Le Québec risque une vague d’écoblanchiment

«Au Québec aussi, les entreprises privées ont de plus en plus de pression de la part du pouvoir politique pour rapidement faire la preuve qu’elles sont soucieuses de l’environnement», affirme l'auteur.
Photo: Jacques Grenier «Au Québec aussi, les entreprises privées ont de plus en plus de pression de la part du pouvoir politique pour rapidement faire la preuve qu’elles sont soucieuses de l’environnement», affirme l'auteur.

Les enjeux environnementaux font désormais partie intégrante des prises de décision des conseils d’administration du Québec inc. La pression est donc grandissante sur le secteur privé pour qu’il réduise son empreinte carbone en adoptant des pratiques plus vertes, mais l’ombre de l’écoblanchiment (ou mascarade écologique ou greenwashing) plane au-dessus de notre province.

Une entreprise se livre à de l’écoblanchiment lorsqu’elle exagère ou triture les informations entourant ses efforts environnementaux dans le but de tirer parti d’une image verte, sans pour autant réduire son empreinte carbone, selon l’universitaire Agostino Vollero, dans son récent livre Greenwashing. Foundations and Emerging Research on Corporate Sustainability and Deceptive Communication.

Ainsi, en 2021, la Commission européenne et les organismes chargés de la protection des consommateurs de chaque pays de l’Union européenne (UE) ont passé au crible les sites Web proposant des produits cosmétiques, des vêtements et de l’équipement ménager, pour y repérer des cas de verdissement d’image. La Commission en a trouvé 344.

La moitié des prétentions environnementales affichées sur ces sites Web étaient trop vagues et douteuses. En fait, dans 42 % des cas, les prétentions environnementales des compagnies étaient si fallacieuses qu’elles pouvaient carrément constituer une pratique commerciale déloyale en vertu de la réglementation de l’UE ! Les Européens pensent donc à réglementer plus étroitement ces pratiques pour interdire le greenwashing tant le phénomène est devenu problématique.

La mascarade écologique touche aussi les grandes compagnies inscrites en Bourse. En 2021, le magazine The Economist a passé au crible 20 fonds « ESG » qui mettent en avant le fait que les actions des compagnies qui les composent mettent l’accent sur des enjeux liés à l’environnement, à la société et à la gouvernance. La plupart de ces fonds incluaient des compagnies notoirement connues pour se livrer à des campagnes d’écoblanchiment, parmi lesquelles Exxon Mobil, une mine de charbon chinois ainsi que des cigarettiers et des compagnies de jeux de hasard.

Cet examen remet en cause le sérieux des fonds « ESG ». Paradoxalement, ces fonds permettent même à des compagnies ayant des mauvaises pratiques environnementales de se mettre à l’abri des critiques.

Au Québec aussi, les entreprises privées ont de plus en plus de pression de la part du pouvoir politique pour rapidement faire la preuve qu’elles sont soucieuses de l’environnement. Et comme ailleurs dans le monde, cette pression peut provoquer une vague d’écoblanchiment. Prenons seulement l’exemple du projet de loi 2, qui viendra modifier l’encadrement de l’attribution de l’électricité (si elle est adoptée) et qui fera l’objet de consultations à l’Assemblée nationale, cette semaine.

Le ministère de l’Économie, de l’Innovation et de l’Énergie devra tenir compte des « impacts sociaux et environnementaux » de l’utilisation de l’électricité demandée avant d’accorder des blocs d’énergie au-delà d’une certaine quantité. Cette situation risque toutefois de créer une grande pression sur les compagnies privées qui ont besoin rapidement d’électricité pour leur expansion. Elles pourront être tentées d’annoncer à la va-vite des initiatives environnementales aux effets anecdotiques pour satisfaire aux critères d’attribution d’électricité.

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