Émilise Lessard-Therrien, cette femme qui m’inspire

Il y a quatre ans, Émilise Lessard-Therrien était élue députée de la circonscription de Rouyn-Noranda–Témiscamingue. Quelques jours après son élection, voilà qu’elle choisit son cheval de bataille : réduire les émissions d’arsenic de la fonderie Horne. L’arsenic est le roi des poisons. Toute exposition prolongée à l’arsenic comporte un risque, notamment celui de développer le cancer du poumon. Plus les victimes sont jeunes, plus elles sont vulnérables.
À l’image de La femme qui fuit, Émilise est présente sur tous les fronts pour aider sa communauté. À une exception près, Émilise ne fuit pas. Elle tient tête face au Goliath qu’est la fonderie, tout en élevant son enfant qui, rappelons-le, avait moins d’un an lors de son assermentation.
En 2019, elle publie dans Le Devoir « Arsenic : la crise dont personne ne veut parler ». Nous pouvons y lire : « La fonderie de cuivre a donné naissance à Rouyn-Noranda. Aujourd’hui, avec la complicité du gouvernement, elle empoisonne ses enfants. À 900 kilomètres de la colline parlementaire, la crise dont personne ne veut parler suit son cours, dans un silence assourdissant. »
Pendant quatre années, la députée solidaire milite dans l’indifférence la plus absolue. Jusqu’au début juillet, alors que tout change. De ce moment jusqu’au début de la campagne, pas un jour n’aura passé sans qu’on parle publiquement de la fonderie, sur toutes les tribunes.
Je n’ai jamais rencontré Émilise Lessard-Therrien, mais sa détermination m’inspire. À vrai dire, toutes ces Mères au front qui tiennent tête à ce même colosse m’inspirent.
Elles m’inspirent à en faire davantage pour ma communauté. Pour ma planète. Pour mes petits-enfants.
Émilise Lessard-Therrien n’a pas été réélue, mais le mouvement qu’elle a provoqué, lui, persiste.
La fonderie Horne n’est plus circonscrite à Rouyn-Noranda, elle est un peu notre geai moqueur de la transition écologique. Ce combat, comme tous les autres, prend naissance dans la détermination de certains leaders — Émilise et Mères au front dans le cas de la fonderie.
L’annulation de GNL Québec — qui a amené Québec à bannir l’exploitation des combustibles fossiles en sol québécois — est également une victoire attribuable aux mouvements sociaux, notamment le Front étudiant d’action climatique (FEDAC), qui a coalisé le mouvement étudiant. Le BAPE a reçu un record de mémoires au sujet de GNL Québec : plus de 3000. Il a conclu que le projet n’avait pas d’acceptabilité sociale. Le gouvernement a suivi leur recommandation.
Ensemble, nous sommes plus forts. Ensemble, nous pouvons faire changer les choses !
Voyez-vous, cela prend tout son sens, puisque jusqu’au 20 octobre, il y a des audiences publiques en ligne pour la fonderie. Le ministre de l’Environnement, Benoit Charrette, a dit, et je cite : « Si on avait le sentiment que la population n’est pas en appui à toutes ces conditions-là, c’est notre stratégie qui devra être revue et vraisemblablement nous obligerait à imposer des conditions encore plus sévères. »
Dit autrement, la balle est dans le camp des citoyens de Rouyn-Noranda. Il est primordial de faire valoir que la santé ne peut passer avant l’économie. La fonderie est bien trop stratégique à Glencore pour fermer. Advenant que les technologies ne puissent atteindre la réduction de 3 ng/m3, il reste l’option de demander à l’entreprise de dédommager les résidents afin qu’ils se trouvent une nouvelle demeure — exactement comme la société minière Osisko l’a fait, en 2009.
Plus généralement, notre société peut changer. À titre d’exemple, les 200 000 appels et courriels effectués par Climate Citizen Lobby ont influencé le débat public, et voilà que les Américains ont mis sur pied le projet de loi climatique le plus ambitieux de leur histoire.
Nos efforts ne sont pas vains. Toute cette pression que nous effectuons est un peu comme la matière noire : elle nous semble invisible, mais façonne notre univers. Or, rappelez-vous que quotidiennement, des millions de personnes nous accompagnent dans ce combat ; chaque geste posé est multiplié par millions.
Un jour, un point d’inflexion sera atteint et l’action climatique sera plus robuste que jamais. Bien que notre quotidien ne semble pas rose, je crois que nous sommes à l’aube d’une nouvelle ère. L’ère de l’action climatique.