérance obtient 35 millions pour cinq ans. Qui plus est, ce montant servira à rehausser le nombre de places en refuge d’urgence. Bien que fort nécessaire pour répondre aux besoins présents, cette mesure fait pâle figure en matière de prévention.
Dans la mesure 3.4, Renforcer les soins et les services pour les jeunes en difficulté, aucune indication que les organismes de prévention et de lutte contre l’itinérance jeunesse sont soutenus dans leur mission.
Est-ce la vision gouvernementale de la prévention contre l’itinérance ? A-t-on oublié qu’en la matière, il faut adopter une vision globale qui inclut le revenu, l’habitation, l’éducation, l’accès aux soins de santé physique et mentale et la réaffiliation sociale ?
Reconnaître l’apport des organismes communautaires
Pour le Regroupement des Auberges du cœur du Québec, le constat est frappant : le milieu communautaire est à nouveau négligé. Il est pourtant le mieux placé pour reconnaître et développer des solutions aux différents problèmes vécus dans les communautés, pour atteindre les populations éloignées des services institutionnalisés et faire face aux défis de demain. Les investissements annoncés sont, à certains égards, des freins au développement et à l’inclusion des personnes vulnérabilisées.
La reconnaissance des maisons d’hébergement jeunesse communautaires passe inévitablement par une forme d’équité avec les autres types d’hébergement dont la mission est similaire, c’est-à-dire d’offrir des services 24/7 toute l’année. À elles seules, les Auberges du cœur cumulent un sous-financement annuel de 22 millions de dollars. Une somme qui leur permettrait d’être engagées pleinement dans leur mission, plutôt que de chercher à combler les manques budgétaires ou devoir restreindre des services.
L’année sera difficile pour ces maisons qui accueillent des jeunes vivant des difficultés et dont les besoins et les problèmes se complexifient.
Nous demandons au gouvernement que la vitalité communautaire redevienne une force collective du Québec. Messieurs Legault, Dubé, Carmant, Girard et Lacombe et Madame Rouleau, saurez-vous saisir la main que nous vous tendons ?