Régionalisation, pour et sans nous

«Les — de plus en plus rares — directeurs régionaux ministériels en témoigneront : le « top-down », ça ne fonctionne pas en Abitibi-Témiscamingue», affirme l'autrice.
Photo: Marie-France Coallier Le Devoir

«Les — de plus en plus rares — directeurs régionaux ministériels en témoigneront : le « top-down », ça ne fonctionne pas en Abitibi-Témiscamingue», affirme l'autrice.

Depuis quelques mois, notre petit groupe informel de citoyens des cinq pôles de l’Abitibi-Témiscamingue réfléchissons à la meilleure façon de canaliser et d’impulser notre sentiment régional. Un sentiment qui brille avec puissance en chacun de nous, mais dont la flamme collective s’éteint tranquillement depuis la dissolution des Conférences régionales des élus, que nous regrettons amèrement.

Cette disparition a entraîné un affaiblissement de notre capacité d’agir, tout en éliminant un important vecteur de mise en commun de préoccupations et d’efforts de développement. « Nous avons l’outil, il manque la manière », chantait Stéphane Lafleur.

Nous avons l’amour du territoire, mais il nous manque l’espace qui nous permettrait de partager nos idéaux et de contribuer au développement conscient de notre milieu. Conscient plutôt qu’accidentel, électoraliste ou réactionnaire.

Nous souhaitons participer activement à la construction concertée de notre région, mais actuellement, nous gaspillons nos efforts à lutter, protéger, défendre nos valeurs, notre territoire, notre biodiversité, notre santé.

Nous dépensons notre énergie à gérer l’atterrissage de ce qui nous arrive du haut, qui nous comprend souvent mal, plutôt qu’à dessiner l’avenir que nous souhaitons pour nous et nos enfants qui grandiront ici.

Par exemple, qui nous a demandé quelles étaient nos priorités en matière de développement culturel lorsqu’on a décidé de nous balancer un Espace bleu dans notre fragile écosystème ? Personne.

Les — de plus en plus rares — directeurs régionaux ministériels en témoigneront : le « top-down », ça ne fonctionne pas en Abitibi-Témiscamingue. Puis, inversement, nos préoccupations régionales traversent tout aussi difficilement le parc La Vérendrye pour atteindre les décideurs.

C’est pourquoi nous avons été tout aussi surpris que réjouis de lire un texte d’opinion sur la décentralisation signé par Louis Bernard le 16 août 2022 dans les pages du Devoir. L’auteur apporte plusieurs éléments fort intéressants, en commençant par l’élection de préfets au suffrage universel ainsi que le principe de régionalisation à géométrie variable, en fonction des réalités des régions. Toutefois, il nous semble que le pouvoir citoyen brille tristement par son absence dans les propositions de M. Bernard.

Pouvoir citoyen

 

Nous croyons fermement que la population ne doit pas être maintenue dans l’ignorance des enjeux qui les touchent, faute de mécanismes leur permettant, d’abord, de s’informer, puis de se prononcer. Ce trou démocratique qui subsiste prive les élus d’un accès aux préoccupations et à l’intelligence collective des citoyens qu’ils représentent.

Nous vivons une multitude d’enjeux spécifiques qui mériteraient que nous soyons mieux organisés régionalement pour arriver à des solutions concertées qui collent à notre vision, nos valeurs et nos réalités territoriales : les relations avec les Premières Nations, la sécurité de notre « seul et premier » lien de transport, la protection des caribous et de nos eskers, la contamination de l’air par l’industrie, pour ne nommer que ceux-là.

Nous vivons les impacts directs des décisions qui sont prises à des centaines de kilomètres d’ici. Ce sont nous et nos enfants qui respirons les émissions de métaux toxiques. Décider pour et sans nous est tout aussi scandaleux qu’insensé.

Comme plusieurs autres au Québec, notre région est riche mais complexe et incomprise. Notre peuple est fort, brillant, audacieux, créatif. Il faut utiliser ses grandes capacités pour réfléchir et construire son avenir, plutôt que de le laisser brûler tout son « gaz » à tenter tant bien que mal de se faire entendre, comprendre et respecter.

Ont également signé cette lettre : Geneviève Aubry, Félix B. Desfossés, Jacques Baril, Marie-France Beaudry, Chloé Beaulé-Poitras, Bianca Bédard, Sébastien Bélisle, Cassiopée Bois, Amélie Brassard, Pascale Charlebois, Sonia Demontigny, Rosalie Chartier-Lacombe, Maude Labrecque-Denis, Paul-Antoine Martel, Mathieu Proulx, Guillaume Rivest.

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