Le Grand Prix, emblème d’une symbolique mortifère

Faut-il encore rappeler les faits ? Le Grand Prix du Canada est, par sa nature, une activité à fort impact environnemental. Certains en doutent encore ? « Faites vos recherches » et vous verrez qu’il ne s’inscrit pas dans les pistes d’actions proposées par le GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) pour négocier le virage climatique.
Malgré tout, nos décideurs, qui disent pourtant écouter la science, ne semblent pas convaincus qu’il serait temps d’en finir avec ce cirque de gladiateurs du bitume. Pour alimenter la réflexion, je leur propose une autre grille de lecture, unanimement reconnue, et qui devrait les guider pour évaluer le bien-fondé des projets sur la société.
Nos gouvernements reconnaissent presque tous la pertinence des Objectifs de développement durable (ODD) proposés par les Nations unies (ONU). Montréal et de nombreux organismes qui contribuent à son rayonnement en font la promotion. Ces ODD présentent 17 objectifs à atteindre « pour sauver le monde », comme on peut le lire sur le site de l’ONU. Une rapide lecture de ces derniers permet de constater que le GP ne répond à aucun d’entre eux… Pire, il va même à l’encontre de certains, comme l’ODD 11 qui invite à bâtir des villes et des communautés durables, et auquel Montréal souscrit.
Certains diront que tout a un impact. La culture (musique, théâtre, littérature, grands festivals), les hôpitaux et l’éducation ont aussi leur lot d’impacts environnementaux… Oui, c’est vrai. Malgré ces impacts, un festival musical, par exemple, contribue positivement à la qualité de vie d’un très grand nombre de personnes, sans trop dégrader la qualité de l’air, sans faire la promotion du gaspillage de ressources ou de la consommation de carburant fossile émetteurs de GES… ce qui n’est pas le cas du Grand Prix !
Pour évaluer la pertinence d’un projet en regard des exigences du développement durable, il faut mettre les impacts environnementaux en perspective des retombées sociales positives pour la société (Foot Print VS Hand Print) et, surtout, il faut être honnête et objectif dans l’évaluation de ces retombées, pour ne pas balayer sous le tapis les externalités négatives lorsqu’elles sont nombreuses.
Mais, finalement, au-delà des arguments rationnels (objectifs de développement durable, pollution, coût social, exploitation des femmes, gaspillage des ressources), le Grand Prix demeure le véhicule emblématique d’une symbolique mortifère. Il ne faut pas négliger l’importance des symboles et de leur cohérence avec les actions que nous devons collectivement entreprendre dès maintenant pour bâtir un futur possible.
Sous prétexte des soi-disant retombées économiques du Grand Prix (qui restent à démontrer compte tenu des investissements des gouvernements), les défenseurs de l’événement s’accrochent au statu quo dans mon monde rendu ailleurs. Espérons que le changement s’opérera aussi vite que les autos rouleront en fin de semaine et que, collectivement, contrairement aux bolides, nous arrêtions de tourner en rond.