À quand une vraie politique québécoise d’éducation au cinéma?

«Le ministère de la Culture et des Communications maintient que l’éducation n’entre pas dans son mandat. Celui de l’Éducation ne reconnaît pas le cinéma comme un art digne de figurer dans le cursus scolaire», écrit l'auteur.
Photo: Edwin Tan Getty Images «Le ministère de la Culture et des Communications maintient que l’éducation n’entre pas dans son mandat. Celui de l’Éducation ne reconnaît pas le cinéma comme un art digne de figurer dans le cursus scolaire», écrit l'auteur.

Le refus par Radio-Canada de reconduire sur ses ondes le Gala Québec Cinéma, sur la foi d’indices d’écoute en déclin, a fait bondir beaucoup de gens et mobilisé les forces vives du milieu cinématographique québécois. Normal. Cet événement télévisé depuis 24 ans a pour vocation d’ouvrir, à heure de grande écoute, une fenêtre sur le cinéma d’ici et ses artisans. La fermer envoie un mauvais signal. Encore faut-il savoir bien le décoder.

Car la tempête en cours s’inscrit dans un contexte beaucoup plus large que ce que le renoncement d’un télédiffuseur à son engagement envers l’industrie d’ici laisse entendre. Elle met aussi en lumière la pauvreté des moyens entrepris au Québec pour former les spectateurs au cinéma et ouvrir leurs horizons sur les cultures diverses, dont les films se font le miroir. La québécoise, mais aussi toutes les autres.

Jusqu’à tout récemment au Québec, nous avions pratiquement cessé de produire des films pour enfants et cédé à Disney et à Pixar ce terrain où les jeunes spectateurs forment leurs goûts et leurs habitudes.

Nos gouvernements ont fait l’économie d’une politique structurante et pérenne pour ouvrir l’horizon des jeunes spectateurs en matière de cinéma et laissé les majors américaines pénétrer ce marché par la force de l’économie américaine et de son star-system.

Enfin, pendant que nous nous vantions (à raison souvent) de bien former des cinéastes, des créateurs, des techniciens, nous avons négligé d’inspirer et de stimuler le premier public auquel leurs œuvres à venir seraient destinées.

Dans sa formule actuelle, le Gala Québec Cinéma n’est plus tant le reflet d’un cinéma en santé que celui d’un malentendu, qui transparaît jusque dans sa production souvent décriée pour sa médiocrité. Calqué sur la formule quasi centenaire des Oscar (dont le premier gala eut lieu le 16 mai 1929) puis livré haché menu sur une chaîne de télévision linéaire délaissée par les jeunes, il répond par les moyens du passé à un défi qui s’est déplacé dans l’infini du numérique. Bien malin qui saura nous dire quelle maigre proportion de ses téléspectateurs n’était pas née lorsque le premier gala a eu lieu, le 7 mars 1999.

Le ministère de la Culture et des Communications maintient que l’éducation n’entre pas dans son mandat. Celui de l’Éducation ne reconnaît pas le cinéma comme un art digne de figurer dans le cursus scolaire. Il ne faut donc pas s’étonner de cette érosion, dont l’annulation probable du Gala Québec Cinéma (et son remplacement possible par un talk-show quelconque mollement frappé du sceau « mandat ») n’est qu’un symptôme.

La question fondamentale, si bien mise en lumière par l’actualité, est la suivante : à quand une vraie politique, concertée avec le milieu, structurante et pérenne, pour la formation des jeunes spectateurs et la diffusion de nos films ?

Cessons de regarder le doigt. C’est la lune qu’il faut viser.

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