Les livres d’ici ne sont pas tous égaux en bibliothèque

Monsieur le ministre de la Culture et des Communications et ministre responsable de la Jeunesse, permettez-moi de vous adresser un plaidoyer concernant la sélection des livres par les bibliothèques publiques en lien avec les orientations gouvernementales, soit « favoriser la découverte et la consommation d’oeuvres québécoises » et « mettre davantage les jeunes en contact avec l’offre culturelle québécoise ».
C’est que le nébuleux processus actuel de sélection ne favorise pas la littérature québécoise autant qu’elle le devrait, en particulier pour le lectorat dit jeunes adultes.
Quels sont les critères réellement pris en compte par les personnes qui sélectionnent les livres pour les bibliothèques ? Qui sont ces personnes, au juste, et quelle est leur expertise ? Quel est exactement le rôle des libraires dans ce processus ? Même les personnes au coeur de cette mystérieuse mécanique ne semblent pas en mesure de répondre à ces questions qui les concernent nommément.
Ce qui est certain, c’est le fait que les libraires désignés ne présentent pas véritablement les livres qu’ils reçoivent, ce qui est pourtant la responsabilité qui leur incombe dans le déroulement de l’opération de sélection. Le résultat est qu’aucune information n’est fournie aux bibliothécaires sur le nombre de nouveautés littéraires, au premier chef s’il s’agit d’un auteur québécois, de même si un livre vise à informer sur l’histoire et la culture du Québec francophone. Le fait qu’un roman s’adresse au lectorat jeunes adultes n’est pas toujours indiqué non plus.
Pas surprenant alors que plusieurs livres passent sous le radar des sélectionneurs et sélectionneuses des bibliothèques municipales et scolaires. Pas surprenant non plus que ces personnes fassent leur choix à partir de préférences personnelles dissimulées sous des orientations passe-partout. Jouent aussi bien sûr les marketings des maisons d’édition qui en ont les moyens, les chroniques littéraires aux allures de publicité et la notoriété souvent surfaite d’auteurs connus. Des oeuvres étrangères médiocres passent facilement dans ces filets béants, tandis que d’excellents livres québécois ne passeront pas la rampe, faute d’une sélection basée sur leur valeur intrinsèque.
On me dit que chaque bibliothèque est responsable de déterminer les orientations du développement de sa collection. J’en suis. Mais pour appliquer ces orientations, encore faut-il se donner la peine de vérifier concrètement si tel ou tel livre y répond.
C’est pourquoi, M. Lacombe, j’en appelle à votre prérogative de faire en sorte que toute nouvelle publication d’auteurs du Québec bénéficie minimalement du privilège d’être lue par les personnes qui font la sélection de livres pour les bibliothèques en préalable à leur décision de l’ajouter ou non à leur catalogue. Je suggère également que les libraires mandatés pour « présenter » les nouveautés assument pleinement cette responsabilité.
Les bibliothèques donnent accès aux livres d’ici ; mais les livres d’ici n’ont pas tous le même accès aux bibliothèques.