L’ignorance d’une inévitable transition énergétique

Le plus récent rapport de synthèse du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) a été publié il y a quelques jours. Le constat : notre capacité à limiter le réchauffement climatique à un seuil viable s’amenuise dangereusement. En fait, la température moyenne mondiale risque fort d’atteindre, voire de dépasser « à court terme », +1,5 degré Celsius par rapport à l’ère préindustrielle. Le rapport évoque que ce scénario pourrait se concrétiser dans moins de 10 ans.
Ce « guide de survie pour l’humanité », comme le qualifie le secrétaire général des Nations unies, António Guterres, indique que les choix et les actions déployés d’ici 2030 vont avoir des conséquences vitales maintenant et pour des milliers d’années. Impossible d’écrire ces phrases sans être personnellement submergé par un profond sentiment d’impuissance et de peur. Impossible de ne pas vivre de l’écoanxiété.
Malgré ce portrait sombre pour l’avenir de l’humanité, dont le Québec fait bien sûr partie, le gouvernement du Québec relègue la lutte contre les changements climatiques et la protection de la biodiversité au second rang, voire encore plus loin. L’environnement ne se hisse toujours pas dans les priorités financières du gouvernement caquiste. On préfère plutôt offrir une baisse d’impôt à 4,6 millions de Québécois et Québécoises et remplir l’un de ses engagements électoraux.
Même si l’inflation atteint des sommets inégalés, la Coalition avenir Québec (CAQ) fait le choix de laisser plus d’argent dans le portefeuille d’une majorité de la population. Il s’agit d’un choix politique, conscient, planifié. Cette mesure phare du budget pour l’année 2023-2024 est estimée à 1,7 milliard. Elle s’avère possible en raison d’une diminution des versements au Fonds des générations, outil créé en 2006 pour réduire la dette du Québec. Au 31 mars, la dette québécoise s’élèvera à 206,8 milliards, soit 37,4 % du PIB. Si les baisses d’impôt n’avaient pas eu lieu, la dette nette aurait été réduite de 7,5 % en 10 ans, mais elle le sera plutôt en 15 ans.
Soyons clairs : cette baisse d’impôt est une véritable bouffée d’air frais pour la classe moyenne et pour celles et ceux qui sont étouffés par l’augmentation du coût de la vie. Or, plutôt que d’offrir une réduction du fardeau fiscal, il aurait été nettement plus judicieux d’investir dans des mesures concrètes de lutte contre les changements climatiques tout en faisant de la transition énergétique un projet de société, et ce, à la hauteur de la mise en garde du GIEC.
Verdir les milieux urbains, augmenter l’offre de transport en commun interurbain et urbain, ajouter des panneaux solaires, favoriser l’agriculture urbaine, créer un programme national de sensibilisation aux changements climatiques dès l’école primaire, offrir des incitatifs à la mobilité active : ce sont des mesures qui auraient toutes dû être annoncées dans ce budget, mais non.
Fait troublant : le déséquilibre entre les investissements pour le réseau routier par rapport à ceux pour le transport collectif demeure tristement immense dans le Plan québécois des infrastructures (PQI). Le réseau routier obtient 31,5 milliards alors que le transport collectif ne reçoit que la moitié, soit 15,4 milliards.
La transition énergétique ne semble pas un pilier de l’action gouvernementale, et encore moins la sobriété énergétique, pourtant exigée par plusieurs chercheurs émérites comme le titulaire de la Chaire de gestion du secteur de l’énergie à HEC Montréal, Pierre-Olivier Pineau.
Encore une fois, plutôt que de faire preuve de courage et de volonté, nos décideurs préfèrent repousser le véritable problème qui nous guette tous et toutes et qui nous coûtera très cher : celui des changements climatiques. Les plus jeunes d’entre nous en souffriront.