Priorité aux produits locaux, durables et responsables

Le Québec a fait un bond de géant, mais il doit faire plus et mieux, souligne l’autrice.
Photo: Francis Vachon Le Devoir Le Québec a fait un bond de géant, mais il doit faire plus et mieux, souligne l’autrice.

Le gouvernement du Québec est le principal acheteur de biens et de services de la province. Comme dans la majorité des autres pays du monde, le gouvernement ne peut dépenser l’argent des contribuables comme bon lui semble. Avant d’octroyer un contrat à un fournisseur de biens ou de services, il doit satisfaire à un ensemble de règles juridiques relatives aux marchés publics. Compte tenu du fait que ces dépenses représentent près de 14 % du PIB, on saisit toute l’importance de ces règles puisqu’en définitive, elles ont un impact sur la manière dont notre gouvernement dépense notre argent.

Au printemps dernier, le gouvernement du Québec a modifié considérablement le cadre législatif général encadrant les marchés publics en imposant — enfin — aux acheteurs publics d’acheter des produits plus locaux, plus durables et plus responsables. La Loi sur les contrats des organismes publics a ainsi été mise au goût du jour.

Ces changements ont soulevé de nombreuses questions et inquiètent les acheteurs publics, qui devront modifier considérablement leurs façons de faire. Si on peut comprendre le bouleversement qui en découle, on doit se rendre à l’évidence : le Québec avait accumulé vis-à-vis de ses partenaires commerciaux un retard d’au moins dix ans.

Or, en la matière, aucune économie ne souhaite être en retard. Car qui dit retard dit perte de compétitivité et de chance. Pourtant, l’ancien cadre québécois était à peu près muet sur l’achat local, durable et responsable. Comparativement aux pays de l’Union européenne, à plusieurs États des États-Unis, à la Corée ou encore à la Tunisie, le Québec faisait piètre figure.

Les nouvelles dispositions ont été rédigées dans le respect de nos obligations en matière de commerce international. En effet, le gouvernement a pris le soin d’aménager le régime juridique en tirant parti de toute la marge de manoeuvre que nos accords de libre-échange nous laissent.

Ainsi, les contrats octroyés pour fournir les cafétérias scolaires ou pénitentiaires, les bureaux gouvernementaux, les grands projets d’infrastructure ou encore le matériel hospitalier devront privilégier l’achat québécois (ou canadien au-dessus d’un certain seuil) et inclure au moins une condition liée au développement durable.

Le gouvernement rattrape donc son retard, du moins sur le plan législatif. Mais la réalité va bien au-delà des lois. Elle nécessite un changement des façons de faire, une conscientisation des organismes publics, des acheteurs gouvernementaux, des donneurs d’ordres. Ceux-ci doivent en peu de temps assimiler un langage souvent technique, naviguer à travers les normes internationales et déterminer ce qui constitue un achat durable et responsable. En sus, ils doivent le faire en se souciant de l’impact que cela peut avoir sur les industries québécoises puisque le nouveau cadre impose que les achats soient locaux.

La nouvelle mouture de la Loi nécessite maintenant que le gouvernement s’attelle à une tâche énorme : celle de fournir à ses acheteurs publics les outils leur permettant d’acheter des biens et des services réellement durables et responsables, tout en privilégiant les achats locaux. Il s’agit d’un chantier majeur qui doit être mené par le gouvernement. Les Pays-Bas et la Corée sont à ce titre des champions en la matière. Ils ont créé des outils informatiques extrêmement efficaces qui leur ont permis d’amener leurs industries à se transformer et à innover.

Le Québec a fait un bond de géant. Mais il doit faire plus et mieux. Il doit le faire pour que les produits et les services qu’il achète soient réellement produits dans des conditions respectant les droits de la personne et l’environnement. Il doit le faire pour pousser ses entreprises à innover davantage. Il doit le faire pour rendre les entreprises québécoises compétitives sur les marchés internationaux. Il doit enfin le faire pour promouvoir ses propres entreprises qui répondent déjà à ces exigences.

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