La mission du musée est complexe, et certainement pas unidimensionnelle

Au cours des dernières semaines, les médias ont fait état des débats entourant le plan stratégique du Musée des beaux-arts du Canada. Si nous nous interrogeons toujours sur les motifs de renvois de cadres/spécialistes expérimentés faute d’explications, nous pouvons aussi nous étonner et nous inquiéter des propos tenus par divers intervenants au dossier, et plus particulièrement par les autorités du musée.
Dans un premier temps, il faut peut-être rappeler que, depuis des décennies, des musées se sont engagés dans la reconnaissance et la mise en valeur de la diversité culturelle. Ils se sont questionnés sur les porteurs de parole et ont mis en place différents moyens pour entendre et comprendre les discours et les visions des sociétés d’ici et d’ailleurs. Tout cela dans une démarche d’ouverture et dans le respect des points de vue.
Ils n’ont pas attendu les politiques culturelles des États pour être à l’écoute des mouvements sociaux, pour souligner les différences ou pour réfléchir sur les cultures. Ainsi dans le cadre d’expositions, dans la mise en place d’activités culturelles, dans des publications ou dans des politiques de collections, ces musées ont donné la parole non seulement à des scientifiques et à des conservateurs, mais aussi à des citoyens directement concernés ou à des représentants des sociétés touchées.
Ces différentes voix étaient portées par des créateurs, des témoins de l’histoire, des détenteurs de mémoires, des activistes et des citoyens de différents groupes socio-économiques. J’en veux comme témoin le Musée canadien de l’histoire à Gatineau ou le Musée de la civilisation à Québec.
Deuxièmement, il faut souligner que cette démarche d’ouverture inclusive proposée par le Musée des beaux-arts du Canada amène son lot de difficultés et de pièges ; elle repose non seulement sur un esprit d’ouverture et de respect, mais aussi sur des exigences de méthodes. Le discours militant ne peut répondre seul à cet enjeu, et une simple addition thématique à la programmation ne fait que combler un vide statistique. Il ne suffit donc pas de décréter une intention, il faut notamment mettre en place les moyens et les mécanismes qui permettent de partager la vision de l’institution.
Or il semble, à la lecture des interventions de différents acteurs, que le musée ne soit pas parvenu à partager sa vision avec ses collaborateurs et ses partenaires, alors que ceux-ci auraient pu enrichir le projet culturel et scientifique. De nombreuses interrogations viennent donc à l’esprit.
Conscient de l’importance d’être à l’écoute des communautés, le musée maintient-il ce même engagement envers son équipe et ses partenaires ? À quel moment une politique culturelle devient-elle une idéologie ? Jusqu’où un conseil d’administration doit-il soutenir une stratégie de changement qui s’apparente pour certains à une purge ? Peut-on ignorer un malaise exprimé avec force en réduisant celui-ci à un refus du changement ? Comment expliquer que le discours des autorités parle de « l’enrichissement » de l’approche, alors que les mécènes et les collectionneurs mentionnent une approche réductrice ? Un comité scientifique est-il garant du mandat et de la démarche ?
Une vision muséale ne peut se résumer à une seule dimension de politique culturelle. Ainsi, les musées sont concernés par le développement durable, mais on ne peut réduire leur action à ce seul volet. Alors, de quoi devrions-nous parler pour assurer le rayonnement d’une institution auprès de sa communauté locale ou de son impact national et international ?
Les discours entendus des conservateurs, des mécènes ou de l’administration nous confirment que la mission du musée est complexe et certainement pas unidimensionnelle ; on ne peut bâtir un plan stratégique sur une seule intention sociale aussi, louable soit-elle.