Pourquoi choisir de vivre en français?

Je lis toutes ces chroniques depuis quelque temps sur l’état du français au Québec à partir d’Oslo, en Norvège, laquelle dénombre une population de la moitié de celle du Québec sur un vaste territoire : rien n’est en anglais et peu le parlent. Et ils ne sont pas moins prospères et épanouis qu’au Royaume-Uni. Bien au contraire. Et dans ce contexte, je ne peux faire autrement que de me souvenir — non pas que je suis né sous le lys et que j’ai prospéré sous la rose — mais plutôt de ce jour où je me suis dit que le fédéralisme avait gagné !
Ça s’est passé il y a près de huit ans. Je me rendais à Vancouver par train avec ma conjointe et mes deux jeunes enfants. Je vous rassure, cette victoire n’a pas été le fruit d’une grande stratégie gouvernementale de l’époque, ni celui d’un quelconque génie versé dans les relations Québec-Canada.
Comprenez-moi bien : je ne suis pas de ces personnes qui se sentent limitées par la présence anglophone. Le fait de maîtriser au moins deux langues me donne un avantage sur eux, et ce sera toujours le cas. Je pense aussi que Dawson est un magnifique cégep, que chaque personne peut librement envisager de fréquenter. Je suis aussi fier de ce que je suis, du Québec, de ma nation, et je ne m’en cache pas. J’ai aussi de hautes aspirations pour elle et pour nos enfants, pour le monde dans lequel nous vivons.
Du même souffle, je suis parfaitement d’accord que le gouvernement du Québec, par son ministère de l’Enseignement supérieur, plafonne les ressources financières en enseignement supérieur consacrées à la fréquentation en langue anglaise.
Je ne m’en cache pas non plus : le Québec doit consacrer le maximum de ressources à la fréquentation francophone. Offrir une qualité équivalente de services, voire meilleure dans les établissements francophones que dans tout le reste, c’est ce qu’il faut viser (et nous n’avons pas à limiter de jeunes adultes dans leurs décisions personnelles pour y arriver).
Pourquoi ? Parce que ce sont les jeunes francophones qui souffrent de sous-scolarisation, et en particulier les garçons francophones. Et le maintien du fait français en Amériques passe par l’attractivité des écoles francophones, des cégeps et des universités auprès des populations qui les fréquentent ou qui sont susceptibles de les fréquenter, partout sur le territoire, y compris dans nos territoires nordiques : les meilleurs enseignants, directions et autres personnels, espaces, environnements d’apprentissage, technologies… doivent s’y retrouver.
Voilà le seul plan viable : nous vivrons en français parce qu’on se plaira à un point tel dans cette langue que les jeunes francophones aspireront à s’y réaliser, tout comme les immigrants qui ne pourront qu’être séduits par tout ce que cette langue aura à leur offrir.
Ceci dit, cela ne change rien au statut du Québec et à la forme du Canada dont je parlais plus haut. Pourquoi ? À cause de la science et des technologies qui en découlent !
Quand je suis arrivé en train à Vancouver il y a huit ans avec ma jeune famille, je pouvais, pour la première fois et sans frais supplémentaires, partager nos activités avec nos parents, comme si j’étais dans mon jardin. Jeux d’eau sur la place publique en visio, vidéos de grimaces au restaurant, vélo au Stanley Park, les enfants pourchassant les outardes… Une proximité from coast to coast était devenue possible. La réalité de l’ouest pouvait être partagée en temps réel avec parents, famille, amis. Et je me suis dit : ils ont gagné ! C’est fini.
Mais cela ne doit pas nous empêcher de vivre en français, de le promouvoir, d’en faire une société prospère, équilibrée et ouverte : il s’agit de faire en sorte que vivre et grandir en français soit le meilleur choix, le plus payant, sur tous les plans. Non pas comme lorsqu’Hydro-Québec construisait la Manic et refusait des employés francophones parce qu’ils ne parlaient pas anglais : c’est l’inverse qu’il faut promouvoir !
Juste avant Oslo, j’étais à Sèvres pour un forum de l’Office for Climate Education de l’UNESCO. Au retour vers Paris, dans le train, j’ai pu échanger avec mes enfants en temps réel et leur montrer la beauté exceptionnelle du territoire français. J’ai orchestré un plan de souper avec ma conjointe que je devais rejoindre à Paris. J’ai payé mes comptes sur AccèsD en lisant LaPresse+ et Le Devoir, puis je suis entré en gare. J’ai marché jusqu’à mon hôtel, fier de ce que nous sommes, fier d’être là. J’étais fier de participer à la résolution des plus grands défis qui se dressent devant nous : l’éducation, l’enseignement supérieur et les changements climatiques.
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