Lettre de Lucien Bouchard à Alice Lévesque: «Je n’escompte pas la disparition du PQ»

«Il ne m’appartient pas, pas plus qu’à quiconque, de décréter la mort d’un parti, mais aux électeurs», réplique Lucien Bouchard. 
Photo: Valérian Mazataud Le Devoir «Il ne m’appartient pas, pas plus qu’à quiconque, de décréter la mort d’un parti, mais aux électeurs», réplique Lucien Bouchard. 

Chère Madame Lévesque,

Alors que nous nous apprêtons à souligner le 100e anniversaire de naissance de votre regretté frère René, j’aurais souhaité que, justement, tout ceci puisse se faire dans la plus belle des fraternités. Croyez-moi, cela m’attriste de vous savoir en colère, et si je puis l’apaiser le moindrement avec ces quelques mots, j’entreprends à mon tour de vous les écrire.

Dans votre lettre, vous m’invitiez à faire preuve de plus de rigueur et d’équilibre dans l’évaluation d’un élément central de l’héritage de votre frère, soit le véhicule politique qu’il a créé, le Parti québécois (PQ). En vérité, personne ne peut contester le rôle fondamental qu’a joué ce parti dans notre histoire récente. Cela est tellement important que c’en est acquis.

Oui, au cours d’un récent entretien, j’ai eu des mots durs pour plus d’une formation politique, dont le Parti québécois, tout en en ayant aussi de bons. J’ai mis en garde contre les prédictions trop rapides en disant « qui connaît l’avenir », « riche de tous les possibles ». J’ai réitéré que l’indépendance est une « nécessité politique », que « le rêve est toujours là ». J’ai dit clairement que « je n’escompte pas la disparition du PQ ». C’est l’intégralité de mes propos — dans une entrevue qui, à l’écran, fait plus de vingt minutes — qui forment un tout beaucoup plus nuancé que ce qu’ont pu définir quelques manchettes ou que voudront faire croire ceux qui font encore, activement, de la politique partisane.

La lettre d'Alice Lévesque

Monsieur Bouchard, je suis en colère

C’est aussi la mémoire du grand démocrate qu’était votre frère qui m’anime lorsque je dis, au sujet du véhicule qu’est le Parti québécois, que « si » — et j’insiste, « si » — les gens n’en veulent plus, on devra en choisir un autre. Nous savons bien que M. Lévesque allait plus loin, en distinguant fortement les idées des partis, et en appelant ces derniers « à inclure dans leurs statuts une clause prévoyant qu’il[s] disparaîtr[ont] au bout d’un certain temps », évoquant même l’idée que ce soit aussi court qu’une génération. À ce compte, je l’admets, le Parti libéral serait probablement mort et enterré depuis fort longtemps. À dix et seize ans d’existence, la Coalition avenir Québec (CAQ) et Québec solidaire (QS) entreraient presque déjà dans leur fin de vie utile.

La vérité, c’est qu’il ne m’appartient pas, pas plus qu’à quiconque, de décréter la mort d’un parti, pas davantage que sa survie, mais aux électeurs. C’est ce que j’ai exprimé. Pour le reste, nous aurons une petite partie de la réponse en octobre, mais encore là, elle ne saurait être définitive.

Quant à moi, en prenant bonne note de vos commentaires, j’entends m’efforcer de rendre hommage à votre frère à la hauteur de sa mémoire, de son héritage et de ce qu’il mérite plus que tout. Vous le reconnaissez, j’estime et j’aime votre frère.

Avec, à mon tour, mes salutations respectueuses.



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